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Les essais comparatifs avec attribution du traitement par randomisation

A. Le développement des médicaments anti-infectieux en néonatologie

2. Les essais comparatifs avec attribution du traitement par randomisation

Cependant, malgré le fait que l’efficacité microbiologique d’un anti-infectieux soit étroitement corrélée à son efficacité clinique, il est important de considérer que la réponse au traitement peut parfois différer entre les nouveau-nés et les adultes ou les enfants plus âgés. En effet, les particularités anatomiques, l’immaturité immunitaire, l’existence fréquente de co- morbidités et la polymédication caractéristiques de ce groupe d’âge et en particulier le groupe des grands prématurés, sont des facteurs qui peuvent influencer la réponse au traitement et surtout sa toxicité.

Pour définir correctement la place d’un anti-infectieux, nouveau ou déjà utilisé, dans l’arsenal thérapeutique en néonatologie, il parait aussi important de pouvoir le comparer à d’autres traitements disponibles et couramment prescrits. Faire suivre les études PK/PD par des études cliniques comparatives semble nécessaire chez le nouveau-né. Reste alors à préciser la méthodologie de ces essais cliniques.

Comme mentionné auparavant, le ‘design’ recommandé pour l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité d’emploi des médicaments, y compris les anti-infectieux, reste l’essai contrôlé randomisé en double insu [EMA, 2004c]. Cet essai doit être planifié pour démontrer la supériorité de l’anti-infectieux contre placebo. Toutefois, à part les infections avec un taux élevé de guérison spontanée ou l’utilisation des anti-infectieux dans la prophylaxie de certaines infections, la majorité des essais cliniques dans ce domaine sont planifiés pour démontrer la non-infériorité du nouvel anti-infectieux par rapport à un traitement de référence. Egalement, des études non comparatives sont éventuellement acceptées par les instances réglementaires dans le cadre d’infections rares, dus à des germes rarement rencontrés et difficiles à traiter comme les infections à germes multi-résistants.

Compte-tenu des exigences réglementaires et méthodologiques, nous avons effectués une recherche systématique dans la littérature médicale entre janvier 1995 et mars 2010 pour identifier tous les ECR ayant permis l’étude des effets des antibiotiques chez le nouveau-né. L’objectif était d’évaluer le nombre, les caractéristiques et la qualité méthodologique des ces ECRs. Finalement peu d’ECRs ont été identifiés dans ce domaine avec un nombre restreint d’antibiotiques évalués et quasiment tous avaient une qualité méthodologique médiocre aussi bien pour l’évaluation des effets thérapeutiques que prophylactiques des antibiotiques.

Cette difficulté à mettre en place et à réaliser des ECRs évaluant les effets des antibiotiques en néonatologie peut être expliquée par de nombreux facteurs parmi lesquels:

Le faible nombre des patients concernés. Malgré la fréquence élevée des infections néonatales précoces ou tardives suspectées et la prescription étendue des traitements antibiotiques en néonatologie, la confirmation microbiologique de ces infections est rare. L’hétérogénéicité des patients inclus. Devant l’urgence médicale que constituent les infections néonatales et les délais longs du diagnostic précis, un traitement anti-infectieux parentéral est souvent débuté suite à la seule suspicion d’infection. En conséquence, un grand nombre de nouveau-nés sont exposés à des agents anti-infectieux, même si le

traitement s'avère inutile pour une proportion non négligeable d’entre eux [Edmond K et

Zaidi A, 2010].

L’impossibilité de réaliser des essais contre placebo et l’absence de comparateur adéquat pour réaliser des essais de non-infériorité. Certains antibiotiques ont intégré, parfois depuis longtemps, l’arsenal thérapeutique des infections néonatales car leur efficacité a été prouvée chez les adultes ou les enfants plus âgés. De nombreux néonatologistes, forts de leur expérience personnelle, les prescrivent convaincus de leur efficacité et de leur bonne tolérance malgré l’absence d’évaluation spécifique chez le nouveau-né et par conséquent de données néonatales.

Les difficultés de standardisation du traitement antibiotique dans les études multicentriques, ce qui est souvent le cas des études néonatales. En effet, le choix du traitement antibiotique est souvent dicté par l’écologie propre à chaque service et le contexte clinique, facteurs hautement variables d’une unité à l’autre.

Le non respect de la clause d’ambivalence, nécessaire pour attribuer un traitement de manière aléatoire, par randomisation. Les antibiotiques sont des traitements qui peuvent être difficilement attribuables sur une base aléatoire car leur prescription est motivée par le contexte clinique et la sensibilité des germes suspectés. Il est ainsi contre éthique de randomiser un patient avec la probabilité qu’il reçoive un traitement potentiellement inefficace.

A ces facteurs limitants qui sont spécifiques des médicaments antibiotiques s’ajoutent d’autres qui représentent des contraintes générales pour l’implémentation des ECRs en néonatologie comme les difficultés pratiques des essais multicentriques, les particularités méthodologiques et d’analyse des données dans des populations restreintes de patients et les difficultés éthiques spécifiques à cette population et aux situations d’urgence.

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“Are randomised controlled trials evaluating antibiotics in neonates really informative? A systematic review” (article soumis)

Kaguelidou F.,Turner M., Choonara I., van Anker J., Manzoni P., Alberti C.,

Langhendries J-P., Jacqz-Aigrain E.

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Les antibiotiques sont parmi les médicaments le plus prescrits en néonatologie mais leur évaluation s’avère particulièrement difficile. Nous avons réalisé une revue systématique de la littérature afin de décrire les caractéristiques et la qualité méthodologique des essais contrôlés randomisés évaluant les effets des antibiotiques dans le cadre des infections néonatales. Nous avons effectué une recherche dans les bases électroniques PubMed, Embase et Cochrane Library de janvier 1995 à mars 2010 ainsi que dans les bibliographies de tous les articles pertinents. Nous avons analysé tous les essais contrôlés randomisés qui ont inclus des nouveau-nés présentant une infection néonatale. Un total de 35 essais contrôlés randomisés a été évalué. La majorité était des essais conduits dans une seule institution hospitalière et sans financement public ou privé. La médiane du nombre des participants était de 63 (Q1: 34- Q3 :103). L’antibiotique le plus fréquemment étudié était la gentamycine. Respectivement 18 (51%) et 17 (49%) essais ont évalué l’utilisation thérapeutique ou prophylactique d’un antibiotique dans le contexte d’une infection néonatale. La qualité méthodologique des essais était faible et aucune amélioration n’a été observée au fil des années. Des éléments clés de la méthodologie d’essais cliniques n’ont pas été implémentés ou rapportés dans la majorité des essais. Devant les difficultés à concevoir, conduire et rapporter des essais contrôlés randomisés dans ce domaine, il est important de se questionner sur la nécessité de les mettre

en place lorsque l’efficacité d’un antibiotique a déjà été confirmée dans d’autres groupes d’âge et une attention particulière doit être portée sur d’autres méthodologies alternatives.