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Chapitre 1 - SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

4. Contexte de contamination : les polluants

4.2. Les contaminants organiques de type pesticide

4.2.1. Généralités

Les premiers pesticides de synthèse sont apparus sur le marché dans les années 1940. Leur but était d’augmenter les rendements agricoles (Van der Werf, 1996). A ce jour, ce type de molécule est encore largement utilisé. En 1996, Van der Werf publia une étude sur l’évaluation de l’impact des pesticides sur l’environnement. Dans celle-ci, il décrit l’ensemble des processus pouvant conduire à une contamination de l’environnement par les produits phytosanitaires. L’ensemble de ces processus a été repris, détaillé, et complété en 1999 et 2003 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour son étude sur la pollution des eaux par les pesticides à l’échelle d’un bassin hydrogéologique. C’est pourquoi, sauf citation, l’ensemble des données recueillies ci-dessous est issu de ces deux études.

Les produits phytosanitaires comprennent une large gamme de molécules appliquées sous la forme de liquides, pulvérisés directement sur la plante ou sur le sol, ou appliqués sous la forme de granulés. Cependant, par pulvérisation, 1 à 50 % des produits peuvent être entrainés par les vents, pourcentage dépendant de la technique d’application utilisée et des conditions météorologiques. De nombreux pesticides sont retrouvés dans les eaux des zones estuariennes et des zones côtières (Tableau 7).

Les processus contrôlant la contamination de ces eaux sont regroupés en quatre grand volets : la volatilisation dans l’atmosphère des produits puis leurs retombées sur les sols par les pluies ; l’adsorption/désorption sur les composés organiques et minéraux du sol ; la dégradation physico-chimique et biologique ainsi que le transport par l’eau par ruissellement et infiltration.

4.2.1.1. Volatilisation

Au moment de l’application et selon la méthode employée, une partie des produits peut être entrainée par les vents (de 1 à 50 %) : on parle de dérive ou de volatilisation. Plus précisément, la volatilisation correspond au passage à l’état gazeux d’une substance. Les pertes par volatilisation sont très variables d’une molécule à une autre, il est donc difficile de les quantifier. Avant de retomber sur le sol lors des pluies, les produits phytosanitaires précédemment volatilisés peuvent être en partie décomposés dans l’air. Pour cela des réactions de photolyse, c'est-à-dire de clivage d’une ou de plusieurs liaisons d’une entité moléculaire sous l’action de rayons ultra-violets, ou des réactions d’oxydation peuvent avoir lieu.

4.2.1.2. Adsorption/désorption sur les composés organiques et minéraux du sol

Une fois au sol, la dégradation des composés peut survenir par le biais de différents processus. Cependant, pour qu’un phytosanitaire soit dégradé, il faut qu’il soit disponible. Cette disponibilité peut varier en fonction de l’adsorption dans le sol qui consiste en l’enrichissement d’une ou plusieurs espèces chimiques (ici, les produits phytosanitaires) sur une interface (ici la plante et le sol) (Calvet, 1989). De multiples facteurs peuvent influencer l’adsorption, selon les propriétés des produits phytosanitaires, l’adsorbé, mais aussi du sol, l’adsorbant, et des facteurs externes (température, humidité du sol).

4.2.1.3. Dégradation physico-chimique et biologique

La dégradation des composés peut survenir par le biais de différentes voies, biologiques ou physico-chimiques. Dans le sol vivent des micro-organismes. Par leur activité, ils peuvent biodégrader les molécules phytosanitaires, entrainant le plus souvent une disparition non totale de la molécule mère, et une production de nombreux métabolites dont la toxicité peut être supérieure à celle de la molécule mère. Ce type de dégradation est appelée dégradation biologique ou biodégradation. Toutes les molécules sont susceptibles d’être dégradées par les micro-organismes étant donné qu’elles peuvent servir de substances nutritives à ceux-ci. Cependant, les pesticides, molécules de synthèse, peuvent contenir des groupements qui, naturellement, ne sont pas présents dans l’environnement. Ces groupements tendent à rendre la molécule beaucoup plus résistante à la biodégradation et persistante dans le milieu.

La dégradation de molécules est mesurée par leur temps de demi-vie DT50, qui correspond au temps nécessaire pour que 50 % d’une substance disparaisse du sol ou de l’eau à la suite de diverses transformations. La dégradation est souvent lente juste après l’application du produit, puis son taux augmente avec l’accroissement de la population des micro-organismes dégradant le pesticide. Outre la présence de microorganismes, dans les premiers millimètres du sol, les phytosanitaires peuvent être dégradés sous l’effet de la lumière. Ce processus est appelé photodégradation. La proportion de rayonnement ultraviolet de longueur d’onde comprise entre 10 et 400 nm influe sur le taux de dégradation.

4.2.1.4. Transport par l’eau par ruissellement et infiltration

Parmi les vecteurs susceptibles d’entrainer les molécules, l'eau représente le vecteur majoritaire de migration (Czernichowski-Lauriol et Caudron, 1999). En effet, c’est par des processus de ruissellement sur les sols jusqu’aux eaux de surface des rivières et d’infiltration (ou lixiviation) dans les eaux profondes et donc dans les nappes que les molécules phytosanitaires peuvent se retrouver, in fine dans les milieux aquatiques.

4.2.1.5. Les pesticides dans le Bassin d’Arcachon

Les différents réseaux d’analyse des molécules phytosanitaires ont permis de détecter la présence de 21 molécules ainsi que des métabolites de ces molécules dans les cours d’eau et le Bassin d’Arcachon. Les pesticides les plus présents dans les tributaires et l’intrabassin tels que le métolachlore, l’acétochlore ou encore le cuivre (en tant que fongicide et bactéricide) proviennent de l’agriculture, identifiée comme la source principale des pesticides dans le Bassin d’Arcachon. Une source domestique de pesticides est aussi évoquée (Budzinski et al., 2011), avec notamment l’imidaclopride (utilisé pour contrôler les insectes suceurs ou pour le traitement des animaux domestiques contre les puces) ou le glyphosate (herbicide non sélectif). Il a été rapporté que les pesticides sont employés dans des activités régulières comme l’agriculture, l’entretien des espaces verts, des routes et des voies ferrées ou encore dans des activités plus ponctuelles comme la démoustication ou la lutte contre les termites. Le Réseau REPAR, au cours de différents suivis, est arrivé au constat que la Leyre représente le vecteur majoritaire d’apport de pesticides vers le Bassin d’Arcachon. Plus de 90% des pesticides retrouvés dans les eaux du Bassin sont apportés par cette voie (Budzinski et al., 2011). En ce qui concerne les insecticides tels que l’imidaclopride, ceux-ci transiteraient par les ruisseaux après leur utilisation au niveau du bassin versant (maïsiculture) et de leur utilisation chez les particuliers. Ces produits et leurs métabolites pourraient s’accumuler dans le bassin, soit à cause des arrivées qui peuvent être fréquentes, soit à cause de la rémanence des molécules. En effet Auby et al. dans leur étude de 2007 sur l’état de la contamination du Bassin d’Arcachon ont constaté que les insecticides

Figure 20 : Substances actives arrivées en tête de classement SIRIS et quantité utilisée sur une année, par famille chimique au Bassin d’Arcachon (Dagens, 2012)

apparaissent sporadiquement dans les ruisseaux, alors que dans les eaux du Bassin, certains de ces contaminants présentent des temps d’occurrence plus longs. Il faut ajouter à cela que le temps de renouvellement des eaux du bassin d’Arcachon est assez long (Plus et al., 2006) ce qui peut jouer sur la persistance de ces molécules dans le Bassin.

Les empreintes de contamination de la Leyre, du Canal des Etangs et des sites de l’intrabassin sont largement dominées par le métolachlore et ses principaux métabolites, le métolachlore OA et le métolachlore ESA. Cette présence du métolachlore et de ses métabolites dans les tributaires du Bassin est cohérente avec son usage en maïsiculture. Un classement a été mis en place par l’INERIS, le classement SIRIS-Pesticides, basé sur cinq critères (quantités utilisées ou appliquées, affinité pour le sol, solubilité dans l’eau, dégradabilité dans l’eau, dégradabilité dans le sol) conditionnant l’exposition possible aux pesticides des eaux de surface ou des eaux souterraines via le potentiel des molécules à atteindre ces eaux. Selon ce classement, le S-métolachlore est la molécule la plus susceptible d’être retrouvée dans les eaux du Bassin d’Arcachon (Figure 20).