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1 Evolution

Les péricentromères constituent une structure conservée puisqu’on les retrouve chez presque tous les organismes eucaryotes, où ils se forment sur des séquences répétées. Néanmoins, ces séquences sont extrêmement divergentes entre les espèces, laissant penser que la séquence primaire n’a pas d’importance capitale pour l’établissement de l’hétérochromatine, et que le ciblage de ces régions se fait de manière épigénétique. La même problématique se pose pour les centromères qui ont été plus étudiés que les péricentromères de ce point de vue. Chez la levure à fission S.pombe comme dans des cellules humaines, l’apport d’une séquence d’ADN contenant des séquences centromériques, peut conduire à la création de mini-chromosomes, contenant des « néocentromères » fonctionnels. Néanmoins des chromosomes ne contenant pas de séquences centromériques arrivent à compenser ce manque et à créer des « néocentromères » sur des séquences non-centromériques. La séquence serait donc potentiellement suffisante mais pas nécessaire. On trouve également chez le cheval, l’orang-outang, ou encore le poulet, des centromères basés sur des séquences non répétées sur certains chromosomes (Fukagawa and Earnshaw 2014). Il a été proposé pour les centromères, que l’épigénétique permette d’agir comme un tampon pour les variations de séquences, offrant une marge de variation pouvant éventuellement être bénéfique d’un point de vue évolutif (Murphy and Karpen 1998). En effet, les séquences satellites qu’elles soient centromériques ou péricentromériques, sont parmi les régions qui évoluent le plus rapidement des génomes. Il est proposé que cette divergence participe à l’isolement reproductif entre les espèces (Ferree and Prasad 2012). Néanmoins Gilliland et al, en 2015, rapporte une ségrégation chromosomique normale

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Figure 16 : Représentation des péricentromères chez différentes espèces. CT : centromères.

Figure 17 : Organisation spatiale des péricentromères et de leurs transcrits chez la souris. DNA-FISH d’après (Guenatri et al. 2004). L’ADN satellite majeur, soit les péricentromères, est marqué en vert, et l’ADN satellite mineur, soit les centromères, est marqué en rouge. a : DAPI + Sats majeurs + sats mineurs. b : DAPI +sats mineurs. c : Sats majeurs + sats mineurs. d : grossissement de c. RNA-FISH d’après (Maison et al. 2011). Des sondes contres les ARN satellites majeurs brin-spécifiques (sens en vert, antisens en rouge) sont utilisées en plus d’un marquage DAPI en gris.

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lors de la méiose, entre des chromosomes provenant de deux espèces de drosophile dont l’hétérochromatine est extrêmement divergente (Gilliland et al. 2015).

2 Les séquences

S.pombe est un organisme très utilisé pour l'étude des PCTs. Les séquences qui composent les

péricentromères sont les « outers repeats », composées de deux types de séquences, les dh et les dg, de 4,4Kb et 4,8Kb, répétées en tête-bêche (Fig 16). Ces séquences contiennent elles-mêmes un certain nombre de courtes séquences répétées. Elles sont toute deux riches en bases A et T (adénine et thymidine), mais ne possèdent pas d’homologie entre elles. En revanche les répétitions dh possèdent 80% d’homologie entre elles et les dg 99%. Chez la souris, c’est une seule séquence, les satellites majeurs (234pb) répétée sur 6 Mb, également riche en AT, qui constitue les péricentromères. Chez l’humain on distingue les satellites Beta (68pb), 1 (42pb, enrichie en AT), 2 (5pb) et 3 (5pb), qui sont répartis de manière différentielle selon les chromosomes, plus ou moins dégénérées entre ces derniers, et parfois séparées par des séquences « spacer ». Chez ces 3 espèces, on rapporte une transcription de ces séquences en ARN non-codant, qui sera commentée plus tard dans ce manuscrit. Chez la levure S.cerevisiae, qui n’a pas de péricentromères à proprement parler, on observe néanmoins, une homologie entre les séquences qui entourent les centromères (séquences CDE) et les satellites humains (Grady et al. 1992). Ces observations montrent bien à quel point les organisations et les séquences divergent, en revanche nous allons voir que les structures moléculaires présentent certaines conservations.

3 Organisation spatiale

Chez la souris, les séquences satellites majeurs sont très riches en A et T et répétées sur environ 6 mégabases à côté du centromère. Le DAPI (4’,6’-diamidino-2-phénylindole), une molécule fluorescente classiquement utilisée pour marquer l’ADN, se lie à ces bases. Ainsi les régions péricentromériques sont fortement marquées par ce colorant. Un marquage en DAPI sur des cellules de souris permet donc de visualiser directement les péricentromères, qui s’organisent en foyers : les chromocentres, décrits par Hsu et al, en 1971 (Fig 17). Plusieurs péricentromères de différents chromosomes s’associent dans un seul chromocentre (Guenatri et al. 2004), et les centromères (composés de « satellites mineurs »), y sont retrouvés en périphérie, tout comme les transcrits des satellites (majeurs et mineurs) (Fig 17). Alors que chez S.pombe, les 3 chromosomes se regroupent en 1 seul chromocentre, on retrouve entre 8 et 30 chromocentres dans un noyau de cellule de souris. Cette organisation spatiale en chromocentres est conservée chez l’homme, bien que non détectable en DAPI.

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Figure 18 : Principe de variégation. A) Schéma de réarrangement attribuable à l’inversion provoqué par les rayons X qui place le locus White, normalement localisé dans l’euchromatine du chromosome X, à environ 25Kb de la cassure, dans l’hétérochromatine péricentrique. Les photos montrent les phénotypes associés au niveau de la couleur des yeux. B) Phénotypes associés aux enhancers E(var) ou suppresseurs de variégation Su(var). D’après (Elgin and Reuter 2013).

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En effet, on peut l’observer en réalisant des immunofluorescences contre les composants principaux des péricentromères, la protéine HP1alpha, H3K9me3, ou la méthyltransférase SUV39H1. A noter que la répartition spatiale des chromocentres à l’intérieur du noyau est dynamique en fonction du contexte. Par exemple, une modification de positionnement des péricentromères, ainsi que des réarangements des chromocentres, peuvent être détectés dans certaines pathologies (Dupont et al. 2012), ou au cours de processus de différenciation cellulaire (Beil et al. 2002),(Almouzni and Probst 2011). En effet, l’extinction transcriptionelle à long terme nécessaire aux processus de différenciation cellulaire, semble impliquer des repositionnements de certains gènes dans des compartiments hétérochromatiniens (Beil et al. 2005).