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Génération d’harmoniques dans les gaz

2.2 Sondage XUV de plasmas denses

2.2.1 Génération d’harmoniques dans les gaz

C’est à la fin des années 80 que les premières observations expérimentales de génération d’harmoniques d’ordre élevé du laser en focalisant des impulsions laser intenses dans un milieu gazeux ont été réalisées [McPherson et al., 1987, Ferray et al., 1988]. Elles fournirent des spectres semblables à celui présenté en figure 2.4, sur lequel on observe très bien une des caractéristiques principales de cette émission : la présence d’un plateau, zone du spectre harmonique où l’efficacité de génération est presque constante, suivi d’une coupure nette. Un très grand nombre de travaux, tant expérimentaux que théoriques ont suivi ces premières mises en évidence, et abouti à un consensus sur un modèle semi-classique simple capable d’expliquer la majeure partie des spécificités de ce rayonnement. Bien qu’il existe une théorie quantique complète du phénomène, c’est ce modèle simple qui va être présenté rapidement puisqu’il est suffisant pour comprendre les caractéristiques du rayonnement qui vont intervenir en pratique dans notre expérience.

10 20 30 105 107 109

N

o

m

b

re

d

e

p

h

o

to

n

s

Pulsation (

ω 0

)

Fig. 2.4: Spectre typique de génération d’harmonique dans les gaz. On remarque très nettement les caractéristiques principales de cette émission : le plateau, qui s’étend ici jusqu’à l’harmonique 21, suivi de la coupure. Seules les harmoniques impaires sont présentes.

Ce modèle, souvent qualifié de modèle en trois étapes, est représenté schémati- quement sur la figure 2.5. Il s’agit de considérer ce qui arrive aux électrons initia- lement dans l’état fondamental de l’atome. Dans un premier temps, les atomes du gaz, soumis au champ électrique intense de l’impulsion laser, voient leur potentiel se déformer fortement, comme représenté sur le premier schéma de la figure 2.5. Cela a pour principal effet d’abaisser la barrière de potentiel d’ionisation d’un côté de l’atome, jusqu’à permettre, par le phénomène d’effet tunnel, à une partie du paquet d’onde électronique de la traverser. Une fois sorti du puits de potentiel coulombien, on considère que l’électron est alors uniquement soumis au champ intense du laser (approximation dite de champ fort). Il est donc tout d’abord accéléré, puis, lorsque le champ change de signe, décéléré, et s’éloigne donc de l’ion avant d’y retourner. Selon les cas, l’électron peut alors revenir au voisinage du noyau avec une énergie non nulle afin de se recombiner avec l’ion parent en émettant un photon. L’énergie du photon émis va alors dépendre de l’énergie ci- nétique Ec acquise par l’électron lors de son excursion en dehors de l’atome. On a ainsi :

~ω = Ip + Ec

où Ip est le potentiel d’ionisation de l’atome et Ec ≤ Ecmax = 3.17Up, Up = E2/4ω2 étant le potentiel pondéromoteur. Ces trois étapes (ionisation tunnel, ac- célération, recombinaison radiative) se répètent chaque demi-période laser, quand l’amplitude du champ électrique est proche d’un maximum et permet l’ionisation. L’émission XUV est donc périodique de période T0/2, et le spectre du rayonne- ment émis est constitué par conséquent de pics harmoniques séparées de 2ω0. A chaque demi cycle optique, les électrons sortent dans des directions opposées, et cette symétrie impose que les harmoniques émises soient nécessairement impaires (voir Fig. 2.4).

A partir de ces informations, on comprend bien l’intérêt que cette émission peut représenter en tant que source de rayonnement. Compte tenu du fait que l’émis- sion harmonique ne peut avoir lieu que lorsque le champ laser est présent, il s’en- suit naturellement que la durée de l’impulsion harmonique est au plus égale à celle de l’impulsion génératrice. Ainsi, partant dans notre situation d’un faisceau sonde délivrant des impulsions fondamentales de 60 fs, on peut espérer atteindre facile- ment une résolution temporelle du même ordre avec les impulsions harmoniques. De même, l’émission harmonique est directement synchronisée avec l’impulsion de génération, fournissant une synchronisation naturelle avec le faisceau pompe lors d’expériences pompe-sonde.

Ionisation

tunnel

Oscillations dansle champ laser

Recombinaison surl’état fondamental

hν=I

p

+E

c

E

c

1

2

3

Fig. 2.5: Modèle à 3 étapes de génération d’harmonique dans les gaz. L’électron se libère par effet tunnel de la barrière de potentiel coulombienne du noyau grâce à l’abaissement provoqué par le champ laser. Il est accéléré dans le vide avant de pouvoir revenir se recombiner radiativement au voisinage du noyau. Ec est l’énergie cinétique accumulée par l’électron lors de son mouvement dans le vide. Ip est le potentiel d’ionisation de l’atome.

émergent fournit directement une source accordable. Si les records d’extension du spectre harmonique atteignent désormais des énergies de photons de 1.3 keV [Seres et al., 2005], on atteint très facilement la gamme des harmoniques < 25 du Titane- Saphir avec une efficacité suffisante pour permettre une utilisation adaptée à l’expérience. De plus, les lasers utilisés pour cette génération autorisent des taux de répétition très élevés (jusqu’au kHz).

Le faisceau harmonique étant généré dans l’axe, il se superpose au champ in- frarouge, qu’il faut donc éliminer pour d’éventuelles applications. Deux solutions sont envisageables. Tout d’abord, utiliser un filtre métallique, opaque pour l’infra- rouge, mais partiellement transparent pour certaines harmoniques d’ordre élevé. La figure 2.6 présente l’exemple de la transmission théorique d’un filtre d’alumi- nium de 100 nm d’épaisseur (source : cxro), en négligeant la présence d’une couche d’oxyde sur les faces du filtre. Toutes les harmoniques jusqu’à l’harmonique 11 du Ti :Saphir sont bloquées par le filtre.

L’autre solution consiste à travailler avec un faisceau infrarouge de génération annulaire. La figure 2.7 représente une solution technique utilisée. Le faisceau est rendu annulaire avant la lentille de focalisation. La génération d’harmonique a cependant toujours lieu sur l’axe, si bien qu’un diaphragme placé après le jet, et conjugué optique de la pastille, va bloquer le faisceau infrarouge tout en laissant

9 11 13 15 17 19 0 20 40 60 80 100 T r a n s m i s s i o n ( % ) Ordre harmonique

Fig.2.6:Transmission théorique d’un filtre aluminium d’une épaisseur de 100 nm, pour différentes harmoniques d’un laser Titane-Saphir. (source cxro)

passer la majeure partie du rayonnement harmonique.

Lentille Diaphragme

IR Harmoniques

Jet

Fig. 2.7: Génération d’harmoniques en faisceau annulaire.

De nombreuses études expérimentales ont été effectuées afin de déterminer les caractéristiques optiques du rayonnement harmonique (voir par exemple [Salières et al., 1999]), d’où il ressort qu’il possède de remarquables propriétés de cohé- rence spatiale et temporelle. Les applications potentielles sont très nombreuses ( [L’Huillier et al., 2003]), avec, en particulier, la caractérisation des plasmas par interférométrie XUV ( [Descamps et al., 2000, Hergott et al., 2001]