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MÉTHODES ET OUTILS

4. GÉOCHIMIE DES ISOTOPES STABLES

Il existe dans la nature 300 isotopes stables et 1200 isotopes radioactifs de l’ensemble des 92 éléments chimiques (Moore, 2001).

4.1. Définition des isotopes stables

Une espèce atomique X est caractérisée par son nombre de protons et de neutrons. Les isotopes d’un élément chimique X ont tous le même nombre de protons, indiqué par le nombre atomique Z, mais présentent des masses atomiques différentes, en raison d’un nombre de neutrons différents.

D’une façon générale, le comportement des isotopes d’un élément ne varie que peu entre eux, du fait que les réactions chimiques sont gouvernées par la structure électronique de l’atome plutôt que le nombre de neutrons que renferme l’atome (Arthur et Anderson, 1983). Cependant, la différence de masse atomique, bien qu’elle soit très faible, a des conséquences significatives durant les cycles et processus naturels (Arthur et Anderson, 1983). Le principe de la géochimie isotopique repose sur cette différence de masse.

Ces différences de masse atomique sont plus importantes pour les éléments ayant un nombre atomique faible et peuvent engendrer de très grandes différences de distribution des isotopes pendant des processus physiques tels que l’évaporation, la condensation, la photosynthèse, la synthèse biologique et les phases de transformation (Moore, 2001). La différence de distribution des isotopes stables qui a lieu durant ces processus physiques est désignée par le terme « fractionnement ». Le fractionnement isotopique est quantifié par la notation δ, et est exprimé par l’équation suivante :

1000 standard standard ) ( x R R Rx X − = δ

Où RX est le rapport isotopique de l’échantillon (13C/12C pour le carbone, 18O/16O pour l’oxygène, etc.…), et Rstandard est le rapport isotopique du standard utilisé (définition plus loin).

Comme le montre l’équation, δ exprime la différence du rapport isotopique entre un échantillon et le standard, différence exprimée en ‰.

4.2. Les standards de références des isotopes

Les standards internationaux sont des corps reconnus conventionnellement comme présentant une composition isotopique de référence.

- Le PDB en référence à une bélemnite de la Formation Pee Dee du Crétacé en Californie. Le standard PDB est utilisé quand il s’agit de déterminer la composition isotopique en oxygène d’un sédiment carbonaté.

- Le deuxième standard utilisé pour l’oxygène est le SMOW, le SMOW (Standard Mean Ocean Water)est une eau hypothétique dont les rapports isotopiques en 18O et Deutérium (D) correspondent à la moyenne des rapports isotopiques de l'eau des océans. Ce standard a été évalué par (Craig, 1961). Le SMOW est utilisé pour déterminer la composition isotopique en oxygène de l’eau.

Pour le carbone, les variations isotopiques sont exprimées en utilisant le PDB.

4.3. Le fractionnement isotopique

Le fractionnement isotopique désigne la différence de distribution des isotopes stables qui se produit dans la nature, soit au cours des processus d'assimilation biologique (du carbone par les plantes, ou de l’O2 par les organismes à coquilles) soit au cours des processus physico-chimiques tel que la dissolution du gaz carbonique atmosphérique dans l'eau de mer. Il s'ensuit des enrichissements ou des appauvrissements d'un isotope par rapport aux autres.

Ce fractionnement des isotopes est le principe de l’utilisation des isotopes stables dans l’étude diagénétique (Arthur et Anderson, 1983).

4.3.1. Fractionnement isotopique de l’oxygène lors des changements de phase de l’eau

Au moment d'une évaporation, la vapeur d'eau est appauvrie en H218O par rapport au liquide dont elle est issue. Inversement, lors d'une condensation, les précipitations (pluie et neige) sont enrichies en H218O par rapport à la vapeur à partir de laquelle elle condense. La vapeur formée au-dessus des océans est dite "appauvrie" (en H218O) par rapport à l'eau de mer. Lors du transport de cette vapeur des basses vers les hautes latitudes, et des océans vers les continents, les condensations successives "appauvrissent" encore plus la vapeur (Figure I.24).

À chaque condensation, les précipitations sont "enrichies" par rapport à la vapeur, mais ceci ne compense pas l'appauvrissement acquis progressivement par la vapeur. Les précipitations sont donc de plus en plus "appauvries" ce qui veut dire que le δ18

O devient de plus en plus négatif.

4.3.2. Fractionnement isotopique de l’oxygène dans les carbonates

C’est Urey et son équipe qui entre 1940 et 1950 ont été les premiers à prédire que la température de précipitation de la calcite (CaCO3) permet de déterminer les variations isotopiques dans le rapport 18O/16O du carbonate de calcium, tout en signalant qu’on peut appliquer cette relation pour déterminer les paléotempératures des carbonates marins. Et c’est à partir de ces études qu’Urey et son équipe ont pu mettre en évidence l’interprétation des variations isotopiques du δ18

O dans les carbonates.

Figure I.24.- illustration du fractionnement et de l’enrichissement de l’eau de pluie en δ18

O avec son déplacement à l’intérieur des terres selon le processus de Rayleigh (White, 2001) 4.3.3. Fractionnement isotopique du carbone dans les carbonates

Les variations du 13C sont dues aux interactions eaux-sédiments. En effet, les carbonates qui précipitent dans une eau donnée reflètent la composition isotopique de celle-ci. Ainsi, des carbonates qui précipitent dans une eau météorique auront une composition isotopique plus faible que des carbonates précipités en eau marine (Moore, 2001) [Figure I.25].

4.4. Apport de cette approche pour notre étude

Les eaux météoriques présentent des compositions isotopiques en δC13 et δO18 faibles par rapport à l’eau de mer. Cette dernière est caractérisée par des valeurs de δO18 qui varient de quelque ‰ autour de zéro et des valeurs de δC13 de 0 à 4 ‰. Les variations du δO18 sont dues au fractionnement isotopique qui se produit lors des changements de phases en étroite relation avec les variations climatiques alors que les variations du δC13 sont dues aux interactions eau-sédiment (Anderson et Arthur, 1983) [Figure I.25].

Les carbonates qui précipitent dans une eau donnée, présentent les compositions isotopiques qui reflètent celle de cette eau (Moore, 2001). Ainsi, un ciment qui précipite à partir d’une eau météorique aura une composition isotopique faible en δ18

O et en δ13 Cpar rapport à un ciment qui précipite à partir d’une eau marine.

Ceci rend très utile l’analyse des isotopes stables de l’oxygène et du carbone pour l’étude des environnements de dépôt de carbonates fossiles : cette analyse permet de préciser la nature de l’eau à partir de laquelle les carbonates ont précipité et donne donc des informations sur le milieu de dépôt des carbonates [Figure I.26].

Figure I.25. Représentation des variations du δ13

C et δ18

O dans un environnement météorique (Moore, 2001)

Figure I.26. Distribution des compositions isotopiques du δ13

C et δ18

O dans les sédiments carbonatés, les ciments et les calcaires en fonction des facteurs qui les contrôlent (Moore, 2001)