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FOXL2 et la forme adulte du cancer des cellules de la granulosa

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C. FOXL2, un facteur de transcription essentiel des cellules de la granulosa

3. FOXL2 et la forme adulte du cancer des cellules de la granulosa

Les tumeurs des cellules de la granulosa adultes appartiennent aux tumeurs du cordon sexuel de l'ovaire et représentent 2-5% des malignités ovariennes avec une incidence estimée à 0,6-1,0 pour 100 000 femmes par an dans le monde entier. Le cancer de l’ovaire est la 5e cause de mortalité chez les femmes (187) mais si le cancer est diagnostiqué avant le stade métastatique, la survie à 5 ans dépasse 90%. Malheureusement, plus de 70% de ces cancers sont diagnostiqués tardivement, et la survie à 5 ans de ces patientes est de seulement 30% (187).

Laëtitia HERMAN-Doctorat de Génétique-2020

114 Figure 22 : Caractérisation de la mutation p.C134W de FOXL2 dans les tumeurs adultes des cellules

de la granulosa (adaptée de Shah et al., 2009 et D’Angelo et al., 2011).

A. Représentation en logo de la séquence de FOXL2 dans les AGCTs séquencées par Shah et al. Une mesure de 2 bits représente un base détéctée à l’état homozygote. Le variant 402C->G est visible dans le logo. L’ADNc de référence et la séquence de la protéine sauvage sont présentées sous le logo avec les résidus mutés en encadré noir.

B. Immunohistochimie de FOXL2 dans des cellules de la granulosa saine (1), dans une AGCT hétérozygote (2) et une hémizygote ou homozygote (3) pour la mutation p.C134W. L’immunohistochimie montre que FOXL2 est exprimé dans les noyaux des cellules de la granulosa saine aussi bien que dans les cellules issues d’AGCTs. Le marquage est normal dans les tumeurs et la mutation ne semble pas affecter la localisation de la protéine FOXL2 au noyau.

C. Niveau d’expression de l’allèle FOXL2 et de l’allèle FOXL2-C134W dans des AGCTs. Les deux ARNm sont detectés au même niveau d’expression sans différence significative.

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Dans certain cas d’AGCT, les patientes peuvent développer des symptômes, tels que des saignements vaginaux, causés par une exposition prolongée à des œstrogènes provenant de la tumeur, permettant une détection précoce de la maladie. Toutefois, les AGCTs ne sont généralement pas suspectées avant l'opération et un diagnostic histopathologique est posé après une ablation chirurgicale d'une masse ovarienne. Les AGCTs sont définies histologiquement par des noyaux rainurés, uniformes et pâles et une variété et un mélange de motifs microfolliculaires, trabéculaires, insulaires et diffus (280). Bien que la maladie soit fréquemment décrite comme indolente, des récidives se produisent dans environ 50% des cas, et 50 à 80 % des malades finissent par en mourir (281). Les récidives nécessitent souvent des opérations répétées puisque les options de traitements alternatifs, y compris la chimiothérapie, la radiothérapie et l'hormonothérapie n'ont jusqu'à présent montré qu'un effet limité (282). L'absence actuelle de traitement systémique efficace met l'accent sur la nécessité de nouvelles stratégies thérapeutiques. La caractérisation moléculaire des AGCTs pourrait aider à identifier des cibles potentielles de traitement.

En 2009, le séquençage à haut débit de transcriptome d’AGCT a révélé l’existence d’une mutation faux-sens somatique récurrente de FOXL2 dans plus de 95% des tumeurs étudiées. Cette mutation conduit à la substitution de la Cystéine 134 de FOXL2 par un résidu Tryptophane (c.402C>G ; p.C134W), et est le plus souvent observée à l’état hétérozygote dans l’ADN génomique tumoral (283) (Figure 22A).

Des expériences d’immunohistochimie ont montré que la protéine FOXL2 mutée est exprimée et localisée au noyau dans les cellules tumorales (283) (Figure 22B). Des études de séquençage ultérieures de FOXL2 dans des panels de tumeurs provenant de divers tissus ont révélé que cette mutation n’est trouvée que dans les AGCTs (284–286). L’allèle muté de FOXL2 est aussi détecté en pyroséquençage, suggérant que cette mutation n’affecte ni la transcription ni la stabilité de l’ARN (287) (Figure 22C).

La fréquence très élevée de la mutation, ainsi que sa spécificité, suggère qu’elle pourrait être à l’origine de la transformation tumorale dans la granulosa adulte.

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116 Figure 23 : FOXL2 et ses partenaires régulent de façon différentielle la fonction pro-apoptotique

suivant que la protéine FOXL2 soit sauvage ou mutante (C134W) (adaptée de L’Hôte et al., 2011).

A. Modulation de l’apoptose induite par FOXL2 et ses partenaires. Des cellules KGN ont été transfectées avec FOXL2-WT-V5, FOXL2-C134W-V5 ou NLS-V5 et leurs partenaires (ou vecteur contrôle). La viabilité cellulaire a été mesurée par activité β-gal et est mis en lien avec l’apoptose. Le nombre de cellules exprimant la β-gal est mesuré 24 heures après la transfection. Les données sont issues de deux expériences indépendantes réalisées en triplicat et le contrôle NLS est normalisé à 100% de survie. Un test de Student permet de mesurer la significativité de chaque condition par rapport à la même condition sans partenaire transfecté. n.s., non-significatif. * p<0.05. *** p<0.001. B. Représentation schématique de la modulation de l’apoptose par FOXL2-WT ou FOXL2-C134W et leurs différents partenaires. En marron, partenaires déjà connus de FOXL2 et en bleu, les partenaires nouvellement identifiés par Georges et al.. Les lignes entre les partenaires représentent les interactions.

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Les effets moléculaires associés à la mutation C134W sont pour le moment inconnus mais des études ont été réalisées notamment sur la relation entre FOXL2 et ses partenaires. De manière intéressante, il a été remarqué que l’effet hyperactivateur de GMEB1 et CREM sur l’activation par FOXL2 de promoteurs cibles est modifié par l’utilisation de la version mutante p.C134W de FOXL2. L’hyperactivation par le mutant est perdue avec CREM, et augmentée avec GMEB1. Il a également été observé que FOXL2 pouvait induire l’apoptose en synergie avec certains de ses partenaires (NR2C1, GMEB1 et SP100) mais que cette synergie n’a pas lieu avec le mutant pro-oncogénique de FOXL2 (p.C134W), qui présente un défaut d’induction de l’apoptose. La mutation pourrait alors empêcher l’intégration de différents signaux pro-apoptotiques. Cependant, les mécanismes restent peu clairs et la capacité de FOXL2-C134W à interagir avec ses partenaires non étudiés (278) (Figure 23A et B).

L’effet de FOXL2, GATA4 et SMAD3 a été testé sur deux promoteurs rapporteurs mais n’a pas permis de mettre en évidence de différence flagrante entre FOXL2-WT et FOXL2-C134W vis-à-vis de GATA4 et SMAD3. En revanche FOXL2 semble avoir un rôle antagoniste à GATA4 et SMAD3 vis-à-vis de gènes impliqués dans la prolifération et l’apoptose. La mutation C134W pourrait donc entrainer une perte de cet antagonisme. Cependant, l’examen précis de FOXL2 p.C134W et de ses effets dans la cellule restent nécessaire pour comprendre le processus associé à la tumorigénèse.

Des études précédentes sur les altérations génomiques des AGCTs ont identifié des gains de nombre de copies dans les chromosomes 12 et 14 et une perte du chromosome 22 (288–290). En outre, des études incluants un sous-ensemble d'AGCTs dans une cohorte plus large de cancers de l'ovaire ont permis de détecter des mutations dans des gènes connus pour leur implication dans d'autres cancers tels que TERT, KMT2D, PIK3CA, AKT1, CTNNB1 et NR1D1 (289–291). Une récente étude publiée en 2020 (292), présente la plus grande cohorte d'AGCT caractérisée moléculairement à ce jour, sur laquelle un séquençage du génome entier (WGS) a été réalisé. Cette méthode leur permet d’étudier les changements en nombre de copies, les gènes souvent mutés, les signatures mutationnelles et l'hétérogénéité des tumeurs. Ils ont défini un sous-groupe de patients présentant des AGCTs à un stade avancé et possédant une mutation TP53 pathogène. En outre, ils identifient des mutations potentiellement « drivers » dans les AGCTs sans la mutation FOXL2 c.402C>G (4 patients sur 33), et trouvent plus de variants dans les AGCTs avec récidives par rapport aux tumeurs primaires. Enfin, ils détectent un degré élevé d’hétérogénéité dans les tumeurs entre patientes. De façon intéressante dans leur étude, 2 patientes présentent une seconde mutation dans FOXL2 qui provoque un décalage du cadre de lecture et un variant dans la région 5’UTR.

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La mutation FOXL2 p.C134W est maintenant décrite dans un grand nombre d’AGCTs mais sa carctérisation moléculaire reste très superficielle. Ce manque se traduit principalement par une absence de modèles cellulaires facilement exploitables mais cette étude reste nécessaire à la compréhension de l’étiologie des tumeurs et à la mise en place de traitement efficace.

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