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III. Les barrières tissulaires & l’infection

2. Franchissement de la barrière pulmonaire

i. Structure

Lors d’une infection pulmonaire, les pathogènes arrivent aux poumons par inhalation ou par un système de ventilation mécanique. Par inhalation, les bactéries franchissent le nez et la trachée avant d’arriver dans les voies aériennes. Celles-ci se ramifient en bronches puis en bronchioles, de diamètre de plus en plus petit, pour finalement arriver dans les alvéoles pulmonaires où ont lieu des échanges gazeux avec les vaisseaux sanguins (Figure 11).

Figure 11 : Anatomie des voies aériennes.

Les voies aériennes débutent à la trachée, elles se ramifient ensuite en bronches, en bronchioles puis en alvéoles où ont lieu les échanges gazeux avec les vaisseaux sanguins.

Introduction – Chapitre III

La barrière pulmonaire est le tissu séparant l’alvéole des vaisseaux sanguins. Il est composé principalement d’un épithélium et d’un endothélium et de cellules accessoires (fibroblastes et macrophages). Plusieurs protéines matricielles sont présentes, notamment des collagènes et de l’élastine.

L’épithélium est localisé à la surface des parois alvéolaires, il comprend deux types de cellules : les cellules alvéolaires pavimenteuses de type I (pneumocytes de type I) et les cellules alvéolaires cuboïdes de type II (pneumocytes de type II). Ces dernières sont des cellules sécrétrices de surfactant dont le rôle est d’éviter l’affaissement des alvéoles et de protéger les cellules des agressions chimiques ou microbiologiques. On retrouve également les cellules endothéliales des capillaires qui sont étroitement associées aux cellules alvéolaires de type I, et sont séparées par une simple membrane basale. Des macrophages libres qui proviennent de la moelle osseuse sont présents dans la lumière des alvéoles (Figure 12).

Figure 12 : Composition des parois d’une alvéole pulmonaire.

ii. Franchissement de la barrière pulmonaire par les pathogènes

Le tissu alvéolaire est la principale barrière franchie par les pathogènes responsables d’infections pulmonaires graves. La rupture de cette barrière permet à la bactérie de disséminer dans l’organisme. Pour cela, la bactérie doit franchir l’épithélium dans un premier temps puis l’endothélium dans un deuxième temps afin de rejoindre la circulation sanguine et disséminer

Introduction – Chapitre III

S. pneumoniae utilise l'inflammation comme principal facteur de perturbation de la barrière pulmonaire. En effet, la bactérie profite de l'infiltration des cellules immunitaires (neutrophiles et cellules dendritiques), qui entraine une ouverture des jonctions, pour disséminer à travers la barrière pulmonaire (Rosendahl et al., 2013; Penaloza et al., 2015).

iii. Franchissement de la barrière pulmonaire par P. aeruginosa

Pour transmigrer à travers l’épithélium puis l’endothélium pulmonaire, P. aeruginosa utilise plusieurs stratégies.

Bien que P. aeruginosa ait une localisation essentiellement extracellulaire, son internalisation dans des cellules non-phagocytaires, comme les cellules épithéliales, a été rapportée (Chi et al., 1991; Hauser et al., 1998; Darling et al., 2004; Lepanto et al., 2013; Mittal et al., 2014). Différents facteurs de virulence sont impliqués dans le mécanisme d’internalisation de P. aeruginosa :

- Il a été montré que P. aeruginosa était capable d’induire la formation d’un domaine membranaire de type baso-latéral dans le domaine apical des cellules épithéliales afin de favoriser son internalisation (Engel and Eran, 2011; Lepanto et al., 2011).

- L’internalisation de P. aeruginosa dans les cellules épithéliales est facilitée par l'interaction d'un SST6 avec le réseau de microtubules (Sana et al., 2015).

- La diffusion de la pyocyanine à travers la membrane de la cellule épithéliale active la production de dérivés réactifs de l'oxygène (ROS) déstabilisant les filaments d’actine et favorisant ainsi l’internalisation de P. aeruginosa (Liu et al., 2017).

Au final, même si des mécanismes d’internalisation épithéliale ont été décrits, on ne sait pas si cette internalisation se poursuit par une transmigration bactérienne.

A l’inverse, le SST3 inhibe l’internalisation de P. aeruginosa par les cellules épithéliales; cette inhibition est provoquée par le domaine GAP des toxines ExoS et ExoT (Hauser et al., 1998; Garrity-Ryan et al., 2000). En outre, le domaine ADPRT de la toxine ExoS semble essentiel à la survie de la bactérie internalisée par les cellules épithéliales. En effet, ExoS entraîne la formation de vacuoles dans la cellule permettant à la bactérie d’échapper aux vésicules acides responsables de la lyse bactérienne (Angus et al., 2010; Heimer et al., 2013).

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Une étude précédente, réalisée au laboratoire, a montré que la transmigration à travers une monocouche épithéliale était un phénomène rare qui se produisait uniquement aux jonctions intercellulaires, et seulement aux sites de division cellulaire ou d’expulsion de cellules sénescentes (Golovkine et al., 2016a). En effet lors de ces deux évènements, les jonctions adhérentes sont transitoirement permissives, favorisant ainsi le passage paracellulaire de cohortes de bactéries ayant de ce fait accès au compartiment subcellulaire. Les phénomènes de réparation tissulaire semblent donc être favorables à la transmigration bactérienne.

Pour le franchissement de l’endothélium, plusieurs mécanismes ont été décrits :

- La protéase LasB, sécrétée par le SST2, clive la VE-cadhérine in vitro et in vivo, entrainant une ouverture des jonctions inter-endothéliales (Golovkine et al., 2014). Il est à noter que LasB n’a pas d’action sur la E-cadhérine.

- Les toxines ExoS et ExoT facilitent également le franchissement du tissu endothélial en perturbant le cytosquelette d’actine ; la toxine ExoY permettrait quant à elle le démantèlement des microtubules, mais ces résultats sont controversés (Huber et al., 2014; Stevens et al., 2014). La bactérie se retrouve alors dans le système sanguin et peut disséminer dans l’organisme (Figure 13).

Introduction – Chapitre III

Figure 13 : Transmigration de P. aeruginosa à travers la barrière pulmonaire. (D’après (Berube et al., 2016))

1) Entrée bactérienne dans les voies aériennes, et recrutement des neutrophiles dans l'espace alvéolaire. P. aeruginosa utilise le SST3 pour injecter ExoS dans les neutrophiles, ce qui bloque la phagocytose de la bactérie et permet une persistance bactérienne. 2) P. aeruginosa injecte ExoS dans les pneumocytes de type I conduisant à la mort cellulaire et la perturbation de la barrière épithéliale. 3)

P. aeruginosa sécréte LasB par le SST2, une protéase qui clive la VE-cadhérine et conduit à la perturbation de la jonction adhérente des cellules endothéliales vasculaires. 4) P. aeruginosa a accès

au flux sanguin et dissémine dans l’organisme.

Les mécanismes de franchissement des épithéliums et des endothéliums ont été décrits pour des souches de P. aeruginosa exprimant le SST3 (telle que PAO1). Dans mon projet de thèse, je me suis intéressée aux mécanismes de franchissement d’un épithélium et d’un endothélium utilisés par une famille de souches de P. aeruginosa qui ne possède pas le SST3, mais sécrète un nouveau facteur de virulence, appelé exolysine ou ExlA.