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Saint Jean Baptiste Saint Joseph Saint Jean Évangéliste

Phot. Fabiola Lozano Phot. Fabiola Lozano Phot. Fabiola Lozano

Figure 9 : Verrières émaillées

Warren-White et Édouard Jones, Église Sainte-Élisabeth, Paris, 3e arr.

Bien que très controversés pour avoir été réalisées par des étrangers, les verrières exécutées sous les auspices du comte de Chabrol sont les premiers vitraux figuratifs de pleine couleur posés dans des églises parisiennes au XIXᵉ siècle87.

Alexandre Brongniart (1770-1847)

L’atelier de peinture sur verre à la manufacture de porcelaine de Sèvres (1827-1854)

Alexandre Brongniart, directeur de la manufacture de Sèvres de 1800 à 1847, porte un intérêt notable à la peinture sur verre. Minéralogiste et géologue, dès son arrivée à la manufacture il mène des expériences en quête d’éléments pour la fabrication de nouvelles teintes de couleurs vitrifiables ; recherches dont il fait un compte rendu à l’Institut de France en 180288. Au cours

87 FINANCE, Laurence de. «Chronologie de la renaissance du vitrail à Paris au XIXᵉ siècle : L’exemple de l’église Saint-Laurent », In situ : Revue des Patrimoine, n°9, 2008, [Consulté le 14 mai 2013], disponible à l’adresse : http://insitu.revues.org/4005

88 BRONGNIART, Alexandre. « Essai sur les couleurs obtenues des oxydes métalliques et fixées par la fusion sur les différents corps vitreux », Journal des Mines, n°12, 1802, p.58-80.

Figure 10 : Alexandre Brongniart

Source : Galerie des naturalistes de J. Pizzetta, Ed. Hennuyer, 1893 (Image tombé dans le domaine public)

65 de cette étude Brongniart collabore avec Charles Méraud, chimiste et chef préparateur des couleurs à Sèvres, pour développer une palette appropriée aux peintres sur verre et, en même temps il entreprend des essais de peinture sur verre d’après un procédé inventé par Méraud89. Par ailleurs, il rédige, en 1829, un Mémoire sur la peinture sur verre90.

Brongniart suit et encourage les expériences de Dihl et fait exécuter au peintre Charles-Etienne Le Guay une peinture sur double glace à la manufacture en 180991. Suite au succès des verres émaillés de Mortelèque, à l’Exposition des produits de l’Industrie de 1819, Brongniart veut affirmer le rôle pionnier joué par la manufacture, dans la renaissance du vitrail92. Il renouvelle donc les essais de peinture sur verre. Entre 1823 et 1826, Brongniart fait réaliser au peintre Pierre Robert plusieurs vitraux, certains entièrement en verre émaillé et d’autres combinant verre peint et verre teint dans la masse. Il conteste les affirmations à propos de la perte du secret de la peinture sur verre et veut prouver qu’il est toujours possible de faire des verrières aussi belles que les anciennes. C’est pourquoi Pierre Robert est chargé de reproduire, en 1825, quatre panneaux de la Sainte Chapelle et exécute une image de Saint Jérôme selon le procédé de pièces de verre teint, serties dans un réseau de plomb93.

En 1826, lors de l’exposition au palais de Luxembourg des verrières commandées par le comte de Chabrol et exécutées par White et Jones, Brongniart sollicite du préfet de la Seine des commandes de vitraux pour la manufacture. En février 1827, une commande de six vitraux lui est attribuée pour une somme de 40 à 50 000 francs. Cette commande confirme le début de l’atelier de peinture sur verre à Sèvres qui est institué officiellement le 4 juillet 1827, par le vicomte de La Rochefoucauld (1785-1864), Directeur général des Beaux-arts de Charles X. Cependant, la manufacture n’achève qu’un des vitraux commandés par le comte de Chabrol. Il s’agit de la verrière de l’Assomption de la Vierge, d’après Prud’hon, qui se trouve

89 BEZUT, Karole, « The Stained-Glass and Painting-on-Glass Workshop at Sèvres, 1827-1854 », dans The Sèvres porcelain manufactory : Alexandre Brongniart and the triumph of art and industrie, 1800-1847, New Haven, CT : Published for The Bard Graduate Center for Studies in the Decorative Arts, New York by Yale University Press, 1997, (catalogue by Tamara Préaud), 1997,p.98.

90 BRONGNIART, Alexandre. Mémoire sur la peinture sur verre, Paris : impr. Sellingue, 1829.

91 Sapho jouant de la lyre, signé et daté « E.C. Le Guay Pt 1809 Manuf re Impériale de Sèvres »

92 « M. Mortelèque, peintre-chimiste […] a perfectionné la fabrication de couleurs sur verre et sur porcelaine. Les différents sujets peints sur verre qu’il a exposés présentent des résultats satisfaisants, et font espérer que cet art, découvert par les anciens, ne sera entièrement perdu pour l’industrie. Le Jury central lui a décerné une médaille de bronze ». LE NORMAND et MOLÉON, Op.cit., Tome 3, chap. I, p.72.

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DIDRON, Édouard. « Le vitrail depuis cent ans et à l’Exposition de 1889 » dans Revue des arts décoratifs, 1889, p.39-154.

66 actuellement à l’église Notre-Dame de Lorette94. Deux ans après son installation en 1836, les carnations et les ornements de l’image ont commencé à se décolorer. De ce fait la préfecture de la Seine annule la commande des cinq autres verrières95. Cependant durant toute la durée de la monarchie de Juillet, l’atelier connut une grande prospérité grâce aux nombreuses commandes passées non seulement par le roi Louis-Philippe (1773-1850) mais aussi par plusieurs membres de la famille royale. Ce soutient eut comme inconvénient l’intervention permanente du roi qui allait parfois jusqu’à faire engager ou démissionner certains dessinateurs et modifier des projets en cours que lui-même avait conçus96.

Bien que Brongniart s’efforce de conquérir une clientèle plus abondante parmi les particuliers ou les ecclésiastiques, les résultats sont souvent décevants car les verrières de Sèvres sont extrêmement chères par rapport à celles des ateliers privés97. Brongniart ajoute aux prix nets des vitraux, les frais opérationnels de la manufacture qu’il estime à un quart du coût de production et les hauts salaires qu’il verse aux peintres sur verre. Les cartons et les croquis sont souvent réalisés par des artistes célèbres qui demandent des honoraires très élevés98. Seuls les clients fortunés de la noblesse ou de la bourgeoisie émergente peuvent se permettre de passer des commandes à Sèvres.

Dans l’espoir d’élargir sa clientèle, Brongniart adapte au verre une technique d’impression déjà pratiquée sur porcelaine: le transfer printing99 afin de réduire par de moyens mécaniques

94 Cette église conçue par l’architecte néoclassique Hippolyte Lebas (1782-1867), fait partie du nouveau quartier ludique dit la Nouvelle Athènes, ancien quartier des Porcherons. Les lorettes sont de jeunes femmes célibataires, à la mode, pratiquant le théâtre dit des « boulevards ». L’église est patronnée par la Vierge protectrice de leur virginité convoitée.

95 CABEZAS, Hervé. (1991) Op.cit., p.49-51.

96 « Louis-Philippe passa non moins de trente-huit importantes commandes à l’atelier de peinture sur verre de Sèvres pendant une période de presque vingt ans. […] Sa sœur Adélaïde passa plusieurs commandes à l’atelier de Sèvres pour Randan, sa propriété en Auvergne. Et sa fille Marie, élève du peintre Ary Scheffer […] fournit les cartons pour les fenêtres de la chapelle de Saint-Saturnin au Château de Fontainebleau ». BEZUT, Karole. Op.cit., p.106-107.

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« Le peu de commandes passées à la manufacture de Sèvres par la préfecture de la Seine, […] peut s’expliquer par sa crainte liée aux problèmes techniques rencontrés par l’atelier de peinture sur verre, alors dans sa période d’essai, mais sans doute plus encore par le coût prohibitif des verrières de Sèvres. Le Préfet de la Seine se dit obligé de s’imposer une grande réserve à l’avenir au regard du mémoire de 10.500 francs qui dépassait tellement les prévisions et le prix fixé, par comparaison aux verrières anglaises exposées à Luxembourg ». CABEZAS, Hervé. (1991) Op.cit., p.50-51.

98 BEZUT, Karole. Op.cit., p.103.

99 « Au début des années 1830, Brongniart met en place le transfer printing […]. Cette impression […] peut être synthétisée ainsi : une fois le motif gravé à l'eau-forte sur une plaque de cuivre, on encre la plaque avec un mélange d'huile de lin, une couleur vitrifiable et un liant. On réalise alors l'impression sur un fin papier humidifié. Ce papier est soigneusement appliqué sur le verre, qui passe ensuite au four. Le papier brûle et la peinture se vitrifie. En principe, l'impression est terminée, mais il faut généralement faire des retouches à la main car le papier transfer n'absorbe pas souvent la quantité d'émail que la transparence du verre exige. En effet le verre a besoin d'une couche d'émail quatre ou cinq fois plus épaisse que la porcelaine », LOZANO,

Alba-67 le temps et les coûts de production dans l’exécution des motifs décoratifs, notamment pour les bordures et les frises des vitraux. Bientôt il réussit à produire tout un assortiment d’échantillons de bordures et d’éléments imprimés, inspirés des motifs d’albums de peintres d’ornements, comme celui d’Aimé Chenavard, que Brongniart admirait particulièrement et qui collabore souvent avec lui pour des projets des verrières. Par ce moyen il arrive à vendre à des particuliers de nombreux panneaux ornés de bordures imprimées, au salon de ventes de la manufacture à Paris. Il reçoit même des commandes des fenêtres composées entièrement de dessins en transfer printing100.

Image pour laquelle nous n’avons pas les droits de reproduction

Figure 11 : Transfer printing

Section d’une frise à appliquer par transfer printing, dessinée par Louis Schilt (1834)

D’après une gravure de l’Album de l’Ornemaniste de Claude-Aimé Chenavard (AMNS, Section D, § II, 1834)

Pendant sa durée d’activité l’atelier de Sèvres connait tour à tour trois directeurs : Pierre Robert, qui décède en 1832, victime du choléra, le peintre de figures Auguste Vatinelle lui succède mais en 1837 il démissionne. Pris au dépourvu, Brongniart se met à la tête de l’atelier assisté par Frédéric Bonnet, peintre de figures et d’ornements sur verre et par le chimiste Louis Robert, fils du premier directeur. En 1839 Louis Robert est officiellement désigné chef de l’atelier de peinture sur verre de Sèvres, poste qu’il occupe jusqu’à la fermeture de l’atelier en 1854. L’équipe des peintres sur verre n’était pas permanente, elle comprenait cinq ou six peintres y compris les peintres de figures et d’ornements. Souvent, lorsqu’il fallait expédier des commandes considérables, les peintres sur porcelaine de la manufacture collaboraient avec leurs collègues de l’atelier de peinture sur verre. Quant au personnel technique, au départ une seule personne remplissait les fonctions de vitrier, de metteur en plomb et d’auxiliaire du laboratoire et de l’atelier. Puis on nomma François-Xavier Schaerdel coupeur de verre officiel et on recruta un deuxième auxiliaire101.

Fabiola. « Le dilemme de la renaissance du vitrail au XIXe siècle en France : entre redécouverte des techniques ancestrales et développement de techniques nouvelles », dans Les innovations verrières et leur devenir, Actes du Colloque international, Association Verre & Histoire, Nancy, 26-28 mars 2009, p.185-186.

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BEZUT, Karole. Op.cit., p.103.

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68 Du fait de la reprise de l’industrie de verre de couleur en France à partir des années 1820, on ne peut plus se limiter à l’emploi du verre blanc. C’est pourquoi après avoir manifesté une prédilection pour les verres émaillés,

l’atelier de Sèvres développe une technique mixte qui combine verre peint et verre teint dans la masse, plutôt dans le genre du vitrail tableau. Au début il s’agit plutôt de copier des toiles reconnues, c’est le cas des reproductions en vitrail de La vierge au

coussin vert de Solario et de

l’Assomption de Prud’hon. Après pour

la fourniture des cartons Brongniart fait appel à des artistes renommés, parmi lesquels on peut citer Eugène Delacroix, Ingres, Achille Devéria, Aimé Chenavard, Hippolyte Flandrin, ainsi que l’architecte Viollet-le-Duc102. C’est ainsi que la manufacture abandonne le style néo-classique et s’oriente vers un style troubadour d’inspiration romantique, affranchi du

goût archéologique, pour aboutir à une composition en vitrail retable103.

Après vingt ans d’activité florissante, deux événements provoquent le déclin puis la fin de l’atelier de peinture sur verre à Sèvres : le décès d’Alexandre Brongniart le 7 octobre 1847 et en février 1848, la chute de la Monarchie de Juillet. Jacques Ebelmen et Victor Regnault, les nouveaux administrateurs de la manufacture ne sont pas aussi engagés que Brongniart à l’atelier de peinture sur verre et la fin de la Monarchie de Juillet signifie la fin des commandes

102 DIDRON, Édouard. Op.cit., p.19-21.

103 « Le vitrail retable […] se caractérise par une composition qui repose […] sur un encadrement […] dans lequel viennent s’insérer une ou plusieurs scènes figurées. Il faut noter l’importance donnée aux bordures lourdement ornées dans lesquelles fusionnent des éléments architecturaux et sculptés imitant les matériaux le plus divers et remarquables par la recherche d’une perfection illusionniste ». BLONDEL, Nicole et BRACCO, Patrick. « Un art retrouvé: Le vitrail à Sèvres au 19e », dans L’Estampille mensuel Arts –Antiquités, n°118, février 1980, p.14-17.

Figure 12 : Vitrail retable Renaissance (1837)

Exécuté par Paul Roussel d’après les dessins d’Aimée Chenavard Pavillon de l’Horloge au Louvre

69 royales, qui représentent presque la totalité des commandes de Sèvres. La famille royale étant exilée, la Seconde République autorise juste à finir les projets en cours à l’atelier. Le Second Empire ne montre pas grand intérêt pour les verrières et ne fait aucune commande importante. Dans les années 1850, la manufacture est fortement critiquée par ses adversaires qui lui reprochent non seulement les prix élevés de ses verrières, mais aussi son style troubadour qu’ils jugent démodé. D’après les archéologues et les historiens le modèle à suivre est celui du XIIIe siècle, qui est vite adopté par les autres ateliers de vitrail de renom : Thibaut et Thévenot à Clermont-Ferrand, Maréchal à Metz et Lusson au Mans. En conséquence, toutes les commandes importantes de restauration des verrières du Moyen-Âge sont attribuées à ces établissements. Suite à toutes ces complications, en décembre 1853, Achille Fould, ministre de la Maison de l’Empereur, propose à Regnault de fermer l’atelier de peinture sur verre, ce qui est effectué de façon définitive à la fin de l’année 1854104.