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PARTIE 3. L'accès au foncier : de l'asymétrie dans les ressources aux contradictions des politiques

1. Hors-cadre familial : nouveaux profils d'installation

1.3 Comment accèdent-ils au foncier alors ?

Nous avons vu que les freins endogènes à l'accès au foncier se rapportent principalement à un faible ancrage territorial dû à une position de primo-arrivants sur la zone de recherche mais aussi à celle de « primo-arrivants dans le milieu agricole ». La manière dont les HCF s'ancrent socialement sur le territoire va être décisive pour pouvoir accéder au foncier et peut représenter des stratégies pour pallier aux difficultés que soulèvent leur position. L'installation agricole pour les HCF n'est pas synonyme de repli sur soi bien au contraire, cela correspond à une insertion dans le milieu paysan et rural et permet une sociabilisation notamment à travers la vente directe et une collaboration avec d'autres acteurs du milieu paysan, associatif et rural. Pour illustrer notre propos nous avons choisi de décrire deux parcours d'HCF pour accéder au foncier.

Bruno et Audrey ont cherché pendant une année du foncier autour de leur lieu d'habitation mais Bruno approchait l'anniversaire de ses 40 ans et ne pourrait plus demander la DJA, condition obligée pour son installation, il ne pouvait demander la DJA sans avoir préalablement le foncier. Ils habitaient la zone de recherche depuis près de deux ans et avaient comme contact privilégié Benoît, le propriétaire de la ferme où ils habitent. Celui-ci leur a indiqué des personnes à aller voir auxquelles ils se sont présentés comme venant de la part de Benoît. Une autre opportunité s'est présentée grâce au maître de stage d'Audrey mais n'a pas était fructueuse non plus. Benoît comme Alain sont des agriculteurs installés depuis un moment, Benoît ne s'est pas installé HCF, il s'est installé sur la ferme familiale mais accorde beaucoup d'importance au caractère social de l'agriculture, il est sensibilisé aux enjeux du renouvellement des générations et travaille beaucoup en groupe, il vend ses produits en PVC et est impliqué au niveau national et départemental dans les Coopératives d'Utilisation du Matériel Agricole (CUMA). Ce contact leur a permis d’accéder à des opportunités de foncier et lorsque Bruno était sur le point de se résoudre à abandonner son projet et à retourner chercher du travail faute de trouver du foncier, Benoît lui a proposé une parcelle.

Claire et Émilien sont agriculteurs depuis 2010, ils louent les terres qu'ils cultivent en maraîchage, pommes de terre, lentilles et en blé panifiable. Sur ces 17 ha, ils élèvent aussi trente brebis. Lorsque le propriétaire des 17 ha a décidé de vendre, Émilien et Claire n'avaient pas les ressources nécessaires pour acheter les parcelles bien qu'ils étaient prioritaires pour les acheter en tant que fermier. Ils contractent tout de même un prêt pour acheter 5 ha mais ne peuvent pas acheter les 12 ha restants. Ils décident de monter un groupement foncier agricole (GFA). La SAFALT intervient pour négocier le prix qui sera fixé à 50 000 euros, avec les divers frais cela revenait à 57 000 euros. Ils ont lancé un appel à souscription pour des parts à 500 euros pour rentrer dans le GFA. Émilien

vend ses produits au PVC de Villefranche-de-Rouergue, « Saveurs paysannes » dont il est sociétaire et au marché de la ville, il a constitué au fil du temps une clientèle fidèle. Émilien a distribué des prospectus et ils ont tout de suite eu des retours positifs. Le GFA est créé en 2015 avec soixante- sept associés dont des membres de la famille, des amis et des consommateurs. Ils ont aussi obtenu une aide de 25 000 euros du Conseil régional de Midi-Pyrénées.

Nous observons grâce à ces exemples que les HCF mobilisent un capital relationnel afin d'accéder au foncier. Ils développent une socialisation qui leur permet de compenser les ressources réticulaires qui leur faisaient défaut au départ. Celles-ci vont devenir un atout pour leur recherche de foncier. Pour Bruno et Émilien cette socialisation prend forme dans des milieux plutôt à gauche de l’échiquier politique, avec des personnes, consommateurs ou paysans sensibilisés à la question de l'installation et particulièrement à l'installation dans des systèmes à taille humaine avec une production en agriculture biologique. Ces « coups de pouce » ont été dans un cas comme dans l'autre levier de l'accès au foncier et in fine de l'installation. Lucie comme Bruno avaient essayé de trouver du foncier en regardant régulièrement les annonces qui paraissent sur différents sites et dans des journaux agricoles locaux mais ce n'est pas cette stratégie qui a marché. Ils avaient aussi contacté les mairies, Bruno a d'ailleurs été très déçu car lorsqu'il a demandé de l'aide à la mairie ils lui ont paru totalement indifférents.

Pour conclure sur ce point, les facteurs endogènes sont dans une certaine mesure des freins que les HCF sont en mesure de dépasser en mobilisant ce qui fait une caractéristique de leur profil, une importante socialisation dans des groupes constitués de personnes sensibles à leur devenir et au devenir de l'agriculture. Ces cercles de sociabilité se tissent par petites zones géographiques et peuvent représenter à certains égards un tissu réticulaire parallèle à l'univers des agriculteurs dits plutôt « conventionnels ».

Mais ces facteurs endogènes se complexifient lorsqu'ils sont couplés avec des facteurs exogènes, qui représentent eux des freins plus difficile à dépasser.

2. Facteurs exogènes et structurels : des freins pour lesquels la marge de