I. INTRODUCTION
I.2 UN APERÇU DES VECTEURS MACROMOLÉCULAIRES EN IMAGERIE MÉDICALE
I.2.1 Généralités
I.2.1.1 Historique
En 1975, G. Kölher et C. Milstein découvrirent qu’il était possible de produire de façon
efficace des anticorps reconnaissant le même épitope par la technique dite des hybridomes. Ces
anticorps monoclonaux furent rapidement utilisés en immunothérapie, puis délaissés en raison
d’importantes réponses immunitaires anti-anticorps de souris (réponse HAMA pour human
anti-mouse antibodies) développées par les patients recevant des traitements à base d’anticorps
monoclonaux de souris. Cependant, les avancées de l’ingénierie génétique ont par la suite permis
d’accéder à des anticorps monoclonaux chimériques souris-humain, puis complètement humanisés.
Ces avancées technologiques majeures ont ainsi permis d’obtenir des résultats encourageants, tant
pour des applications thérapeutiques,
50,51que pour l’utilisation des anticorps monoclonaux en
immunoscintigraphie ou en radio-immunothérapie.
52,53I.2.1.2 Structure des anticorps et nomenclature
Il existe cinq classes d’immunoglobulines humaines A, D, E, G et M, mais ce sont celles de
classe G (IgG), d’un poids moléculaire d’environ 150 kDa, qui ont été les mieux étudiées. Les IgG
constituent les anticorps “conventionnels” protecteurs circulant dans le sérum. Une IgG est
constituée de deux chaînes lourdes identiques (H) d’environ 50 kDa et de deux chaînes légères
identiques (L) d’environ 25 kDa. Chaque chaîne est organisée en domaines d’environ 110 amino
acides, deux pour les chaînes légères (VL et CL) et quatre pour les chaînes lourdes (VH, CH1, CH2
et CH3) (Figure I-12). Les domaines VL et VH appelés domaines variables sont ceux qui lient
l’antigène. Chaque domaine variable possède trois boucles hypervariables appelées CDRs
(complementary determining region) se caractérisant par une très grande variabilité en acides
aminés d’un anticorps à l’autre. Ce site appelé paratope assure la fonction de reconnaissance d’une
partie de l’antigène appelée épitope ; c’est le couple paratope/épitope qui assure la spécificité de
l’anticorps pour un antigène. Les domaines CL, CH1, CH2 et CH3 sont quant à eux appelés
domaines constants. Chaque domaine comporte un pont disulfure intracaténaire. La chaîne légère
est reliée à la chaîne lourde par un pont disulfure localisé aux extrémités C-terminales des domaines
CL et CH1 tandis que les chaînes lourdes sont reliées entre elles par des ponts disulfures localisés
au niveau de leur région charnière (hinge) située entre les domaines CH1 et CH2.
54Figure I-12 : Représentation d'une immunoglobuline G.
55Tous les anticorps monoclonaux utilisés en thérapeutique ont une dénomination commune
internationale se terminant par le suffixe “mab” pour “monoclonal antibody”. Au vu de
l’augmentation croissante du nombre d’anticorps développés, il s’est avéré indispensable de créer
une nomenclature plus spécifique permettant de reconnaître immédiatement l’origine ou la source
de l’anticorps monoclonal. D’autres suffixes complémentaires ont donc été adoptés (Tableau I-3) :
“o-mab” pour les anticorps murins, “xi-mab” pour les chimériques, “zu-mab” pour les humanisés et
“u-mab” pour les anticorps humains.
Type
d’anticorps Suffixe % humanisation Antigénicité Quelques exemples
Murins « momab » 0 +++ Muromomab (Orthoclone
®
)
Ibritumomab (Zevalin
®)
Chimériques « ximab » 60-70 + Infliximab (Remicade
®
)
Rituximab (Mabthera
®)
Humanisés « zumab » > 90 ± 0 Trastuzumab (Herceptin
®
)
Bévacizumab (Avastin
®)
Humains « mumab » 100 ± 0 Adalimumab (Humira
®)
Tableau I-3 : Nomenclature internationale simplifiée
des différentes catégories d’anticorps monoclonaux. Extrait de Scheen et al.
56Par la suite, la nomenclature s’est encore diversifiée puisqu’elle tient compte non seulement de
l’origine de l’anticorps monoclonal, mais également de la cible thérapeutique potentielle de
l’anticorps. Outre le suffixe indiquant la source de l’anticorps, la syllabe précédant ce dernier
oriente également vers l’organe cible (Tableau I-4).
Préfixe Cible Type d’anticorps Suffixe
-o(s)- Os
-vi(r)- Virus -u- Humain
-ba(c)- Bactérie
-li(m)- Immunitaire
-le(s)- Infection
-o- Souris
-ci(r)- Cardio-vasculaire
-mu(l)- Musculo-squelettique -a- Rat
-ki(n)- Interleukine
-co(l)- Tumeur colique
-me(l)- Mélanome
-e- Hamster
-ma(r)- Tumeur mammaire
-go(t)- Tumeur testiculaire -i- Primate
-go(v)- Tumeur ovarienne
-pr(o)- Tumeur prostatique
-tu(m)- Tumeur diverses
-xi- Chimérique
-neu(r)- Système nerveux
Variable
-tox(a)- Toxine comme cible -zu- Humanisé
-mab
Tableau I-4 : Nomenclature internationale détaillée des différents types d’anticorps monoclonaux,
tenant également compte de la cible potentielle. Extrait de Scheen et al.
56I.2.1.3 Fragments d’anticorps
On peut distinguer deux parties principales d’un anticorps : une partie appelée Fc (pour
fragment cristallisable) possédant les fonctions dites effectrices, et deux parties Fab identiques
(pour fragment “antigen binding”) comportant chacune un site de liaison à l’antigène. Il est
possible d’isoler certaines régions de l’anticorps afin d’obtenir des fragments d’anticorps. Ainsi, on
peut cliver une IgG par la papaïne et obtenir deux fragments Fab de 25 kDa et un Fragment Fc de
50 kDa. On peut également cliver l’IgG à la pepsine qui coupe la molécule à la base des régions
charnière et obtenir ainsi un fragment F(ab’)
2, le fragment Fc étant dégradé. Il existe aujourd’hui de
nombreux formats d’anticorps dépourvus de la région Fc qui sont capables de se lier à l’antigène.
En plus des Fab et des F(ab’)
2, on peut citer les Fab’, qui sont obtenus par réduction sélective
des ponts disulfure intercaténaires situés au niveau des régions charnières. Ainsi, il est possible de
cibler les fonctions thiol libres afin de greffer un marqueur de façon spécifique via une fonction
maléimide.
Il est possible, à partir d’une IgG, de générer de nombreux types de fragments d’anticorps. Par
exemple, le fragment scFv (single chain variable fragment : VH associé au domaine VL et reliés
entre eux par une chaîne peptidique) a largement été utilisé. Ces fragments sont souvent étudiés
sous la forme de fusion à des toxines ou des cytokines. Il est également possible, toujours à partir de
ces scFv, d’obtenir d’autre formats appelés minibody, bi-scFv, diabody, triabody, tetrabody, dont
certains peuvent, tout comme les F(ab’)
2, conduire à des fragments d’anticorps multivalents et
multispécifiques.
57La Figure I-13 donne un aperçu des différents fragments d’anticorps, qu’ils
soient obtenus par simple digestion bactérienne ou enzymatique, ou par biosynthèse.
Figure I-13 : Les différents formats d'anticorps.
Enfin, il est possible de produire par synthèse peptidique des molécules mimant la composition
et la conformation des parties de l’anticorps se liant à l’antigène (paratope) et que l’on appelle
affibody.
SH SH SH IgG (!150 kDa) F(ab')2 (!110 kDa) Fab' (!55 kDa) Fab (!55 kDa) Minibody (!75 kDa) bi-scFv (!55 kDa) Diabody (!50 kDa) Triabody (!75 kDa) Tetrabody (!100 kDa) scFv (!28 kDa)
Dans le document
Marquage de molécules biologiques par des complexes de radiométaux à base de polyamines macrocycliques
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