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A. Modèles animaux de toxicité

1. Généralités

L’objectif des essais menés chez l’animal est de démontrer l’activité biologique du médicament sur la maladie cible, de fournir des données de toxicologie et de tolérance ainsi que des données pharmacocinétiques (PK) et pharmacodynamiques (PD) utiles pour définir

l’intervalle des doses à tester chez l’homme. Puisque les animaux juvéniles présentent généralement des caractéristiques de développement organique et métabolique similaires à celles des enfants, ils peuvent être considérés comme des modèles appropriés pour évaluer l’action et la pharmacocinétique des médicaments dans cette population.

Ces études permettent potentiellement l’identification des signaux toxicologiques qui n’ont pas été préalablement décrits chez des animaux ou des humains adultes, mais aussi celle de nouveaux biomarqueurs qui pourraient être utilisés pour l’évaluation clinique. Elles peuvent aussi aider à mettre en évidence des toxicités médicamenteuses spécifiques d’un système organique immature en plein développement postnatal ainsi que des éventuelles différences de toxicité selon le stade de cette maturation et donc l’âge de l’enfant. L’identification des effets indésirables irréversibles est particulièrement importante ainsi que celle des facteurs de risque ou de prévention de la survenue de ces événements. Comme la maturation de la plupart des espèces animales est chronologiquement plus rapide que celle de l’homme, les études animales peuvent également apprécier la présence à l’âge adulte d’éventuelles conséquences liées à une administration médicamenteuse durant l’enfance [De Schaepdrijver L et al., 2008]. Enfin, les études de toxicité sur animaux juvéniles ont également un rôle important dans la définition du risque de toxicité pour les patients pédiatriques lorsque ce risque ne peut pas être correctement quantifié chez l’humain pour des raisons de sécurité, d’éthique ou encore des raisons pratiques [Cappon G et al., 2009].

Contrairement aux études animales standards sur la reproduction qui doivent être incluses dans tous les dossiers de demande d’autorisation des médicaments et réalisées selon des schémas d’étude bien définis, l’utilité et la conception des études de toxicité sur animaux juvéniles sont encore en cours de définition. Ce processus exige une interaction et une collaboration entre les différents acteurs de la recherche pédiatrique pour établir quand, pourquoi et comment ces études doivent être effectuées [Silva-Lima B et al., 2010]. Selon les

recommandations règlementaires actuelles [ICH, 2008 ; EMA, 2008 ; FDA, 2006], ces études sur animaux juvéniles doivent être considérées lorsque les études antérieures chez l’animal et chez l’humain adulte sont jugées insuffisantes pour autoriser la réalisation d’études pédiatriques avec une sécurité suffisante. Egalement, si une exposition prolongée à un médicament est prévue chez l’enfant, les études chez les animaux juvéniles sont recommandées afin d’anticiper une éventuelle toxicité à long terme. Enfin, lorsque l’utilisation d’un médicament chez l’adulte a révélé une toxicité spécifique d’organe ou de tissu qui subissent une maturation postnatale significative, ou lorsque des effets indésirables ont été rapportés pendant l’utilisation hors AMM d’un médicament en pédiatrie, ces études animales doivent être discutées et conduites avant la réalisation des études cliniques pédiatriques.

Actuellement, l’utilité, le calendrier et les modalités de réalisation des études sur animaux juvéniles sont déterminés au cas par cas. Plusieurs éléments doivent être pris en considération : 1) l’usage prévu ou probable du médicament chez l’enfant ; 2) le moment (« timing ») prévu d’exposition au médicament par rapport aux stades de croissance et de développement de la population pédiatrique et des animaux juvéniles ; 3) les éventuelles différences de profils pharmacologiques et toxicologiques entre les systèmes organiques matures et immatures ; 4) les différences temporelles établies entre la maturation des animaux juvéniles et celle de la population pédiatrique [FDA, 2006]. Enfin, si une utilisation du médicament est prévue chez les nouveau-nés et les nourrissons, ces études animales sont fortement recommandées car l’extrapolation à ces populations des effets du médicament observés sur un organisme mature (animaux et humains) semble rarement appropriée. Cependant, la méthodologie de ces études sur animaux juvéniles présente plusieurs challenges, portant notamment sur le choix des modèles animaux, la taille de l’échantillon d’étude, les voies d’administrations, les posologies à évaluer et les critères de jugement pertinents.

A l’inverse, il existe des situations où la mise en place de ces études sera peu informative et pourra même prolonger inutilement le développement du médicament chez l’enfant. Par exemple, les études sur animaux juvéniles ne sont pas nécessaires lorsqu’il existe des données cliniques adéquates qui n’ont pas mis en évidence un risque particulier de toxicité et si aucune toxicité spécifique d’un organe n’est à prévoir car cet organe a déjà une fonction mature dans la population pédiatrique cible.

Parmi les 226 médicaments ayant obtenu une AMM de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) pendant la période 1995-2005, 72 (31.9%) ont inclus une information concernant la population pédiatrique dans leur RCP, soit une indication soit une recommandation d’utilisation dans cette population [Duarte D et Silva-Lima B, 2011]. Vingt- deux (9.7%) des 72 produits avaient été préalablement explorés au cours d’études sur animaux juvéniles. Dans la majorité des cas, seulement une étude avait été réalisée (64%), l’espèce choisie était le rat (58%) et les produits avaient été autorisés pour une utilisation chez l’enfant de plus de deux ans (68.2%). Parmi les huit produits pour lesquels plus d’une étude sur animaux juvéniles avait été réalisée, 50% (4/8) étaient évalués sur une deuxième espèce animale, la combinaison d’espèces le plus souvent décrite étant le rat et le chien.

Cependant, le nombre d’études sur animaux juvéniles prévu dans le développement des médicaments en pédiatrie est en train d’augmenter. Pendant la période 2007-2009, parmi les 205 PIPs validés par l’EMA, 50 (24.3%) prévoyaient la réalisation d’études sur animaux juvéniles dont 54% (27/50) prévoyaient plus d’une étude de ce type. L’espèce la plus souvent sélectionnée reste le rat juvénile mais un nombre non négligeable de PIPs (12.6%) ne donne pas d’information concernant le(s) espèce(s) choisie(s). Toutefois, malgré l’augmentation du nombre total d’études sur animaux juvéniles, peu de PIPs prévoient des études sur plus d’une espèce animale (8%). Globalement, les études sur animaux juvéniles sont plus fréquemment incluses dans le plan de développement des médicaments à usage pédiatrique et elles sont

probablement mieux planifiées et encadrées qu’auparavant [Silva-Lima B et al., 2010 ; Duarte D et Silva-Lima B, 2011].

2. Etudes sur animaux juvéniles dans le cadre de l’évaluation de la ciprofloxacine