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CHAPITRE II : Les Actinomycètes

1. Généralités et caractéristiques des actinomycètes

CHAPITRE II : Les Actinomycètes

1. Généralités et caractéristiques des actinomycètes

Les actinomycètes forment un grand groupe de microorganismes procaryotes appartenant à la classe des Actinobacteria. Cette classe regroupe des bactéries à Gram positif ayant un pourcentage en "guanine + cytosine" relativement élevé dans leur ADN (G + C > 55 mol %). Plusieurs forment peuvent être observés, allant de la cellule coccoide ou bacillaire jusqu’à un mycélium complexe générateur de spores enveloppées dans un sporange chez certains genres (Ensign, 1978; Larpent and Sanglier, 1989; Chun et al., 1997). Les

actinomycètes se rapprochent des champignons essentiellement par l'existence de filaments ramifiés, ressemblance morphologique assez superficielle (Stackebrandt et al., 1997). Ils

forment des filaments ramifiés qui irradient, par croissance centrifuge, tout autour du germe qui leur a donné naissance. Cela explique leur dénomination : le mot «Actinomycètes» provient de deux substantifs grecs ‘aktis’ (rayon) et ‘mykes’ (champignon) et signifie «Champignons rayonnants» (Gottlieb, 1973; M. P. Lechevalier and Lechevalier, 1981; Allan and Prosser, 1983). La phylogénie moléculaire a montré sans appel l'appartenance des

actinomycètes aux Eubactéries. Par ailleurs, la composition de leur paroi et leurs sensibilité aux antibactériens les rapprochent des Eubactéries (Stackebrandt et al., 1997). Cependant leur croissance est plus lente que celle des autres bactéries ; le temps de génération moyen est d’environ 2 à 3 heures (Ottow and Glathe, 1968; Larpent and Sanglier, 1989). La majorité des

actinomycètes cultivés sur milieu solide forment un mycélium de substrat et un mycélium aérien (Figure 4). Néanmoins, il existe des groupes qui ne forment qu’un mycélium de

substrat poussant à la surface et dans le milieu de culture, ou un mycélium aérien dont les hyphes sont attachés au milieu par des crampons (Holdfasts) (Kalakoutskii and Agre, 1976).

En culture liquide et sans agitation, les hyphes formés après la germination des spores montent en surface pour croître en contact de l'air (Van Keulen et al., 2003). Cependant, en milieu liquide avec agitation, il n'y a pas de formation du mycélium aérien ni de spores. Les

Streptomyces forment d'abord des filaments libres, qui se ramifient et s'agrègent pour former

enfin les pellets. Le cycle de développement des actinomycètes est très similaire à celui des champignons (Figure 5), à la différence essentielle que ces bactéries demeurent haploïdes

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Figure 4. Croissance d’une colonie d’actinomycètes sur milieu solide (Prescott et al., 2003).

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Il débute par la germination d’une spore qui donne naissance à un mycélium primaire (mycélium du substrat) formé d’hyphes non septés, ramifié et ancré dans le milieu solide (Miguélez et al., 1999, 2000). À partir de ce mycélium primaire s’élève par croissance apicale un mycélium secondaire aérien, ce mycélium prend naissance après autolyse du mycélium de substrat (Locci and Sharples, 1984).

Plusieurs de ces bactéries produisent des spores non mobiles ou parfois mobiles. Les spores des actinomycètes sont de deux sortes. Les endospores, produites par des actinomycètes thermophiles, proviennent de la cassure de la paroi de l’hyphe. Les Exospores ou les spores de « segmentation » naissent par suite de cloisonnements à l’intérieur des hyphes (Waksman, 1950). D’un genre à l’autre, les spores des actinomycètes s’organisent en diverses structures: - Les conidies, ce sont des spores asexuées. Elles peuvent être produites isolément (Micromonospora), deux à deux longitudinalement (Microbispora), en courtes chaînes (Actinomadura), en longues chaînettes (Streptomyces). Les chaînettes de spores peuvent être ramifiées ou non, droites, sinuées ou en spirales. De plus, elles peuvent être rayonnantes autour d’hyphes sporophores (Streptoverticillium) ;

- les Sporanges, c’est des sacs contenants des spores. Les sporanges peuvent contenir des spores mobiles à l’aide de flagelles (Actinoplanes) ou des spores immobiles tel que le genre

Streptosporangium (Kalakoutskii and Agre, 1976);

- Les sclérotes trouvés chez le Genre Chainia sont constitués par une masse d’hyphes cloisonnés dont les vacuoles sont chargées de triglycérides et d’acides gras ramifiés ;

- Les Synnemata, appelés également corémies sont des assemblages compacts d’hyphes dressés, parfois fusionnés et portant des conidies apicales ou latérales. Cette structure est caractéristique du genre Actinosynnema.

La morphologie, la disposition des chaines sporales, ainsi que la composition chimique (composition des cellules et des parois cellulaires, type de lipides, et présence de quinones isoprénoides) sont particulièrement importants pour la classification taxonomique des actinomycètes. La première édition du Bergey’s Manuel classe les actinomycètes en 7 sections, principalement en fonction du type de leur parois cellulaires, l’arrangement des conidies, et la présence ou l’absence de sporanges (Holt et al., 1994). Dans la seconde édition, l’analyse des séquences d’ARN 16S a permis de classer les actinomycètes sous un seul grand phylum «Actinobacteria », ce phylum est définit comme un ensemble de souches présentant

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plus de 80% de similitude dans la séquence des ARNr 16S ou de l’ADNr 16S et possédant un résidu adénine à la position 906 et un résidu adénine ou cytosine à la position 955 (à l’exception des sous classes Rubrobacteridae et Spherobacteridae où l’on trouve un résidu uracile à la position 955) (Stackebrandt et al., 1997). Ce phylum est constitué d’une seule classe dénommée également «Actinobacteria», de cinq sous classes, six ordres, 14 sous ordres et 40 familles (Garrity et al., 2004). Actuellement, selon la dernière édition du Bergey’s Manuel, le phylum Actinobacteria comprend 5 classes, 19 ordres, 50 familles et 221 genres (Zhi et al., 2009).

Les actinomycètes sont des eubactéries aérobies strictes ou microaérophiles, cependant il existe certaines formes fermentatives, anaérobies strictes, illustrées par le genre Actinomyces. En général, les actinomycètes sont des chimio-organotrophes hétérotrophes, utilisant une grande variété de sources d'énergie y compris les polymères complexes. Ils sont universellement répandus. On les trouve dans différentes niches écologiques telles que : sols, air, fumier, composts, foin, débris végétaux, résidus fibreux de cannes à sucre, pollen des plantes, sédiments marins, lacs, rivières, mers et océans, glaciers, déserts, sols pollués, lacs alcalins, milieux salins (H. A. Lechevalier and Lechevalier, 1981; Goodfellow and Williams, 1983; Lacey, 1997).

Ces microorganismes sont surtout connus pour leur capacité à produire une pléthore de molécules ayant de nombreuses applications dans divers domaines et de ce fait, présentent un fort intérêt pour les industriels (antibactériens, antifongiques, insecticides, herbicides, antiparasites, acaricides, antivirales, anti tumoraux, antimitotiques, anti allergénique, protéases alcalines, glucose isomérase, vitamines ...) (Bouras, 2005).

Il existe 23000 métabolites secondaires produits par les microorganismes, plus de 10000 sont produits par les actinomycètes, ce qui représente 45% du total des métabolites microbiens, et même 80%, si on ne considère que les composés ayant un usage pratique (Bérdy, 2005)

(Figure 6, Tableau 1).

L’Actinomycine, un antibiotique antitumoral, est le premier antibiotique isolé à partir d’une souche d’actinomycète (Waksman and Woodruff, 1940). De nombreuses autres molécules sont également élaborées par ces microorganismes. Certaines ont une activité antitumorale (Carcinostatine, Adriamycine, Anthramycine, Daunomycine, Anthracycline, etc.), herbicide, antiparasite comme l’antimalaria (Distamycine), anticoccidienne, insecticide (Avermictine, Polyoxines, Mylébémycine, etc.), antivirale (Mutactimycines) et acaricide (Altemicidines) (Perry et al., 1990; Lombardi and Crisanti, 1997; Choi et al., 1998; Raty et

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Figure 6. Origine des produits microbiens bioactifs (Bérdy, 2005)

Tableau 1. Nombre approximatif de produits microbiens bioactifs d’après (Bérdy, 2005) :

molécules possédant une activité antimicrobienne et/ou une activité antitumorale et/ou une activité antivirale.

Source Antibiotiques métabolites Autres bioactifs

Total des métabolites

bioactifs

Métabolites utilisés

(en thérapie humaine) Métabolites inactifs Bactéries (autres) 2900 900 3800 10-12 (8-10) 3000-5000 Actinomycétales 8700 1400 10100 100-120 (70-75) 5000-1000 Streptomyces sp. 6550 1080 7630 - - Actinomycétales rare 2250 220 2470 - - Champignons 9400 3700 8600 30-35 (13-15) 2000-15000 Total 16500 6000 22500 140-160 (100) 20000-25000

Par ailleurs, les actinomycètes jouent un rôle écologique important. Ils possèdent la capacité de dégrader des molécules complexes non dégradées par les champignons ou les autres bactéries, contribuant ainsi à la fertilisation des sols. Les enzymes sont, après les antibiotiques, les produits les plus importants sécrétés par les actinomycètes. Certaines sont utilisées dans l’industrie agroalimentaire (glucose isomérase) et dans celle des détergents (protéases) (Moreira et al., 2002). Les glycosidases jouent un rôle important dans la dégradation des biomasses végétales (amylases et xylanases), animales et fongiques (chitinases). D’autres enzymes peuvent avoir des applications médicales (neuraminidases, cholestérol oxydase), ou vétérinaires, comme additif nutritionnel pour le bétail (Oestergaard and Sjoeholm, 2001).