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Chapitre 1. Généralités sur la drépanocytose

1.2 Génétique

1.2.1 Mode de transmission

La drépanocytose se transmet selon le mode autosomique récessif pour les cliniciens,

car seuls les sujets homozygotes sont considérés comme malades. Par contre, pour les

biochimistes, il s’agit d’une affection à transmission codominante car l’hémoglobine S est

observée chez les sujets hétérozygotes. La transmission se fait selon les lois de Mendel.

Ainsi, dans un couple de sujets hétérozygotes AS, la probabilité à chaque grossesse de

naissance d’un enfant homozygote SS est de 25%, celle d’un enfant homozygote AA 25%, et

celle d’un enfant hétérozygote AS de 50%.

1.2.2 Génétique moléculaire

La drépanocytose est due au remplacement d’un acide glutamique par une valine en

position 7 de la chaîne ɴ-ŐůŽďŝŶĞ ;ɴ7 GluїVal). Avec le code génétique, il a été établi que

cette substitution était liée à la mutation ponctuelle d’une seule base transformant le codon

7 de GAG en GTG. L’hémoglobine qui en résulte est appelée hémoglobine S. Les patients

souffrant de drépanocytose présentent deux copies de cet allèle anormal. Les sujets AS sont

qualifiés de « porteurs du trait drépanocytaire ». Le syndrome drépanocytaire est également

observé lorsque l’allèle ɴ

S

ĐŽĞdžŝƐƚĞ ĂǀĞĐ ƵŶ ĂůůğůĞ ɴ-thalassémique puisque ceci a pour

conséquence l’absence ŽƵ ůĂ ƌĠĚƵĐƚŝŽŶ ĚĞ ƐLJŶƚŚğƐĞ ĚĞƐ ĐŚĂŠŶĞƐ ɴ-globine normales. On

parlera alors de thalasso-ĚƌĠƉĂŶŽĐLJƚŽƐĞ ;ĨŽƌŵĞ ^ɴ

+

ŽƵ ^ɴ

0

) qui est fréquente dans les

populations d’origine méditerranéenne. Les formes homozygotes SS et hétérozygotes

ĐŽŵƉŽƐŝƚĞƐ^ɴ

0

constituent les formes les plus sévères de la maladie drépanocytaire.

Plus de 1000 variants de l’hémoglobine sont aujourd’hui répertoriés dans la banque

de données HbVar accessible sur internet

(http://globin.cse.psu.edu/globin/hbvar/menu.html). Moins d’un tiers d’entre eux ont des

répercussions cliniques, la mutation intervenant dans une zone critique pour le

fonctionnement de la molécule. Cinq Hb anormales autres que l’HbS occupent une place

prépondérante vis-à-vis de la drépanocytose : l’HbC est la plus fréquente, notamment en

Afrique(32, 33), l’HbE se rencontre surtout dans les populations du sud-est asiatique (34)

tandis que l’Hb O-Arab ;ɴϭϮ2 'ůƵї>LJƐͿ Ğƚ ů͛,ď -WƵŶũĂď ;ɴϭϮ2 'ůƵї'ůŶͿ ƐŽŶƚ ŵŽŝŶƐ

fréquentes. Enfin, l’Hb Lepore est le résultat d’un crossing-over non homologue entre les

gèŶĞƐɷ Ğƚɴ(35). L’effet pathologique de ces 5 Hb à l’état hétérozygote est minime, mais en

association avec l’HbS (hétérozygotie composite), elles conduisent à des syndromes

drépanocytaires majeurs (SDM). Il existe aussi certains variants de l’Hb assez rares qui sont

caractérisés par une double mutation en cis sur le même allèle ɴ-globine: l’allèůĞɴ

S-Oman

;ɴ7

'ůƵїsĂůĂƐƐŽĐŝĠĞăɴϭϮ2 'ůƵї>LJƐͿet l’allèůĞɴ

S-Antilles

;ɴ7 'ůƵїsĂůĂƐƐŽĐŝĠĞăɴϮ4 sĂůї/>ĞͿ

en sont deux exemples. Cette double mutation conduit à une expression clinique de SDM

même à l’état hétérozygote et on parlera de ‘syndrome drépanocytaire dominant’ (36-38).

1.2.3 Polymorphisme génétique

Toutes les variations de séquence au niveau de l’ADN ne sont pas pathologiques. Il

existe, d’un individu à l’autre, des variations neutres sans aucune expression phénotypique.

Lorsque la fréquence de ces mutations silencieuses est supérieure à 1%, on parle de

polymorphisme ou single nucleotide polymorphism (SNP). Lorsque le polymorphisme porte

sur un site reconnu spécifiquement par des enzymes de restriction (endonucléases de

restriction), on parle de “polymorphisme de restriction’’ détectable par technique RFLP pour

restriction fragment lenght polymorphism. Le premier site de restriction polymorphe décrit

ĚĂŶƐůĞĐůƵƐƚĞƌɴ-globine a été le site de l’enzyme HpaI en 3’ du gène ɴ-globine. Il a été décrit

comme étant en déséquilibre ĚĞ ůŝĂŝƐŽŶ ĂǀĞĐ ůĂ ŵƵƚĂƚŝŽŶ ɴ

S

chez des patients

afro-américains mais cette association, qui a été la base du premier diagnostic prénatal (DPN) de

drépanocytose, n’était pourtant pas absolue (39).

Un haplotype correspond à plusieurs SNPs proches l’un de l’autre sur le même

chromosome et qui sont donc souvent transmis ensemble. Au cours de l’évolution, sont

ensuite apparues les différentes mutations du gène ɴ-globine, chacune se faisant donc sur

un fond génétique particulier selon le groupe d’individus concernés. Comme les brassages

de populations n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, cette liaison génétique entre une

mutation donnée et un ŚĂƉůŽƚLJƉĞɴ-globine particulier a perduré jusqu’à nos jours (notion

d’effet fondateur). D’un point de vue épidémiologique, ceci permet ainsi de déterminer si

une mutation a une origine unique (un seul haplotype E-globine associé) ou est apparue

plusieurs fois dans l’évolution dans des régions géographiques bien distinctes (plusieurs

haplotypes associés) (40). La mutation ɴ

S

est présente

ƐƵƌϱŚĂƉůŽƚLJƉĞƐĚŝƐƚŝŶĐƚƐĚƵĐůƵƐƚĞƌɴ-globine, chacun étant spécifique d’une région géographique donnée. Ceci signifie que cette

mutation est apparue au moins à 5 reprises dans l’évolution et ce, de façon indépendante.

ĞƐŚĂƉůŽƚLJƉĞƐɴ

S

majeurs sont dénommés ‘Bantu’, ‘Senegal’, ‘Benin’, ‘Cameroon’, et

‘Arab-Indian’ (41). L’origine géographique des 3 principaux haplotypes africains (Bantu, Senegal et

Benin) et de l’haplotype de la péninsule arabique est représentée sur la Figure 2.

Origine géographique et dissémination des 4 premiers haplotypes drépanocytaires

majeurs.

Tiré de (42). L'haplotype Cameroon est apparu plus tard dans l'évolution et a une répartition géographique

moins délimitée.

La Figure 3 ci-dessous détaille les caractéristiques de chacun de ces haplotypes selon

8 SNPs majeurs parmi ceux définis par Orkin (43). Comme, historiquement, on utilisait la

RFLP pour génotyper ces SNPs, chacun est défini par le nom de l'enzyme de restriction

utilisée suivi du symbole du gène ɴ-globine le plus proche. Par exemple,'HincII ɸ' désigne le

SNP rs116970755 qui est localisé en amont du gène ɴ-globine.

ĠƚĞƌŵŝŶĂƚŝŽŶĚĞƐϱƉƌŝŶĐŝƉĂƵdžŚĂƉůŽƚLJƉĞƐɴ^ƉĂƌWZ-Z&>W

Le signe (+) indique que l'enzyme de restriction utilisée coupe; le signe (-) indique le contraire.

A côté de ces haplotypes ‘majeurs’, il existe bien sûr des haplotypes secondaires

consécutifs à des phénomènes de conversion génique. Il existe par exemple 7 sous-types

Bantu. Les haplotypes dits ‘atypiques’ correspondent à des recombinaisons entre un

haplotype drépanocytaire et un ŚĂƉůŽƚLJƉĞŶŽŶƉŽƌƚĞƵƌĚĞůĂŵƵƚĂƚŝŽŶɴ

S

. Il existe au moins

11 haplotypes atypiques manifestement dérivés d’haplotypes Bantu : tous ont une région 3’

commune mais leur région 5’ est retrouvée dans différents haplotypes du bassin

méditerranéen (44, 45). De nos jours, avec les techniques de séquençage haut débit, des

haplotypes beaucoup plus précis (c’est-à-dire utilisant beaucoup plus de SNPs qui couvrent

une région beaucoup plus large du cluster ɴ-globine) ont pu être déterminés, ce qui a permis

de montrer qu’il s’agissait d’une région du génome avec un très fort taux de recombinaison

(46, 47).