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Les freins à l'accès au foncier pour les HCF : les facteurs endogènes

PARTIE 3. L'accès au foncier : de l'asymétrie dans les ressources aux contradictions des politiques

1. Hors-cadre familial : nouveaux profils d'installation

1.2 Les freins à l'accès au foncier pour les HCF : les facteurs endogènes

Constituer son outil de travail passe avant tout par trouver du foncier et c'est là une des difficultés majeures pour l'installation de ce public. La recherche de foncier est qualifiée par Lucie et aussi par Bruno de « parcours du combattant » et Lucie utilisera à plusieurs reprises des termes de ce registre comme « bataille » (entretien 5). Les HCF interviewés ont vécu la recherche de foncier comme une épreuve qu'il a été difficile de surmonter et qui a parfois même remis le projet en question.

Premier facteur endogène : la ressource financière

Par facteurs endogènes nous désignerons ici les freins à l'accès au foncier induits directement par le « statut » de HCF, ce sont des freins dus à une cause interne à la position de HCF.

L'outil de travail est à construire pour les HCF et cela nécessite des ressources financières importantes et une période qui peut aller de deux ans à dix ans suivant les parcours et les ressources de chacun. Le foncier représentera une part importante de cet outil de travail et de l'apport financier de départ. Les HCF s'installent sur des parcelles en moyenne plus petites que les CF, ils sont beaucoup à choisir des productions qui demandent une surface faible de foncier comme le maraîchage. Cela peut s'expliquer par un choix rationnel car ce sont des productions économes en

foncier et nécessitant donc un investissement moins lourd qu'en élevage et en grandes cultures mais dans les entretiens il est plutôt ressorti que c'était un choix d'affinité avec les productions végétales. Ils sont très peu à reprendre une ferme en place car cela nécessite un apport financier trop important et chercheront une parcelle en vente ou en location pour construire leur projet ex-nihilo. Combiner la recherche en achat et en location leur permet de maximiser leurs chances de trouver et de pouvoir s'installer. Les ressources financières des HCF sont variables mais le fait de devoir partir de rien nécessite un apport financier que n'ont pas à débourser les CF.

Le foncier peut représenter une somme importante, Guillaume, confédéré nous dira que le foncier « c'est pas forcément qu'il est pas accessible mais il est accessible qu'aux riches » (entretien 1). Les bonnes terres sont difficiles à trouver et peuvent avoir des prix prohibitifs, l'argent qu'investira le HCF dans le foncier il ne pourra plus l'investir dans son installation et sera donc précarisé dès le démarrage de son activité. Lucie avait le budget nécessaire pour acheter des terres mais elle nous dit qu' « un jeune maraîcher qui n'a pas d'argent à la base qui veut s'installer en maraîchage avec une DJA, et le crédit agricole lui propose un prêt jusqu'à 70 000 € pas plus. Avec cette somme par exemple moi ce que j'achète, il ne peut pas l'acheter. Tu peux acheter quelque chose qui est déjà en place, un peu comme une installation dans un cadre familial mais là c'est pas à moins de 300 000 € » (entretien 5).

Malgré le frein que peut représenter l'achat du foncier et le risque que cela peut entraîner pour le démarrage de l'activité, ils sont relativement nombreux à vouloir accéder à la propriété car leur projet d'installation se confond avec un projet de vie et ils souhaitent pouvoir construire leur habitation sur place voire un lieu qui propose d'autres activités. Cela demande un investissement important que tous ne sont pas en mesure de faire, les chantiers en auto-construction, pour la plupart représenteront du temps et de l'énergie qui ne seront pas mis dans l'installation de l'outil de travail. Lucie a décidé de construire sa maison sur son terrain mais elle sait qu'elle en a « pour deux ans de travaux, si [elle] arrive à travailler six mois pendant l'année c'est bien » (entretien 5). Pour donner un ordre d'idée, une installation ex-nihilo en maraîchage avec achat de foncier, construction d'une salle de lavage, d'un petit hangar et l'achat de deux serres revient au minimum à 40 000 euros en prenant en compte une part en auto-construction. A cela devra se rajouter les premiers investissements, tracteur ou motoculteur, outils, caisses etc. Cette somme, pour ceux qui n'ont pas de fonds propres, peut représenter un endettement important dès le démarrage de l'activité.

Ressources informationnelles et connaissance du territoire

Un autre facteur que l'on peut qualifier d'endogène, bien qu'il puisse être influencé par des conditions exogènes, est le manque de ressources informationnelles. Celles-ci regroupent la

connaissance des organismes gestionnaires du foncier, des interlocuteurs auxquels s'adresser ou solliciter, les prix et toutes informations qui permettent au porteur de projet HCF de rencontrer des opportunités foncières. Ce frein est à relier à une méconnaissance du territoire et du fonctionnement du marché foncier local voire plus global, qui sont dans une certaine mesure des caractéristiques du profil de HCF et particulièrement NIMA. L'accès à l'information est plus complexe pour les HCF dans la mesure où cet accès est conditionné en grande partie par les ressources relationnelles ou réticulaires dont ils peuvent manquer de par la nouveauté de leur arrivée. En effet, dans une large moitié des cas les HCF sont primo-arrivants dans le département.

La méconnaissance du territoire induit aussi que les HCF vont manquer de connaissances sur les qualités agronomiques de la terre et des différents terroirs, ils pourront avoir ainsi des difficultés à savoir si une parcelle peut être viable ou non pour leur installation ou bien si le prix demandé n'est pas démesuré.

Pour finir sur ce point nous pouvons aussi avancer que ne venant pas du milieu agricole, les HCF NIMA peuvent susciter une certaine méfiance de la part des acteurs du monde agricole. Les représentations qu'induisent leur statut peuvent représenter un frein dans leur recherche de foncier, c'est un facteur endogène tout autant qu'exogène parce que même si leur profil peut déclencher certaines représentations, il faudra que leurs interlocuteurs transforment ces représentations en comportement de méfiance pour que cela représente un réel frein.

Les différentes difficultés qu'entraîne leur profil s'auto-alimentent dans certains cas, le manque de ressources financières entraîne une installation plus longue, la construction de l'outil de travail et souvent aussi de l'habitat retarde l'installation et la mise en production, les premières rémunérations peuvent arriver au terme de nombreuses années et maintenir l'agriculteur installé HCF dans une situation précaire.

Les CF sont beaucoup moins touchés par les différents freins que l'on vient de mentionner et cela apporte un sentiment d'inégalité chez les HCF : « et puis, c'est complètement inégal, un jeune qui s'installe dans sa famille eh bien il va pouvoir acheter une voiture, c'est ce qu'on dit toujours. Parce qu'en fait il n'a rien à acheter, il y a déjà tout en place » (entretien 5). De fait, les HCF n'ont pas accès au même modalités d'accès au foncier que les CF, ils développent ainsi des stratégies pour pallier à cette inégalité et in fine accéder au foncier.