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Les fusions et acquisitions en tant que déterminant de la satisfaction des clients

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 50-56)

CHAPITRE I : FONDEMENTS CONCEPTUELS DE LA RECHERCHE

Section 1. Satisfaction des clients et fusions et acquisition

1. Le concept de satisfaction

1.2 Les fusions et acquisitions en tant que déterminant de la satisfaction des clients

Les recherches portant sur l’ACSI ont identifié un certain nombre de facteurs susceptibles d’expliquer les différences de performance entre les entreprises en matière de satisfaction. Parmi les facteurs identifiés, il y a d’une part, des facteurs sectoriels comme le degré de concentration du secteur (Anderson and Ngobo, 1999; Fornell, 1992; Rego et al.,

19 Elles comprennent les dépenses effectivement réalisées par les ménages résidents pour acquérir des biens et des services destinés à la satisfaction de leurs besoins. Les produits correspondants ne sont pas stockés, mais considérés comme consommés au moment de leur achat, même s’ils sont durables (INSEE)

20 http://www.theacsi.org/national-economic-indicator/macroeconomic-indicator

2013), le taux de croissance du marché (Anderson et Ngobo, 1999 ; Regó, Morgan, et Fornell, 2013), l’intensité publicitaire et en R&D du secteur (Anderson and Ngobo, 1999). Par exemple, Anderson and Ngobo (1999) montrent que lorsque les besoins des clients sont hétérogènes, leur satisfaction est positivement liée à l’intensité publicitaire et l’intensité en R&D, la satisfaction est également liée au degré élevé de la concentration du marché lorsque les besoins des clients sont homogènes. Plusieurs facteurs spécifiques à l’entreprise tels que le niveau d’endettement (Malshe and Agarwal, 2015), la part de marché, le degré de diversification des activités de l’entreprise, sa taille, son niveau de rentabilité (Rego et al., 2013) expliquent également les différences de performance entre les entreprises en matière de satisfaction des clients.

Le rôle des fusions-acquisitions n’a pas été vraiment abordé. Toutefois, quelques travaux et enquêtes évoquent de telles conséquences. Il semblerait ainsi que ces opérations exercent une influence négative sur la satisfaction globale des clients. Thorbjørnsen and Dahlén (2011), suite à cinq études expérimentales, montrent que les clients réagissent négativement aux F&A.

Du côté des clients, les réactions peuvent se manifester en général par une perte de confiance à l’égard de leurs marques et par l’envie ou l’intention de s’orienter vers les concurrents. On peut lire dans d’autres travaux que les clients estiment qu’ils ne profitent pas des opérations de fusion-acquisition car elles sont susceptibles de se traduire par une augmentation des prix et une détérioration de la qualité de service (Sikora, 2005).

Dans une enquête mandatée par le journal BusinessWeek21 en 2004, il apparaît également que les clients réagissent négativement aux opérations de F&A. De plus, cela peut prendre plusieurs années aux entreprises impliquées pour pouvoir regagner la confiance de leurs clients et ainsi prétendre améliorer leur performance grâce aux fusions. Les enquêteurs donnent l’exemple de l’acquisition de SBC Communication Inc et Ameritech corp en 1999 suite à laquelle les clients estimaient qu’ils étaient moins satisfaits par rapport à la période d’avant l’opération.

Öberg (2008) dans sa thèse analyse 8 études de cas. Elle observe certaines réactions négatives des clients déçus par les opérations de F&A. Par exemple, lors de l’acquisition de BT industries par Toyota, BT prévoyait de commercialiser les camions de marque Toyota. Alors

21 Le journal BusineesWeek a été acheté par Bloomberg en 2010 et porte depuis la marque Bloomberg BusinessWeek

comme l’entreprise ATLET, le concessionnaire de Toyota basé au Suède était le concurrent de BT, la réaction d’Atlet a été immédiate. Toutes les relations avec Toyota ont été annulées et par conséquent, Atlet s’est orientée vers Caterpillar.

Mamatov et al. (2010) observent également des réactions négatives des clients face aux opérations de F&A. Ils montrent que le niveau des ventes baisse un an après les F&A lorsqu’il s’agit des opérations internationales tandis que les opérations locales parviennent à maintenir leurs ventes à un niveau élevé. La fusion-acquisition aurait également tendance à accentuer les réactions des clients. Ainsi, certains seraient prédisposés à changer de prestataires de services, si la qualité des services offerts baisse suite à une F&A. Par contre, ces mêmes clients estiment qu’ils ne changeraient pas de prestataires si la même baisse de qualité se produisait dans un contexte de non fusion (McLelland and Goldsmith, 2014).

Comment expliquer ce boycott des fusions-acquisitions par les clients ?

Sur le plan théorique, quelques réflexions permettent d’expliquer comment une fusion-acquisition peut exercer une influence (positive ou négative) sur la satisfaction des clients. La référence faite à la théorie du signal (Connelly et al., 2011), on peut supposer que lors de l’annonce d’une fusion-acquisition, la communication faite par les acteurs de cette opération (dirigeants/actionnaires) produit un signal qui peut être reçu et interprété différemment par les clients des entreprises impliquées. A partir de ce message, les clients peuvent modifier leurs attentes en termes de qualité des produits/services que la nouvelle entité est supposée leur proposer. Ces derniers sont exposés à un nouveau stimulus (fusion-acquisition). Dès lors, la théorie de l’assimilation-contraste nous aide à analyser la nature des biais perceptuels induits lorsque ces clients sont exposés à une opération de regroupement de leurs entreprises/marques.

Les clients établissent une échelle de référence avec un point d’encrage, une zone d’acceptation et une zone de rejet (Sherif et Hovland, 1961). Cette démarche le conduit à deux effets opposés considérés comme des biais perceptuels dépendant de la différence perçue entre le stimulus et le point d’ancrage de l’individu (clients) (Poncin et Pieters, 2002). D’une part, l’effet d’assimilation qui est lié à la présence du stimulus dans la zone d’acceptation et d’autre part, l’effet de contraste qui correspond à la présence du stimulus dans la zone de rejet. Ainsi, si une F&A parvient à répondre correctement aux attentes des clients, on peut dire que le signal du départ produit un effet d’assimilation. Dans le cas contraire, on assiste à un effet de contraste.

Dès lors, deux cas de figure ci-dessous permettent de clarifier l’effet de contraste dans le contexte d’une fusion :

a) Si les firmes en fusion jouissent d’une bonne réputation, les clients risquent de revoir leurs attentes à la hausse à tel point que la nouvelle entité ne pourra pas répondre correctement à ces attentes. Par conséquent, les clients seront insatisfaits, ils s’orienteront vers les concurrents.

b) Si les firmes en fusion ou une d’entre-elles, a une mauvaise réputation dûe par exemple à l’insatisfaction de ses clients dans le passé, les attentes peuvent être revues à la baisse. De même, les clients n’achèteront pas les produits/services de la nouvelle entité. Dans ces deux cas, le signal produit un effet de contraste. Les clients seront insatisfaits et l’entreprise ne pourra pas atteindre ses prévisions des ventes.

c) Si la motivation d’une F&A est l’accroissement du marché, l’augmentation exponentielle du nombre des clients à court terme risque de réduire leur satisfaction, dans le sens où la nouvelle entité aura du mal à satisfaire tous les besoins/attentes qui deviennent très hétérogènes. Cela sera particulièrement problématique dans des secteurs où la satisfaction des clients est fonction du degré de personnalisation de l’offre.

Bien que le rejet des F&A puisse s’expliquer par plusieurs facteurs, certaines raisons nous semblent plus pertinentes que d’autres.

Premièrement, il existe une hypothèse selon laquelle les clients (ou le marché) de l’entreprise cible basculent ou s’orientent automatiquement vers le côté de l’acquéreur lors d’une F&A (Anderson et al., 2001). Selon cette hypothèse, la F&A devrait profiter à l’entreprise acquéreuse. Or, il apparaît également un phénomène d’inertie où l’Homme a tendance à préférer son premier choix (Muthukrishnan, 1995) ce qui aboutit au statut quo ou à l’inaction. L’une des raisons est que l’humain considère que causer un tort par l’action est pire que causer un tort par l’inaction (Samuelson and Zeckhauser, 1988). Ceci est possible lorsque par exemple la fusion-acquisition débouche sur un changement de marque.

Concernant la relation qui existe entre le client et la marque, la littérature montre que la satisfaction cumulée, la confiance et l’engagement permettent de caractériser la qualité de la

relation que le consommateur a établie à l’égard d’une marque particulière (Palmatier et al., 2006). Gurviez and Korchia (2002) définissent la confiance dans une marque comme une variable psychologique qui reflète un ensemble de présomptions accumulées quant à la crédibilité (compétence, expertise, capacité à tenir ses engagements), à l’intégrité (honnêteté, sincérité, déontologie) et à la bienveillance (volonté d’agir dans le sens des intérêts du client et de tenir ses engagements) que le consommateur attribue à la marque.

Garbarino and Johnson (1999) désigne l’engagement comme le sentiment d’affiliation et d’identification du consommateur envers la marque ainsi que son implication dans la relation commerciale. L’engagement est souvent considéré comme un facteur de stabilité et de maintien de la relation même si les circonstances s’avèrent ponctuellement défavorables (Morgan and Hunt, 1994) et comme un antécédent direct de comportements de fidélité, tels que la durée et la fréquence d’achat des produits de la marque (Verhoef, 2003). Or, lors d’une opération de regroupement d’entreprises, le fait de changer la marque peut être vu comme un manque de respect des engagements de la part des entreprises impliquées et cela risque de remettre en cause ce système de croyances (entre les clients et leurs marque), ce qui peut produire une profonde dissonance cognitive (Festinger, 1962).

Deuxièmement, les clients ne sont pas impliqués en amont pendant les phases de négociation et dans certains cas ils ne sont ni informés ni impliqués lors de la mise en place ou de la concrétisation de l’opération pendant les phases d’intégration. Dès lors, certains d’entre eux peuvent donc estimer que leur liberté de choix est remise en cause et/ou que, par conséquent, les opérations de fusions-acquisitions constituent une menace. Naturellement, ces clients peuvent développer des mécanismes de défense pour tenter de reconquérir leurs libertés comme l’explique la théorie de la réactance psychologique22 (Brehm, 1966) ou la théorie de la restauration de la liberté. Autrement dit, ils mettent en place un système qui leur permet de restaurer leur équilibre cognitif (Cummings et Venkatesan, 1976).

Ces mécanismes peuvent être le rejet de la marque ou le choix d’une marque concurrente, la baisse des quantités achetées, etc. Toutefois, il peut exister un refus d’engagement du fait de la réactance psychologique sans que cela ne se traduise nécessairement par une perte de confiance (Darpy et Prim-Allaz, 2006)

22 Les auteurs définissent la réactance psychologique comme la réaction négative des individus à toute tentative de contrainte de leur libre choix

D’autres réactions peuvent être, par exemple, le fait une mauvaise communication à l’encontre de leur entreprise à travers le oreille négatif. La littérature montre que le bouche-à-oreille exerce une influence sur l’attitude des consommateurs (Bone, 1995; Pincus and Waters, 1977), sur leurs intentions d’achat (Charlett et al., 1995; Herr et al., 1991) et sur la prise de décisions (Bansal and Voyer, 2000). Dès lors, on peut s’attendre également à un effet négatif sur la performance d’une entreprise. En principe, trois facteurs expliquent pourquoi un consommateur peut s’orienter vers d’autres marques (Bansal et al.;2005).

Ces facteurs sont :

a) Push effects (effet d’incitation) : qui correspond à la mauvaise qualité des services, aux prix élevés, la baisse de confiance et d’engagement/attachement ;

b) Pull effetcts (un effet d’attraction) : qui correspond à la disponibilité d’une offre intéressante ailleurs ;

c) Moorings effects (coûts de changement) : qui correspond au choix personnel d’aller par exemple chercher d’autres produits ou services variés chez une marque concurrente.

En effet, le client mécontent suite à une F&A peut, par exemple, décider de retirer sa confiance à l’égard de son entreprise, il peut aller chercher des offres intéressantes ailleurs ou simplement s’orienter définitivement vers les entreprises concurrentes. D’ailleurs, la littérature montre que les fusions-acquisitions affectent la valeur de la marque. Ainsi, Jaju et al. (2006) montrent que la valeur de la marque baisse suite à une fusion, quand Lee et al. (2011) observent une baisse de valeur de marque seulement pour les entreprises dont le capital marque est le plus élevé par rapport à l’autre firme en F&A.

Dans le même ordre d’idée, Lambkin et Muzellec (2010) dans leurs travaux en B2B observent une hausse de la valeur de l’entreprise cible lorsque la valeur de la firme acquéreuse est supérieure à celle de la cible. Dans ce contexte, les entreprises impliquées peuvent ne pas bénéficier de la F&A, du moins en ce qui concerne la satisfaction des clients et les ventes, car les réactions des clients seraient imprévisibles.

1.3 La F&A comme modérateur des effets de la satisfaction des clients sur la performance

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