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Le recuit est un traitement thermique qui vise à éliminer les tensions qui se produisent dans le verre lors de la mise en forme (soufflage, moulage, laminage), à cause de l’écart thermique entre l’intérieur et l’extérieur de la pièce. Il faut alors recuire et ramener le verre à la température ambiante par un refroidissement lent et contrôlé224. La température de recuit varie en fonction de la composition du verre. Par exemple le recuit d’un verre de silice se fait entre 1000° et 1100°C, celui d’un verre borosilicaté entre 550° et 600°C et celui du cristal entre 400° et 420°C. Les couleurs vitrifiables nécessitent une cuisson pour se fixer à leur support (verre, faïence, porcelaine, etc.) et la température de cuisson varient entre 550°C pour les émaux et 600°C pour les grisailles225.

Le nombre de brevets consignés en matière de fourneaux est presque le tiers de celui des fours de fusion. Un brevet en 1829 et 62 brevets, de 1853 à 1900, soit 4% des brevets recensés, dont une patente anglaise. Jusqu’aux années 1870 les brevets enregistrés à ce sujet sont peu nombreux. C’est surtout lors des deux dernières décennies que l’on déposa la plupart des brevets concernant ce type de fours. Parmi les poseurs de brevets qui apparaissent dans cet inventaire (n°2.3) il faut signaler d’abord les peintres-verriers A. Gugnon, (fils du peintre-verrier Louis-Napoléon Gugnon), Arnaud Durand (collaborateur du peintre-peintre-verrier Engelmann) et Nicod jeune (fils du peintre-verrier Paul-Charles Nicod). Le verrier belge Bièvez, est l’auteur d’un système de four à recuire le verre à vitre assez remarquable. Enfin nous retrouvons Clémandot, Siemens, Gobbe et Appert, que nous avons cités plus haut à propos de la fabrication du verre et les fours de fusion.

224 BONTEMPS, George. Guide du verrier, Op.cit. p.270.

225

INFOVITRAIL, « Les températures du travail du verre », Op.cit., [Consulté le 06/02/2013],

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Tableau statistique 4 : Fourneaux

Le brevet de Donzel (1829) est le seul dans cette liste, qui est enregistré dans la première moitié du XIXᵉ siècle. L’énoncé propose « l’application d’un fourneau à réverbère au traitement de matières vitrifiables et au travail du verre, sans poterie mobile »226. Un fourneau à réverbère est un « fourneau muni d’un dôme ou réverbère, qui rabat la chaleur sur le corps placé dans l’appareil »227. Dans les traités de chimie, l’expression désigne souvent un four à fondre les émaux ou à décomposer les substances en laboratoire dans lequel la flamme n'est pas appliquée directement au produit à chauffer mais réverbérée par une voûte. C’est pourquoi nous avons pensé au début de nos recherches qu’il s’agissait d’une sorte de moufle, et nous l’avons classé dans cette liste. De même nous avons assimilé l’expression « traitement de matières vitrifiables » à la cuisson des émaux. En examinant le brevet nous avons trouvé que l’idée que présentait Donzel était d’éliminer les pots et les creusets (sans poterie mobile) dans les fours de fusion et de les remplacer par une cuvette fixe. D’ailleurs il propose d’appliquer cette innovation non seulement dans des fourneaux à réverbère, mais aussi dans des fourneaux à vent ou à tirage. Ce qui nous laisse penser que Donzel est un des pionniers du four à bassin.

226 DONZEL, Fleury. Brevet du 12 juin 1829, Cat.1828-1842, p.557, cote : 1BA1781.

108 Un brevet qui a attiré notre attention est celui déposé par la Société pour l’Exploitation des

Brevets Henri Sturm (1900) : il s’agit d’un « four à dévitrifier et à recuire les produits

dénommés pierre de verre, céramo-cristal, etc. et généralement tous produits nécessitant un moulage à chaud »228. Le verre céramo-cristal, ou pierre céramique Garchey, dont il sera question dans le chapitre du verre dans la construction, s’utilisé en architecture. Ce matériau est constitué de déchets de verre portés à 1250°C, température à laquelle le verre subit une dévitrification pour être ensuite moulé sous presse hydraulique229.

Sur les brevets répertoriés dans l’inventaire n°2.3, à peine un quart correspond aux fourneaux destinés à la cuisson des peintures vitrifiables. Il faut préciser pourtant que les fours de recuit et de refroidissement du verre sont souvent adaptés à la cuisson des émaux. Voici les brevets des fourneaux conçus spécialement pour la cuisson des couleurs vitrifiables : Baud (1863), Gugnon (1865 et 1870), Sauzin (1868), Lemaire (1871), Durand (1885), Martin et Giraudet (1883), Atkins (1886), Boulé et Nicod (1892), Huet (1893), Auscher (1895), Geith (1896), Godin (1896), Gobbe (1898), Macario Scuvero (1899) et Schanz (1899). Le « Système de moufle mobile portatif, dit : moufle Martin » de Martin et Giraudet nous rappelle le

pyro-fixateur, petit moufle d’appartement pour la cuisson des émaux, développé par le chimiste et

industriel Adolphe Lacroix. Sujet que nous aborderons plus en détail dans le chapitre de couleurs vitrifiables. De même pour le « Moufle à liquides pour la cuisson des émaux et autres usages industriels » de Boulé et Nicod jeune et le « Four et moufle automatique démontable à double foyer, pour la cuisson des couleurs vitrifiables », enregistré par Huet230. Parmi ces brevets, plusieurs correspondent à des fourneaux employés à la cuisson du verre mousseline, nommé aussi verre ornementé ou verre émaillé. Le verre mousseline « est un verre qui a reçu sur l’une de ses faces ou sur les deux un émail blanc qui y forme des dessins variés. L’émail est un verre opaque à base de plomb et d’étain, qui fond à la surface du verre à vitre à une température à laquelle celui-ci est seulement ramolli »231.D’après Peligot, la fusion de l’émail se fait dans un four à moufle chauffé au bois, dans lequel on empile les feuilles émaillées les unes au-dessus des autres, en interposant entre elles une mince couche de plâtre en poudre, dans le but d’empêcher les feuilles de se souder entre elles lors de la cuisson.

228 SOCIÉTÉ POUR L’EXPLOITATION DES BREVETS HENRI STURM. Brevet du 11 décembre 1900, n.306156.

229

INFOVITRAIL. « Verre céramo-cristal », Op.cit., [Consulté le 15/02/2013],

http://www.infovitrail.com/glossaire/glossaire-vitrail-detail.php?id=174&tmp=Verre+c%E9ramo-cristal

230 MARTIN et GIRAUDET. Brevet du 22 août 1883, n.157172 ; BOULÉ et NICOD. Brevet du 2 novembre 1892, n.225336 ; HUET. Brevet du 27 juin 1893, n.231131.

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109 D’ailleurs l’ouvrier doit surveiller la cuisson soigneusement car si la température du fourneau est trop élevée le plâtre risque de laisser de traces sur l’émail et faire fondre le verre lui-même. Par contre si la température est trop basse l’émail n’adhère pas au verre232.

Pour entretenir une température uniforme à l’intérieur du moufle, on le porte d’abord à « la température du rouge vif », puis on suspend le feu et on laisse la chaleur se propager dans le moufle jusqu’à ce qu’il revienne à « la température du rouge sombre », puis on réactive le feu et dès qu’il revient au rouge vif on le modère de nouveau et ainsi de suite, jusqu’à ce que le moufle atteigne la température de fusion de l’émail, qui selon le manuel Roret est le « rouge-cerise modéré », bien que pour Peligot ce soit le « rouge sombre ». Cependant, les observations que l’ouvrier fait à travers la paroi du four ne sont pas toujours très fiables et peuvent varier, en raison de l’éclairage de l’atelier par exemple233.

A. Gugnon essaye de résoudre ces problèmes. Il dépose, entre autres, deux brevets de fourneaux pour la cuisson du verre émaillé : le premier en 1865, spécifiquement conçu pour la cuisson du verre mousseline et l’autre en 1870, fait pour l’étendage et le bombage du verre à vitre ainsi que pour la cuisson de verres ornementés234. En s’inspirant du système de four à refroidir le verre à vitre en continu de Bièvez, Gugnon développe un procédé semblable pour la cuisson des verres émaillés235. Le fait de cuire les feuilles de verre en continu évite de les superposer, ce qui supprime la couche de plâtre entre les feuilles et par là même, le risque de traces sur l’émail. Gugnon se sert alors d’un four dans lequel la feuille de verre avance lentement, en s’échauffant graduellement jusqu’à la chambre de cuisson. Là, elle est placée sur une pierre mobile qui entre dans l’arche chauffée au rouge. L’ouvrier suit le progrès de la vitrification dans la paroi du four : une fois la fusion de l’émail achevée, la pierre sort de l’arche. Lorsque la feuille devient assez rigide pour être enlevée sans se déformer, il la fait passer dans la galerie à recuire où elle refroidit lentement et il la retire l’extrémité de cette galerie236.

Outre ceux de Gugnon et Bièvez, nous avons repéré de nombreux brevets pour de systèmes de fours en continu : Barillon (1856), Société Général de Métallurgie (1880), Société Anonyme des Verreries et Manufactures d’Aniche (1881), Charneau (1886), Société Anonyme des

232 PELIGOT, Eugène. Le verre, Op.cit., p.190-192.

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REBOULLEAU, M.-E.-F. Nouveau manuel complet de la peinture sur verre, sur porcelaine et sur émail, Paris : Éd. Roret, 1883, p.112-113.

234 GUGNON, A. Brevet du 4 juillet 1865, n.67964 et Brevet du 15 juin 1870, n.90386.

235

BIEVEZ. Brevet du 17 février 1866, n.70280.

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110 verreries de Carneau (1890), Hanquinaux (1893), Geith (1896), Hugon (1898), Gobbe (1898), Macario Scuvero (1899) et Appert (1900). Comme nous l’avons signalé dans l’analyse du tableau précédent le problème réside dans le passage du verre de l’étendage au recuit. De ce fait, nous pouvons conclure que les fours à soles mobiles répertoriés dans l’inventaire de fours d’étendage (n°2.2) et les fours en continu que nous venons d’analyser constituent deux phases successives du procédé en continu qui va de l’étendage au refroidissement des manchons. Les peintres-verriers et les émailleurs vont l’adapter à la cuisson des verres ornementés. Des moufles pour la cuisson des émaux sont également développés vers la fin du XIXᵉ siècle.