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Front d’auto-inflammation haute température (Main Heat Release): front FR3

3  Obtention et caractérisation des différents modes de combustion

3.2  Transition vers le régime d’auto-inflammation

3.2.2  Front d’auto-inflammation haute température (Main Heat Release): front FR3

La vitesse de propagation théorique d’un front d’auto-inflammation soumis à des hétérogénéités de température peut être calculée en se basant sur les travaux de modélisation asymptotique de Bradley et al [19], [90], [92], [94], [106]. Ces travaux ont été détaillés dans le Chapitre

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.

Dans la suite de ce chapitre, on se servira du formalisme de Bradley et al. [19] qui relie la vitesse de propagation du front de MHR (front réactif associé aux mécanismes réactionnels à haute température HTR) à l’inverse du gradient spatial de température multiplié par la dérivée du délai d’auto-inflammation vis-à-vis de la température (équation (1-25)).

𝑈 𝜕𝜏 1

𝜕𝑇 . 𝑔𝑟𝑎𝑑⃗𝑇

(3-1)

Cette vitesse théorique sera calculée et comparée avec celle mesurée expérimentalement pour le front FR3.

Pour obtenir la vitesse théorique de propagation du front de MHR de l’auto-inflammation deux termes devront donc être calculés, le gradient de température dans les gaz frais au moment de l’apparition du front FR3, et la dérivée du délai d’auto-inflammation du mélange vis à vis de la température et cela pour des températures voisines de celles correspondant à l’apparition des différents fronts réactifs précédemment observés. On négligera ici la contribution de la conduction. Cette hypothèse est valide à l’ordre 1 lorsque le front est suffisamment rapide par rapport à la vitesse fondamentale de flamme [142].

Détermination du gradient thermique au moment de l’apparition du FR3

Dans les conditions de l’étude, la mesure précise et instantanée d’un gradient de température faible est très difficile. Pour déterminer les gradients thermiques, nous nous appuyons donc sur la mesure expérimentale du gradient initiale dans la chambre et un calcul basés sur les hypothèses suivantes :

 On suppose que le gradient de température initial est comprimé de manière 1D selon l’hypothèse de cœur adiabatique

 On néglige d’éventuels transferts de chaleur entre les éléments de fluide qui constituent la répartition initiale de température au cours de la compression

 La compression, induite par la flamme tulipe, est obtenue à partir du signal de pression (et des visualisations par strioscopie). On se base sur l’instant d’apparition du front FR2, où il n’y a pas encore eu de dégagement de chaleur, pour calculer le gradient

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 On réalise ensuite le calcul de compression adiabatique pour chaque élément de fluide retenu. On suppose qu’il n’y a pas de transfert de chaleur entre les différents volumes de fluide, et que l’écoulement reste suffisamment subsonique pour que la pression soit homogène dans la chambre. La compression peut alors être calculée de manière indépendante pour chaque élément. On utilisera le réacteur IdealGasReactor de Cantera à cet effet.

Par conséquent, on relève dans un premier temps la pression dans la chambre de combustion au moment de l’apparition du front FR2. La visualisation par strioscopie permet de référencer le temps d’apparition du front FR2, t1. On effectue une moyenne des valeurs de pression P1 relevées 1 µs autour de ce temps t1, pour obtenir la pression au moment de l’apparition du front FR2. On ne s’appuie ici que sur les visualisations par strioscopie du phénomène.

Puis, à l’aide de Cantera, une compression isentropique est réalisée depuis les conditions thermodynamiques E1 et E2 jusqu’à la pression P1. On obtient alors le profil vertical de température dans la chambre de combustion pour les deux conditions thermodynamiques initiales E1 et E2 (Figure 3-14). Du fait de la propagation de la flamme tulipe dans la chambre de combustion, une partie des gaz frais a été brûlés. On utilise la position de la flamme tulipe sur les strioscopies au temps t1 pour éliminer la partie du profil de température correspondant aux gaz déjà brûlés par la flamme à cet instant.

Figure 3-14 Évolution de la température dans la chambre de combustion suite à une compression isentropique des gaz frais passant de P0 = 3 bar à PII pour les deux conditions thermodynamiques d’essais E1 et E2.

On peut ainsi calculer le gradient de température moyen dans les gaz frais autour de la zone d’apparition du front FR3. L’ensemble des résultats ayant trait à ce calcul pour les deux conditions thermodynamiques étudiées E1 et E2 sont regroupés dans la Table 3-1.

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thermodynamiques t1 (ms) P1 (bar)

Position de la flamme tulipe depuis le fond de la chambre

(mm)

grad T (K.mm-1)

E1 16.4 17.41 30 0.5

E2 14.575 15.235 40 0.25

Table 3-1 Résultats du calcul de gradient de température au moment d’apparition du FR2 pour les conditions thermodynamiques E1 et E2

Evaluation de la corrélation du délai d’auto-inflammation en fonction de la température

L’obtention de la dérivée du délai d’auto-inflammation vis à vis de la température est nécessaire pour calculer la vitesse de propagation du front FR3 (équation (1-25)). Aussi, l’auto-inflammation est simulée à pression constante sur toute la gamme de température cible atteinte après la compression isentropique pour les conditions thermodynamiques E1 et E2. Dans notre cas, le délai d’auto-inflammation correspond à l’instant du deuxième point d’inflexion sur la courbe de température. Une approximation polynomiale d’ordre 5 permet ensuite d’avoir accès à une valeur spécifique dans cet intervalle (Figure 3-15). La dérivée du délai d’auto-inflammation par rapport à la température est ensuite calculée en considérant les valeurs extrêmes de la distribution de température obtenue pour chaque condition E1 et E2 (Figure 3-14).

Figure 3-15 Evolution du délai d’auto-inflammation en fonction de la température21 pour les conditions thermodynamiques d’apparition du FR2

Pour chaque condition thermodynamique E1 et E2, le gradient de température et la dérivée du délai d’auto-inflammation à l’instant d’apparition du front FR2 sont calculées et répertoriées dans la Table 3-2. La vitesse de propagation du front FR3, calculée par la formulation de Bradley (relation (1-25)), est alors respectivement d’environ 100 m/s et 200 m/s pour les conditions E1 et E2. Les valeurs du gradient de température et de dérivée du délai d’auto-inflammation sont arrondies car les incertitudes sur la mesure du gradient thermique à l’instant d’apparition de la

21 L’approximation polynomiale à l’ordre 5 semble moins précise à partir de 800 K. Ce n’est pas gênant puisque la température maximale considérée pour les calculs d’auto-inflammation est 800 K.

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flamme froide et celles liées à l’approximation polynomiale pour la dérivée du délai d’auto-inflammation sont importantes. Il apparaît donc inapproprié de donner autre chose qu’une vitesse approximative de propagation du front FR3.

Conditions thermodynamiques Gradient de température (K.mm-1) Dérivée du délai vis-à-vis de T (ms.K-1) Vitesse de propagation du front FR3 (m.s-1) E1 0.5 0.02 100 E2 0.25 0.02 200

Table 3-2 Calcul de la vitesse de propagation du FR3 pour chaque condition thermodynamique initial E1 et E2

Ces résultats montrent qu’un front de MHR prenant naissance dans les conditions d’apparition des fronts FR2 et FR3 se propagent à une vitesse entre 100 et 200 m.s-1 suivant les conditions initiales.

Mesure expérimentale de la vitesse de propagation du front FR3

La vitesse de propagation du front FR3 a été mesurée pour les deux conditions thermodynamiques E1 et E2. La mesure de vitesse du front réactif dans ces conditions à partir des visualisations strioscopiques reste délicate, car le signal de fond correspondant à la flamme tulipe cellulaire est relativement intense par rapport à celui du front FR3 auquel il est superposé. Elle a donc nécessité la mise en place d’une méthode dédiée pour le traitement et l’analyse des enregistrements strioscopiques.

La difficulté de ce traitement d’image strioscopique réside dans la présence d’un grand nombre de gradient d’indice lié à la structure cellulaire de la flamme. Dans ces conditions la détection du front FR3 seul s’avère complexe. Pour des raisons d’ordre pratique, on se sert de l’uniformité du gradient d’indice optique dans les gaz brûlés pour détecter le front FR3 du côté des gaz brûlés. L’objectif de ce traitement est donc d’obtenir le contour des gaz brûlés dans la zone de visualisation. Dans ces conditions, la partie inférieure du contour représentera le front FR3. Le traitement utilisé est détaillé en Annexe 0.

La Figure 3-16 présente deux contours successifs (courbes orange et bleu) superposées à une visualisation strioscopique associé au contour orange. Pour des positions longitudinales entre 0 et 15 mm, le front FR3 visualisé par strioscopie se superpose parfaitement avec le contour tracé. Ce n’est plus le cas entre X = 20 et 30 mm. Cette différence est liée au seuil de détection utilisé. Il est donc impératif de vérifier sur chaque essai quelle partie du signal est à considérer (dans le cas de la Figure 3-16, X = 5 à 15 mm) pour obtenir la vitesse de propagation du front réactif.

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Figure 3-16 Tracé de deux contours successifs superposée à une visualisation par strioscopie mettant en évidence la propagation du front FR3 dans la condition E2

On ne s’intéresse qu’aux premiers instants de la propagation du front FR3 puisque la propagation rapide de ce front réactif va comprimer encore les gaz frais et modifier ainsi le gradient de température. Dans ce cas, la comparaison des vitesses de propagation expérimentale avec les calculs réalisés précédemment divergeraient naturellement.

Pour la condition E2, on mesure finalement aux premiers instants de son apparition que le front FR3 se propage dans les gaz frais à une vitesse d’environ 200 m.s-1. De la même manière, la vitesse du front FR3 relevée pour la condition E1 est environ de 100 m.s-1. Cela corrobore les premières observations expérimentales ainsi que le calcul de vitesse de propagation d’une auto-inflammation dans ces conditions.

Comparaison entre les temps d’apparition des fronts FR2 et FR3 et les délais calculés d’apparition de la flamme froide et du MHR

Un calcul d’auto-inflammation à pression constante sans prise en compte de l’historique de compression est réalisé en se plaçant dans les conditions d’apparition du front FR2. Le délai entre l’apparition des fronts FR2 et FR3, identifiés expérimentalement, est ensuite comparé au délai entre l’apparition de la flamme froide et du MHR ainsi calculé.

Les conditions thermodynamiques au moment de l’apparition du front FR2 sont calculés pour les conditions d’essais E1. Pour cela la pression à l’instant d’apparition du front FR2 est relevée expérimentalement à t1. Le mélange frais est ensuite comprimé de manière isentropique à l’aide des équations de Laplace (équation 2-22), en supposant 𝛾 constant, depuis les conditions thermodynamiques initiales (chauffe Uniforme A, soit T0 = 421.6 K, P0 = 3 bar) jusqu’à la pression d’apparition du front FR2 (ici P1 = 17.41 bar). Dans ce calcul, la température de la zone comprimée est supposée initialement égale à T0. On obtient ainsi la température dans les gaz frais au moment d’apparition du front FR2, T1 = 740 K.

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Le calcul des grandeurs thermodynamiques (P, T, Yk) pendant le phénomène d’inflammation à pression constante est ensuite réalisé dans ces conditions. Dans le cas d’une auto-inflammation en deux étapes, le délai entre l’apparition de la flamme froide et du MHR est équivalent à la différence entre les temps correspondant aux points d’inflexion successifs sur la courbe de température (Figure 3-17, courbe noire). Le délai ainsi obtenu est d’environ 0.45 ms. Le délai entre l’apparition des fronts FR2 (t1) et FR3 (t2), soit t2 – t1, pour l’essai présenté dans la Figure 3-6 est de 0.364 ms avec une incertitude de 0.032 ms, liée à la fréquence d’acquisition de la caméra. On trouve un délai expérimental du même ordre de grandeur que le délai calculé. La prise en compte de l’historique de compression dans le précédent calcul aurait eu tendance à raccourcir le délai entre l’apparition des deux fronts successifs [57]. Ces calculs confirment donc, si nécessaire, que le front FR2 correspond bien à une flamme froide et le front FR3 au MHR du phénomène d’auto-inflammation.

Figure 3-17 Évolution de la température et identification des étapes de l’auto-inflammation à l’aide d’un calcul 0D à pression constante pour un mélange stœchiométrique de n-C10H22/O2/Ar à P1 = 17.41 bar et T1 = 740 K

Conclusion partielle

La vitesse mesurée est en adéquation avec les calculs de vitesse de propagation d’une auto-inflammation dans les mêmes conditions expérimentales. De plus, le calcul 0D d’auto-inflammation basé sur l’historique de compression expérimental montre que les fortes oscillations de pression, caractéristiques de la propagation rapide du front FR3, coïncide avec l’augmentation de pression liée au MHR de l’auto-inflammation (Figure 3-18). On peut donc conclure que le front FR2 et le front FR3 sont caractéristiques d’une auto-inflammation à deux étapes, le front FR2 correspondant à l’étape de flamme froide et le front FR3 à celle de MHR.

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Figure 3-18 Evolution de la pression dans la chambre et superposition du signal avec un calcul d’auto-inflammation avec historique de compression pour un mélange stœchiométrique de n-C10H22/O2/Ar à T0 = 421.6 K (Uniforme A)

et P0 = 3 bar [138].

3.3 Régime de détonation : le front FR4

Dans cette partie, le front FR4 sera étudié plus spécifiquement. Dans un premier temps, la vitesse de propagation du front FR4 sera mesurée et comparée à la célérité DCJ du régime de détonation autonome dit de Chapman Jouguet. Les longueurs et temps d’induction, associés à une détonation se propageant dans les conditions thermodynamiques d’apparition du front FR4, seront également calculées à l’aide du code de calcul Chemkin, associé au schéma cinétique MURI2. L’ensemble de ces données nous permettra de conclure quant à la nature du front FR4.