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réponse immunitaire et comment les FRC permettent le retour à l’état homéostatique. La réponse des FRC à l’infection consiste notamment à permettre le recrutement et l’expansion clonale des lymphocytes, à assurer le gonflement du ganglion, le remodelage des structures internes, et le retour à l’état homéostatique en induisant la tolérance périphérique, la recirculation des lymphocytes naïfs et le maintien de lymphocytes mémoires.

a. Les FRC régulent l’élasticité du ganglion pendant l’infection

Lors de la réponse immunitaire, le ganglion gonfle pour accommoder le recrutement et la prolifération des cellules immunitaires, en particulier l’expansion clonale des lymphocytes.

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Pour pallier à des dégâts tissulaires, les FRC sont les acteurs de ce changement en augmentant l’élasticité du ganglion.

L’élasticité du ganglion est le résultat d’au moins trois mécanismes biologiques : - L’inhibition de la contraction spontanée des FRC

- L’induction de la prolifération des FRC

- Le maintien des conduits de matrice extracellulaire

Ces mécanismes sont gouvernés par les interactions entre les cellules dendritiques, les lymphocytes T et les FRC. Parmi ces interactions, la liaison de CLEC2-podoplanine entre les cellules dendritiques et les FRC joue un rôle majeur.

L’inhibition de la contractilité des FRC

Lors d’une infection, les cellules dendritiques issues du site d’inflammation entrent en contact avec les LEC et les FRC qui expriment la podoplanine, ce qui facilite leur migration jusqu’à la zone T.

La podoplanine est une glycoprotéine transmembranaire de type I de type sialomucine, dont la partie extracellulaire comprend de multiples domaines « Platelet aggregation-stimulating domain » (PLAG) contenant des résidus sérine-thréonines pouvant être O-glycosylés et qui sont reconnus par CLEC2 (Kato et al., 2008) (Figure 38A). Elle comprend également un domaine transmembranaire permettant la liaison des protéines ERM (Martin-Villard et al., 2006). La podoplanine peut également interagir avec d’autres protéines membranaires comme CD44, une interaction qui favorise la migration cellulaire dans les lignées tumorales agressives (Martin-Villard et al., 2010) ou avec CD9 via leurs domaines transmembranaires (Nakazawa et al., 2008). L’expression de la podoplanine est régulée par un ensemble de facteurs pouvant être d’origine inflammatoire ou desmoplastique, à l’instar de l’IL6, de l’IL1 ou du TGFβ (Astarita et al., 2012).

A l’état homéostatique, la podoplanine lie les protéines ERM, ce qui permet l’activation de la voie RhoA/ROCK et la phosphorylation des chaînes légères de la myosine II (MLC2) et donc la contraction du cytosquelette d’actomyosine des FRC. L’activité de RhoA est contrôlée dans ce contexte par ARHGEF2 (Acton et al., 2014). Lorsque la podoplanine interagit avec CLEC2, cela provoque le déplacement de la podoplanine dans des radeaux lipidiques riches en cholestérol, conduisant au découplage de la podoplanine et des protéines ERM (Acton et al., 2014). De manière intéressante, c’est la partie transmembranaire de la podoplanine qui est impliquée dans ce découplage, ce qui suppose une interaction inhibitrice avec un de ses partenaires, parmi lesquels CD44 est connu pour se localiser dans les radeaux lipidiques. Les mécanismes précis induisant le découplage reste encore à élucider. Le découplage conduit à la désactivation de RhoA, donc à la perte de contractilité médiée par la phosphorylation de MLC2 et à la diminution de l’activité de YAP (Figure 38B) (Astarita et al., 2015).

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Figure 38 : Le dialogue PDPN-CLEC2 entre les FRC et les cellules dendritiques. (A) La structure de la podoplanine et de CLEC2. La PDPN dispose de domaines d’attaches à l’ezrine dans sa courte partie cytoplasmique et des domaines PLAG permettant la liaison à CLEC2 dans la partie extracellulaire grâce aux acides aminés O-glycosylés (Ugorski et al., 2016 ; Nagae et al., 2014). (B) Les cellules dendritiques expriment CLEC2 en surface, leur permettant d’interagir avec la podoplanine des FRC (Acton et al., 2012 ; Acton et al., 2014). (C) L’interaction de la PDPN avec CLEC2 induit le découplage de la PDPN d’avec les protéines ERM, et l’arrêt de la contraction spontanée des FRC (Acton et al., 2014 ; Astarita et al., 2015).

L’induction de la prolifération des FRC

La prolifération des FRC est un évènement secondaire accompagnant le gonflement du ganglion qui est induit par l’interaction CLEC2-podoplanine, qui suit l’inhibition de la contraction (Astarita et al., 2015 ; Yang et al., 2013). D’autres signaux induisent la prolifération des FRC. Les cellules dendritiques activent les FRC avec des cytokines inflammatoires comme l’IL-1β. D’autres cytokines telles que le TNFα ou le PDGF sont impliquées, mais à un niveau plus restreint. Ce sont surtout les signaux provenant des lymphocytes activés qui soutiennent l’expansion des FRC. Les lymphocytes T sont attrapés par le réseau de FRC et sécrètent la lymphotoxine α1β2 et le RANKL (Yang et al., 2013).

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Le maintien des conduits de matrice extracellulaire

L’élasticité du ganglion suppose que celui-ci conserve sa microstructure. Alors que le ganglion peut gonfler jusqu’à prendre une taille quatre à cinq fois plus importante, le réseau de conduits maintient une remarquable intégrité. En effet, en situation d’inflammation ganglionnaire, la fuite de grosses molécules en dehors des conduits est limitée. Pour maintenir l’intégrité des conduits, les FRC réduisent l’assemblage des fibres de la matrice. L’interaction de CLEC2 avec la podoplanine induit ainsi à l’intérieur des FRC (Martinez et al., 2019) (Figure 40) :

- Une reprogrammation transcriptionnelle comprenant la diminution de l’expression des protéases ADAMTS et l’augmentation de l’expression d’inhibiteurs de ces protéases (TIMPS).

- L’arrêt du regroupement des protéines LL5β au niveau des adhésions focales, qui sont perdues suite à la désactivation de la voie RhoA/ROCK, ce qui conduit à l’arrêt du dépôt de matrice par les microtubules.

On observe ainsi une légère diminution de la quantité de collagène et de laminine dans le ganglion inflammé, ce qui permet de rendre le réseau plus élastique tout en assurant le maintien de l’intégrité des conduits en empêchant la dégradation de la matrice préexistante. La captation des antigènes par les cellules dendritiques et macrophages résidents est ainsi maintenue pendant l’expansion du ganglion.

b. Les FRC contrôlent l’activation des lymphocytes

Afin de maintenir l’architecture du ganglion pendant l’expansion du ganglion, un autre levier d’action des FRC est le contrôle de l’activation des lymphocytes, c’est-à-dire la mise en place de réponses régulatrices pour empêcher un emballement de la prolifération lymphocytaire et les dommages tissulaires que cela pourrait causer.

Les FRC limitent l’activation et la prolifération des lymphocytes

L’inhibition de la prolifération des lymphocytes est principalement induite par un ensemble de facteurs produits par les FRC. Les FRC limitent l’activation des lymphocytes en secrétant du TGFβ et de la prostaglandine E2 (PGE2), connus pour leurs fonctions immunomodulatrices, ou en exprimant l’enzyme indoléamine-2,3-dioxygénase (IDO), qui provoque la dégradation du tryptophane et l’arrêt du cycle cellulaire des lymphocytes T (Knoblich et al., 2018) (Figure 10). Dans un contexte d’activation immunitaire, notamment de la réponse cytotoxique, les FRC répondent à l’IFNγ émis par les lymphocytes T CD8+ en sur-exprimant l’enzyme iNOS et en produisant du monoxyde d’azote (NO). Le NO inhibe en retour l’activation et la prolifération des lymphocytes (Siegert et al., 2011 ; Lukacs-kornek et al., 2011). Lors de la réponse anti-virale, les FRC surexpriment l’enzyme co-oxygénase 2 (COX2) pour produire du PGE2 (Schaeuble et al., 2019) (Figure 10). Certains des signaux que je viens de citer permettent de générer des cellules immunosuppressives. Le NO limite l’activation des cellules dendritiques, tandis que le TGFβ favorise la polarisation des

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lymphocytes T vers un profil régulateur. La génération de lymphocytes T régulateurs est également favorisée par l’expression du CMH de classe II et de co-récepteurs inhibiteurs par les FRC (Fletcher et al., 2015).

Figure 39 : Les FRC inhibent l’activation des lymphocytes. (A) Dans une situation de réponse immunitaire T CD8+ avec présence d’IFNγ, les FRC répondent en produisant du monoxyde d’azote, anergisant les lymphocytes T et les cellules dendritiques. (B) En toute situation, les FRC maintiennent un état tolérogénique dans le ganglion en sécrétant des molécules immunomodulatrices et en limitant l’apport en tryptophane disponible pour la prolifération des lymphocytes.

L’ensemble de ces mécanismes font des FRC des cellules majeures dans l’initiation et la régulation de la réponse immunitaire et dans le maintien de l’architecture de l’organe. Les FRC limitent ainsi les réponses effectrices à l’intérieur du ganglion, mais favorisent la rencontre entre les cellules nécessaires à l’activation de la réponse immunitaire par la sécrétion des chimiokines CCL19 et CCL21, et servent de niche de survie pour les lymphocytes naïfs et centraux-mémoires par la sécrétion de l’IL-7. Le maintien de l’élasticité et de la microarchitecture ganglionnaire à l’homéostasie comme pendant la réponse immunitaire permet ainsi de pérenniser la circulation des lymphocytes et des antigènes nécessaire à la génération d’une réponse spécifique. C’est l’équilibre entre ces signaux favorisant la rencontre de partenaires immunitaires et d’autres signaux limitant les réponses effectrices qui permet aux FRC de préserver l’architecture ganglionnaire propice aux fonctions de l’organe.

c. Les FRC permettent les réparations tissulaires en cas de dommages

Malgré le maintien de l’élasticité du ganglion et le contrôle de l’activation et de la prolifération des lymphocytes, il se peut que le ganglion connaisse des dommages tissulaires.

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C’est notamment le cas lors d’infections virales. En effet, contrairement aux autres pathogènes, les particules virales sont suffisamment petites pour gagner le cortex et le paracortex du ganglion. La plupart de ces virus, dont le LCMV (Lymphocytic Choriomeningitis Virus) sert de modèle d’étude, infectent les FRC conduisant à leur suppression par les lymphocytes T CD8+.

Notons que les FRC peuvent se défendre contre la lyse induite par les lymphocytes T CD8+ en induisant l’anergie des lymphocytes T CD8+ grâce à l’expression du co-récepteur inhibiteur PD-L1 (Mueller et al., 2007). Il s’agit cependant d’un jeu d’équilibre entre les FRC et l’infection virale, qui peut amener à une réponse chronique, caractérisée par la génération de lymphocytes T régulateurs en grand nombre, source de TGFβ. Le TGFβ peut ensuite induire une synthèse anormale de collagène par les FRC, c’est-à-dire une réponse fibrotique. La production d’une matrice fibrotique induit la séquestration des cytokines et chimiokines nécessaire à la survie des FRC et des lymphocytes, et la perte fonctionnelle du ganglion lymphatique (lymphopénie) (Zeng et al., 2011). C’est ce même mécanisme pro-fibrotique qui peut amener à la perte fonctionnelle du ganglion lymphatique lors de la progression métastatique.

Les signaux induisant la réparation tissulaire

Cependant, suite à des dommages causés par une réponse aigüe, courte dans le temps, les FRC sont capables d’attirer des cellules spécialisées dans la réparation tissulaire. Les FRC sécrètent en effet de l’IL-7, conjointement avec d’autres cellules stromales comme les LEC (Onder et al., 2012), ce qui permet de recruter des cellules lymphoïdes innées tels que les LTi/ILC3 (Scandella et al., 2008). Comme pendant le développement embryonnaire, ces cellules produisent la lymphotoxine α1β2 et permettent la formation d’un nouveau réseau de FRC à l’endroit endommagé.

La séquence des régulations opérées par les FRC pendant la réponse immunitaire est présentée en figure 40.

En conclusion de cette partie sur les FRC, je vous ai montré que le ganglion lymphatique est un organe dont l’architecture est finement régulée par les FRC en condition d’homéostasie et pendant la réponse immunitaire, afin d’optimiser la rencontre et l’activation des cellules immunitaires, tout en évitant une réponse inflammatoire incontrôlée pouvant conduire à des dommages irréversibles dans le ganglion. Je vais maintenant décrire les rôles paradoxaux que joue le ganglion lymphatique dans la progression tumorale et quels sont les mécanismes de l’éducation pré-métastatique du ganglion.

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123 C. Le ganglion lymphatique dans la progression tumorale

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