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1 les protéines BETs

Il existe 46 protéines contenant des bromodomaines capables de reconnaitre les lysines acétylées, certaines protéines possédant de multiples bromodomaines (Filippakopoulos et al. 2012). La famille des protéines BETs (Bromodomain and Extra-terminal) se caractérise par la présence de deux bromodomaines (BD1 et BD2) dans leur partie N-terminale, et d’un domaine extra-terminal (ET) spécifique de cette famille, dans leur partie C-terminale. Le domaine ET est considéré comme un domaine d’interaction protéine-protéine, mais ses fonctions restent mals connues (Lin et al. 2008). Il existe deux protéines BETs chez la levure S.cerevisiae, Bdf1 et Bdf2, et 4 chez les mammifères, BRD2, BRD3, BRD4 et BRDT (Fig 34). BRD4 et BRDT se distinguent par la présence supplémentaire d’un motif C-terminal (CTM). Les protéines BETs sont largement associées à l’activation transcriptionnelle

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Figure 35 : Modèle de travail de l’échange histones-PTs au cours de la spermatogenèse. L’acétylation de sites critiques tels que H3K122 ou H3K64 déstabilisent le nucléosome, tandis que l’acétylation de l’extrémité N-terminale de l’histone H4 permet le recrutement de BRDT qui peut commencer le processus d’éviction et de remplacement des histones. Les histones acétylées sont alors dégradées via entre autre l’action du spermatoprotéasome. Modifié d’après (Goudarzi et al. 2014)

Figure 36 : Compaction de la chromatine médiée par la protéine BRDT, en contexte d’hyperacétylation. Des cellules de primates sont traitées ou non à la TSA, avec en parallèle une surexpression par ajout d’un plasmide, de la protéine BRDT pleine taille taguée (S-BRDT). Le marquage vert permet de suivre l’expression de la protéine surexprimée, et le marquage au DAPI permet de visualiser l’ADN. Les images à faibles grossissements permettent de voir des cellules non transfectées, qui montrent que le seul traitement à a TSA n’induit pas la compaction. D’après (Pivot- Pajot et al. 2003).

Spermatide

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(voir à l’élongation de la transcription pour BRD4 et BRDT), et surtout à la régulation de cycle cellulaire (Wang and Filippakopoulos 2015),(Belkina and Denis 2012). Des translocations chromosomiques des gènes BRD4 et BRD3 sont impliqués dans des cancers, et différents inhibiteurs des protéines BETs sont en phase d’essais cliniques (Wang and Filippakopoulos 2015). BRD2 comme BRD4 sont essentielles au développement embryonnaire et le KO de l’un ou l’autre est létale chez la souris (Shang et al. 2009),(Houzelstein et al. 2002).

2 Modulation de la compaction de la chromatine par les protéines BETs a BRDT dans la spermatogenèse

BRDT est spécifiquement exprimée dans les testicules, bien qu’un groupe ait détecté une faible expression dans le cerveau (Shang et al. 2004). Le domaine BD1 de BRDT reconnait l’histone H4 simultanément acétylée sur K5 et K8 (Moriniere et al. 2009), ce qui est considéré comme un indicateur de l’actétylation globale de la queue N-terminale de l’histone H4 (Goudarzi et al. 2014). Au cours du processus de spermatogenèse, des cellules progénitrices (les spermatogonies) subissent une différenciation, donnant des spermatocytes, qui vont rentrer en méiose pour donner des cellules haploïdes, les spermatides, qui subiront ensuite une série de transformation pour donner le spermatozoïde. Ce dernier possède une compaction de l’ADN très particulière, puisque lors de la spermatogenèse, les histones se voient remplacées par des protéines de transition (PTs) puis par des protamines, pour former une chromatine hautement compactée, bien que la contribution des protamines à ce haut degré de compaction soit encore mal comprise. Ce processus constitue un remaniement drastique de la chromatine, faisant de la spermatogenèse un modèle d’étude particulièrement intéressant (Fig 35). Or, une vague d’acétylation massive de l’histone H4 survient lors de l’élongation des spermatides, au moment de cet échange histone-PTs, acétylation qui est nécessaire à cet échange (Oliva et al. 1987),(Lu et al. 2010),(Goudarzi et al. 2014). Néanmoins, le mécanisme moléculaire qui sous-tend cet échange et la compaction qui s’en suit est resté assez énigmatique. En 2003, il est observé qu’un traitement à la TSA, et donc une hyper-acétylation des histones, associée à une surexpression de la protéine BRDT, conduit à une compaction globale de la chromatine dans des cellules de mammifères (Fig 36) (Pivot-Pajot et al. 2003). Les deux bromodomaines ainsi que leurs régions flanquantes sont nécessaires à cette compaction médiée par la TSA. La liaison de ces deux bromodomaines aux lysines acétylées suivie d’interactions BRDT-BRDT pourrait être à la base de ce phénomène de compaction par l’acétylation, en rapprochant les nucléosomes adjacents. Ainsi, la protéine BRDT pourrait faire le lien entre cette vague d’acétylation et ce remodelage chromatinien, amenant un premier lien entre protéine à double bromodomaines et compaction chromatinienne. En effet, les souris mutantes pour le domaine 1 de BRDT, présentent

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des défauts de spermatogenèse, qui semblent coïncider avec le moment de cet échange d’histone (Shang et al. 2007), et ces souris échouent dans l’échange histones-PTs (Gaucher et al. 2012). Un modèle peut être posé, où cette vague d’acétylation de l’histone H4, serait reconnue par BRDT, qui entrainerait la compaction de la chromatine, menant à l’échange histones-PTs, par un mécanisme encore mal compris. L’acétylation des histones sur les lysines du domaine globulaire permettrait ensuite le ciblage des histones au protéasome pour leur dégradation une fois retirées de la chromatine (Qian et al. 2013).

Alors que l’acétylation des histones disparait dans la quasi-totalité du génome à la suite de l’échange histones-protamines, elle persiste au niveau de la chromatine péricentromérique, où on observe l’acétylation d’H4 sur K12 et K8 (van der Heijden et al. 2006). Or, en modulant le fond génétique dans des souris mutantes pour le domaine BD1 de BRDT, une équipe révèle une anomalie de formation de l’unique chromocentre qui se forme normalement au premier stade du spermatide, avec une localisation de BRDT qui suggère qu’il joue un rôle de barrière entre le péricentromère et le reste de la chromatine (Berkovits and Wolgemuth 2011). Ce rôle des protéines à double bromodomaines dans la barrière hétérochromatine/euchromatine, se retrouve chez S.cerevisiae, où BDF1 permet la barrière hétérochromatine/euchromatine au niveau des télomères ainsi qu’au niveau du locus Mat (Ladurner et al. 2003).

 b BRD2/4 et compaction de la chromatine

Le domaine BD1 de BRD2 se lie en dimère à H4K12ac (Umehara et al. 2009), alors que le domaine BD2 se lie à H4 acétylé simultanément sur K5 et K12 (Umehara et al. 2010). BRD4 se lie in vitro à des petides di-acétylés sur H4K5 et H4K12 (Dey et al. 2003). La présence de BRD2 et BRD4 persiste sur les chromosomes mitotiques, et donc fortement compactés, dans des cellules humaines (Kanno et al. 2004),(Dey et al. 2009). En effet alors que les chromosomes métaphasiques se retrouvent globalement hypo-acétylés, il y reste un niveau significatif de H4K5ac et H4K12ac. On voit ici apparaitre un lien entre protéines à double bromodomaines, compaction chromatinienne, et H4K12ac via les protéines BRD2 et BRD4. En 2012, une étude rapporte que l’utilisation d’ARN interférence contre BRD4 dans des cellules humaines, conduit à une décompaction globale de la chromatine, faisant un nouveau lien entre acétylation d’histones et compaction, via une protéine à double bromodomaines (Wang et al. 2012). En revanche la surexpression d’un dominant négatif de BRD4 muté pour le domaine CTD entraine une fragmentation de la chromatine. En 2013, une autre étude rapporte l’effet du siRNA BRD4 sur la compaction globale de la chromatine, mais uniquement lors du ciblage d’une isoforme délétée pour la partie CTD. En effet, dans cette étude, l’utilisation d’un siRNA contre l’isoforme pleine taille n’a pas d’effet (Floyd et al. 2013). Or, lors des expériences de

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surexpression de BRDT avec traitement à la TSA par pivot-pajot et al., la surexpression d’une forme de BRDT tronquée pour sa partie C-terminale entrainait une compaction de la chromatine plus marquée qu’avec la forme pleine taille (cette dernière étant la plus exprimée au niveau ARNm dans les gonades) (Pivot-Pajot et al. 2003). En 2013, une équipe montre le rôle d’une isoforme de BRD4 tronquée pour le domaine CTD dans l’insulation des sites de cassures de l’ADN et par conséquent la régulation de la signalisation des dommages. Les condensines sont des complexes moléculaires, assez proches structurellement des complexes cohésines, qui permettent la structuration des chromosomes mitotiques et interphasiques. Cette insulation est médiée par le recrutement de condensines par la protéine BRD4, empêchant la formation d’ilôt gammaH2AX, une modification d’un variant d’histone nécessaire à la signalisation des dommages (Floyd et al. 2013). Ainsi, alors que toutes ces données appuient une connexion entre protéines BETs et compaction de la chromatine, le domaine CTD présent chez BRD4 et BRDT semble plutôt antagoniste à cette fonction.

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