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L’hypoxie diminue la synthèse protéique par au moins deux mécanismes régulés dans le temps. Le premier implique la kinase PERK qui va phosphoryler le facteur d’initiation de la traduction, eIF2α sur sa sérine 51 (Koumenis et al. 2002). Cette phosphorylation inhibe eIF2α ce qui va empêcher la traduction de nouvelles protéines. Cette réponse est rapidement mise en œuvre sans modification de l’activité de mTOR. Le second mécanisme répond à l’hypoxie chronique, il s’agit d’une inhibition de mTOR visible par l’accumulation de la forme hypophosphorylée de S6K et 4E-BP1 en hypoxie (Brugarolas et al. 2004). Cette inhibition de mTOR passe par l’activation de REDD1 qui va à son tour activer TSC1/TSC2, inhibiteur de mTOR ce qui va inhiber la traduction dépendante de 4EBP-1 (Brugarolas et al. 2004; Koritzinsky et al. 2006). Cependant, l’activité de mTOR ne semble pas complétement inhibée en hypoxie puisque l’activité résiduelle de mTOR est suffisante pour impacter sur HIF-α. En effet, mTOR régule le niveau d’accumulation de HIF en normoxie et en hypoxie (Hudson et al. 2002; Kaper et al. 2006). La traduction de HIF-1α est dépendante de mTOR en normoxie tandis qu’en hypoxie, le traduction est dépendante de l’IRES (Lang et al. 2002).

La rapamycine a un effet négatif sur l’activité de HIF-1α tandis que la surexpression de mTOR augmente l’activité de HIF-1α (Land and Tee 2007). En effet, mTOR est capable de reconnaître HIF-1α sur un motif TOS en N-terminal. La mutation de ce motif n’entraîne pas de dégradation de HIF-1α mais diminue son activité de transcription en modifiant l’interaction avec p300.

La protéine mTOR modifie donc à la fois l’activité et l’expression de HIF-1α en normoxie et en hypoxie.

(iv) mTOR et cytosquelette d’actine

Le cytosquelette est un réseau de fibres protéiques qui s’étend sous la membrane plasmique et à travers la cellule. Il y a trois classes de fibres : les microtubules qui joue un rôle dans la division cellulaire, les filaments intermédiaires qui permettent la résistance mécanique des cellules et les microfilaments d’actine qui donnent sa forme à la cellule et lui permet de migrer.

Le deuxième complexe de mTOR, mTORC2 qui comprend mTOR, mLST8 et Rictor ne possède pas les mêmes cibles que mTORC1. En effet, il joue un rôle dans le contrôle du cytosquelette d’actine et ce complexe est, contrairement à mTORC1,

insensible à la rapamycine (Jacinto et al. 2004). Lors de l’activation de la voie de signalisation mTOR par le sérum, l’insuline ou le LPA, des fibres de stress ou des lamellipodes apparaissent et ceux-ci sont insensibles au traitement par la rapamycine (Jacinto et al. 2004). Le rôle de mTORC2 dans ce phénomène a été validé par expérience de siRNA dirigés contre les membres de mTORC2. En effet, l’absence d’un des composants de mTORC2 empêche la formation des fibres de stress cellulaire et la polymérisation de l’actine alors qu’un siRNA dirigé contre raptor n’a pas d’effet sur la formation des fibres d’actine F (Jacinto et al. 2004). En outre, la paxilline qui joue un rôle dans le recrutement de protéines aux points focaux d’adhésions n’est plus recrutée ni phosphorylée lorsque l’expression de l’un des membres de mTORC2 est diminuée (Jacinto et al. 2004). mTORC2 joue un rôle sur le cytosquelette d’actine via les petites GTPases Rac et Rho puisque l’expression de ces protéines constitutivement actives rétablit les fibres de stress en absence de mTORC2. Toutes ces données confirment le rôle de mTORC2 et l’absence de rôle de mTORC1 dans la signalisation au cytosquelette d’actine.

(c) Modulation et activation de la voie mTOR

Etant donné le grand nombre de processus régulé par mTOR, il n’est pas étonnant qu’un grand nombre de facteurs intrinsèques et extrinsèques aient un impact direct sur la voie de signalisation de mTOR.

Le traitement des cellules avec de l’insuline, du sérum ou certains facteurs de croissance a montré une augmentation de l’activité protéine kinase de mTOR. Cependant, le mécanisme d’activation de mTOR par ces agents reste partiellement connu.

Une partie de l’activité de mTOR est constitutive (Gingras et al. 1999) mais le traitement à l’insuline va avoir pour conséquence une activation de son récepteur puis de IRS et de la voie PI3K/PDK/Akt qui va phosphoryler et activer mTOR (Reynolds et al. 2002). De même, un rôle de régulation de l’activité de mTOR par des protéines hamartine et tuberine codées respectivement par les gènes TSC1 et TSC2, par la petite protéine G Rheb et par PRAS40 a été découvert récemment. TSC1 et TSC2 ainsi que PRAS40 ont un effet négatif sur mTOR tandis que Rheb a un effet positif. En présence d’un signal mitogène, la voie PI3K/Akt va être activée ce qui va entraîner la phosphorylation de TSC2 par Akt et la déstabilisation et l’inactivation du complexe suppresseur de tumeur TSC1/TSC2. TSC2 n’exerce plus son activité GTPase envers Rheb (Ras homolog enriched in brain) qui sous sa forme

Figure 42. Schéma simplifié de l’activation de mTOR.

mTOR

raptor

Rheb

TSC1

TSC2

Akt

PRAS40

ACIDES

lié au GTP active mTOR (Proud 2004). Akt va également phosphoryler PRAS40 ce qui va diminuer la capacité de cette protéine constitutivement associée dans le complexe mTORC1 à inhiber mTOR (Vander Haar et al. 2007) (Figure 42).

D’autre part, mTOR est capable de s’autophosphoryler sur la serine 2481 et cette autophosphorylation n’est pas sensible à la rapamycine (Peterson et al. 2000). L’hypothèse des auteurs est que la rapamycine n’inhibe pas mTOR en jouant sur l’activité kinase de mTOR mais pourrait empêcher l’interaction avec les protéines cibles ou modifier la localisation intra-cellulaire de mTOR. De plus, l’absence de phosphorylation des protéines cibles de mTOR en présence de rapamycine pourrait être expliqué par la régulation de phosphatases comme PP2A (Peterson et al. 2000). En effet, lorsque mTOR est inhibée, PP2A est activée par un mécanisme inconnu même si cela pourrait passer par la phosphorylation directe de PP2A par mTOR (Peterson et al. 1999).

L’état redox de la cellule peut également influencer l’activité de mTOR. L’addition d’oxydant aux cellules entraîne une diminution de la liaison de raptor à mTOR mais augmente l’activité de S6K (Sarbassov and Sabatini 2005).

(d) KO de mTOR

Chez S. Cerevisae, la délétion des gènes TOR1 et TOR2 entraîne un arrêt en phase G1, une diminution de la synthèse protéique et de l’import d’acides aminés, une augmentation de l’autophagie et de nombreuses modifications de la transcription. Ces conséquences peuvent être également observées en réponse à un agent inhibiteur, la rapamycine (Heitman et al. 1991). Le mode d’action de la rapamycine est encore controversé mais il semble agir en se liant à FKBP12 qui va secondairement se lier à mTOR et l’inhiber ; l’autre hypothèse est qu’il modifierait le complexe multiprotéique auquel appartient mTOR (Fingar and Blenis 2004). Cependant, la rapamycine ne bloque pas totalement les voies de signalisation issues de mTOR (McMahon et al. 2002). Aucun animal KO pour mTOR n’a été décrit et ces animaux ne semblent pas viables. Cependant des souris possédant un allèle non fonctionnel de mTOR ont été décrites. Cet allèle non fonctionnel possède une mutation intronique qui génère par épissage alternatif deux protéines mTOR, une tronquée à partir de l’acide aminé 385 et l’autre possédant 3 acides aminés supplémentaires insérés au niveau de l’acide amine 172. Les souris homozygotes possédant cet allèle mutant sont appelées flat-top à cause d’un défaut de développement du cerveau. Ces souris meurent aux environs du neuvième jour

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embryonnaire et ces embryons sont plus petits que les embryons sauvages au même stade, ce qui est en accord avec le rôle de mTOR dans le contrôle de la croissance (Hentges et al. 1999).

II) Hypoxie et HIF

A) Hypoxie

1) Généralités

Depuis la découverte en 1774 par Joseph Priestley de l’effet d’une bougie allumée dans un espace clos sur une souris, l’importance de l’oxygène moléculaire (O2) pour la survie de la vie animale est connue. La consommation de l’oxygène par la flamme a eu de nombreux effets délétères sur la souris et a permis d’observer le potentiel létal d’un faible niveau d’O2. Ce faible niveau d’O2 est nommé « hypoxie ».

Sans un apport adéquat en O2, l’organisme est donc condamné à mourir très rapidement. Afin de survivre, l’animal qui détecte une diminution du taux d’oxygène sanguin au niveau de structures spécialisées situées dans la crosse aortique, les barorecepteurs, va rapidement mettre en place une réponse. Un signal dopaminergique est envoyé au cerveau qui entraîne à son tour une augmentation de la respiration et du rythme cardiaque (Halliwill and Minson 2002; Hainsworth et al. 2007). De ces modifications résultent une augmentation de la pression sanguine et de la saturation en O2 qui permet de remédier rapidement à la chute de l’oxygène sanguin.

Par exemple, lors d’un séjour en altitude, où le niveau d’O2 atmosphérique est plus faible qu’au niveau de la mer, une personne va rapidement voir sa respiration s’accélérer, son débit circulatoire augmenter et si ce séjour se prolonge, une augmentation de ses globules rouges (polyglobulie) et de son hémoglobine et peut- être une prolifération de ses capillaires sanguins (Hainsworth et al. 2007). Ces adaptations permettent de diminuer le besoin en O2 et d’augmenter la quantité d’O2 donnée aux tissus.

En plus du séjour en altitude, il existe plusieurs cas physiopathologiques où une hypoxie peut être observée :

- L’embryogenèse : l’hypoxie permet le développement embryonnaire en régulant la formation de différents organes (Lee et al. 2001b; Simon and Keith 2008);

- La différenciation cellulaire : certaines différenciations cellulaires (en particulier les cellules souches hématopoïetiques et les cellules souches embryonnaires) se produisent au sein de niches hypoxiques (Webster and Abela 2007; Simon and Keith 2008).

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- L’ischémie vasculaire : l’ischémie est caractérisée par une diminution de l’apport sanguin artériel et donc en oxygène à un organe. Cette diminution entraîne une hypoxie des tissus de l’organe touché et perturbe sa fonction. L’ischémie peut-être due à un caillot sanguin qui obstrue une artère, à une plaque d’athérome, à une hémorragie, à une compression interne (hématome) ou externe (garrot).

- L’inflammation : le niveau d’O2 diminue fortement au site de l’inflammation (Najafipour and Ferrell 1995; Frede et al. 2007). Cette diminution pourrait être causée par une augmentation de la consommation en O2 par le tissu inflammé (Najafipour and Ferrell 1995) et permettrait le recrutement et l’activation au site de l’inflammation des cellules immunitaires (Murdoch et al. 2005).

- La rétinopathie diabètique : les stades précoces de la rétinopathie diabétique sont caractérisés par une diminution de la vascularisation de la rétine. Cette diminution entraîne une hypoxie qui va remédier au manque d’oxygène en déclenchant une vascularisation non contrôlée et aboutit à la cécité (Walshe and D'Amore 2008). - Les tumeurs solides : les cellules tumorales prolifèrent plus vite que la vascularisation et certaines cellules tumorales vont rapidement rencontrer un environnement avasculaire déficient en O2. En effet, la diffusion de l’O2 au sein de la tumeur est limitée et les cellules qui se trouvent à une distance des vaisseaux supérieure à 150 µm sont dans une zone hypoxique (Brahimi-Horn et al. 2007). De plus, la néoangiogenès tumorale est souvent déregulée et donne naissance à des vaisseaux non fonctionnels (qui ne sont pas reliés à la vascularisation générales par exemple) (Baluk et al. 2003).

2) Rôle de l’hypoxie dans le développement

Afin de permettre la survie et l’oxygénation des tissus, les organismes supérieurs développent des systèmes respiratoire et circulatoire complexes pour assurer la disponibilité de l’O2 à toutes les cellules de l’organisme.

Dans des embryons normaux de souris, de rats et d’oiseaux, des zones hypoxiques marquées au pimonidazole sont détectées pendant l’organogenèse et ces zones changent de localisations en fonction du développement et de l’age de l’embryon (Lee et al. 2001b). Ainsi, des zones hypoxiques sont retrouvées au niveau du tube neural chez des embryons précoces de souris (8,5 jours) puis dans le plexus choroïde et la proéminence maxillaire à 12,5 jours et dans le lobe olfactif à 16,5 jours mais aussi dans le foie, le rein, le cœur et le tractus gastro-intestinal entre autres localisations (Lee et al. 2001b). Ce rôle de l’hypoxie dans l’embryogenèse

pourrait passer par l’induction hypoxique de l’apoptose qui joue un grand rôle dans le développement embryonnaire normal (Zakeri and Ahuja 1997).

L’hypoxie serait donc un régulateur du développement normal de l’embryon.

3) L’hypoxie, un facteur pronostic négatif dans les tumeurs

L’hypoxie est une des caractéristiques du microenvironnement tumoral à cause du défaut de microvascularisation consécutive à la croissance accélérée des cellules tumorales. La présence d’aires hypoxiques dans la tumeur est corrélée avec une issue négative après radiothérapie, chimiothérapie et chirurgie (Brahimi-Horn et al. 2007). Non seulement, l’hypoxie favorise la création d’un environnement radio- et chimiorésistant (notamment à cause d’une diminution de la délivrance des médicaments) mais elle favorise l’instabilité génétique et la sélection de clones résistants aux traitements anti-tumoraux (Vaupel 2004).

L’hypoxie présente au sein de la tumeur est associée à un mauvais pronostic chez des patients atteints de cancers de la tête et de la nuque (Nordsmark et al. 2005), du sein (Hussain et al. 2007) ou du col de l’utérus (Hockel et al. 1996). La survie des patients est diminuée si la tumeur est associée à une forte hypoxie.

De plus, l’hypoxie permet l’augmentation de tumeurs secondaires. En effet, le nombre de métastases est significativement augmenté si la tumeur primaire possède une pO2 inférieure (Sundfor et al. 1998).

B) HIF

1) Définition

(a) Généralités

En 1995, l’équipe de Semenza a caractérisé le régulateur central de l’hypoxie, HIF-1 (Hypoxia Inducible Factor-1). HIF-1 est un facteur de transcription de la famille bHLH (basic Helix Loop Helix) qui en entraînant la transcription d’un grand nombre de gènes permet la survie des cellules en conditions hypoxiques. Il est constitué de deux sous-unités HIF-1α et ARNT1/HIF1β. Ces deux protéines sont synthétisées de manière constitutive dans les cellules mais en conditions normoxiques, HIF-1α est rapidement reconnue par des prolyl hydroxylases (PHDs) et par pVHL (protéine Von Hipel Lindau), qui appartient au complexe E3 ubiquitine ligase, et est dégradée par

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