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A. Combinatoire dans le groupe symétrique

A.2. La Formule de Chevalley

A.2.1. Énoncé de la Formule de Chevalley. — On conserve les notations défi-nies dans le Chapitre 6. Nous supposerons ici que KC est semi-simple et simplement connexe.

L’énoncé de la Formule de Chevalley est l’objet du théorème ci-dessous. Cet énoncé est tiré de [BS00] (Théorème A.2.1). Voir aussi [Che94] et [Dem74] pour une preuve. Dans l’énoncé suivant, α désigne la coracine de α dans t. De plus, si α est simple, πα désigne le poids fondamental associé à α. On notera Θ : ∧ → H2(KC/B, Z) le

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morphisme qui, à un poids µ du réseau des poids ∧ de TC, associe Θ(µ) = c1(Lµ), la première classe de Chern du fibré en droite Lµ avec poids µ.

Théorème A.2.1 (Formule de Chevalley). — (i) Θ est un isomorphisme, (ii) Θ(πα) = σ pour toute racine simple α.

(iii) Pour tout poids µ de ∧,

Θ(µ).σwB = X

α∈R+ l(wsα)=l(w)+1

µ(αwsαB . (A.2.1)

Soit ˆKC un autre groupe algébrique complexe semi-simple connexe et simplement connexe, et f : KC → ˆKCun morphisme de groupes algébriques de noyau fini. L’appli-cation f passe au quotient en une immersion fermée fB : KC/B → ˆKC/ ˆB, induisant une application en cohomologie (fB) : H( ˆKC/ ˆB, Z) → H(KC/B, Z). Par propriété de la première classe de Chern et par la Formule de Chevalley, nous obtenons une description complète de l’application (fB) restreinte au degré 2. En effet, nous avons le diagramme commutatif ˆ ∧ −−−→f ˆ Θ   y   yΘ H2( ˆKC/ ˆB, Z) −−−→ H(fB) 2(KC/B, Z)

Par conséquent, en degré 2, on obtient la matrice de (fB) dans la base de classes de Schubert, c’est tout simplement la matrice de f relativement à la base des poids fondamentaux.

De plus, on considère l’algèbre graduée R[t] des fonctions polynômiales sur t. Chaque élément de t est défini comme étant de degré 2. Notons J l’idéal engendré par les polynômes W -invariants de degré strictement positif. Nous avons l’énoncé très connu suivant (cf. [BGG73], [BS00]).

Théorème A.2.2 (Borel). — L’application Θ s’étend à un morphisme surjectif

d’al-gèbres graduées R[t] → H(KC/B, R), dont le noyau est égal à J.

Ce résultat est valable aussi pour ˆKC. Nous avons f( ˆJ) ⊂ J, où ˆJ est l’idéal engendré par les polynômes ˆW -invariants de degré strictement positif dans R[ˆt]. Par conséquent, (fB) est complètement déterminée par les valeurs de f sur ˆ∧, du moins pour la cohomologie à coefficients dans R.

Dans le cas où KC n’est plus semi-simple mais seulement réductif, nous pouvons toujours utiliser la formule ci-dessus, du fait que nous avons KC/B = [KC, KC]/(B ∩ [KC, KC]). De plus, f envoie [KC, KC] sur [ ˆKC, ˆKC], donc fB peut être aussi vu comme le plongement injectif induit par le morphisme de groupes [KC, KC] → [ ˆKC, ˆKC].

158 ANNEXE A. COMBINATOIRE DANS LE GROUPE SYMÉTRIQUE

Remarque A.2.3. — Lorsque le groupe KC est semi-simple mais n’est pas simple-ment connexe, le Théorème A.2.1 n’est plus vrai. Cependant, on peut tout de même déterminer le morphisme (fB). En effet, d’après [Che94, Proposition 7], il existe un groupe semi-simple simplement connexe ˜KC du même type que KC et une isogénie i de ˜KC dans KC (c’est-à-dire i : ˜KC → KC est un morphisme surjectif de noyau fini) telle qu’il existe un sous-groupe de Borel ˜B de ˜KC vérifiant i( ˜B) = B, et que i induise par passage au quotient un isomorphisme ¯i de la variété ˜KC/ ˜B sur KC/B. De plus, cet isomorphisme ¯i envoie les variétés de Schubert de ˜KC/ ˜B sur les variétés de Schubert de KC/B.

Posons g := f ◦ i : ˜KC→ ˆKC, morphisme de groupes de noyau fini. On peut facile-ment voir que g donne par passage au quotient une application gB˜ : ˜KC/ ˜B → ˆKC/ ˆB qui est tout simplement gB˜ = fB ◦ ¯i. Comme ˜KC et ˆKC sont simplement connexes, on peut appliquer la méthode précédente pour déterminer (gB˜), et donc déterminer (fB).

A.2.2. Calcul de (fB

λ ). — Soit KC un groupe algébrique affine réductif complexe. D’après la Remarque A.2.3, on peut supposer KC simplement connexe. Comme il a été vu dans le paragraphe A.2.1, le calcul de l’image par (fB

λ ) de la classe σw, pour un élément w du groupe de Weyl de [ ˆKC, ˆKC] (qui s’identifie au groupe de Weyl de

ˆ

KC), revient à connaître les images par f des poids fondamentaux de ˆKC, ainsi que la décomposition de σw en sommes et produits de termes de degré 2. C’est cette deuxième opération qui est difficile à calculer en général, même si nous avons une manière effective de le réaliser pour chaque groupe.

Cependant, ici, nous travaillons avec le groupe GLr(C), ou plus exactement sur sa partie semi-simple SLr(C) qui est simplement connexe, ce qui diminue la difficulté. De plus, nous ne nous intéressons pas au calcul de tous les σw. Ceux qui nous intéressent, les éléments ˇwk, ont une décomposition finalement très simple.

Lemme A.2.4. — Pour tout k = 2, . . . , r − 1, on a σBr

skwkBrˇ = σBr sr−1...sk+2sk+1sk−1sk. De plus, σBr s1w1Brˇ = 0, et σBr skBrwrˇ = σBr sk .

Démonstration. — Les poids fondamentaux de slr sont bien connus. Si on note ˆe i la forme linéaire sur tr∩ slr définie par

ˆ ei    h1 ... hr    = hi, on aura παk,k+1 = Pki=1ˆe

i. De plus, si α = αi,j est une racine quelconque, alors la coracine α

i,j est la matrice diagonale dont tous les éléments diagonaux sont nuls sauf le i-ième qui vaut 1 et le j-ième qui vaut −1. Par conséquent, nous avons les valeurs

A.2. LA FORMULE DE CHEVALLEY 159

suivantes, dans le cas où αi,j est positive, c’est-à-dire i < j, παk,k+1i,j) =    0 si k < i, 1 si i ≤ k < j, 0 si j ≤ k. On en déduit que σskBrwkBrˇ = X i≤k<j l( ˇwksαi,j)=l( ˇwk)+1 σwksBrˇ αi,j, (A.2.2) d’après la formule (A.2.1). Les Lemmes A.1.8 et A.1.9 nous indiquent que le seul couple (i, j) vérifiant 1 ≤ i ≤ k < j ≤ r et l( ˇwksαi,j) = l( ˇwk)+1 est le couple (k−1, k+1). Dans le cas où 2 ≤ k ≤ r − 1, l’équation (A.2.2) et la formule ˇwksαi,j = sr−1. . . sk+1sk−1sk, toujours du Lemme A.1.8, nous permettent de conclure la première assertion du lemme. Pour k = 1, on a k − 1 = 0 n’entre pas en compte, donc σBr

s1w1Brˇ = 0. Et la dernière assertion est évidente puisque ˇwr = id.

Nous avons un résultat similaire, en décalant d’un cran le k du σsk. Lemme A.2.5. — Pour tout k = 2, . . . , r − 1, on a σBr

sk−1wkBrˇ = σBr

sr−1...sk+2sk+1sk−1sk+ σwBrˇk−1.

Démonstration. — Par un raisonnement identique à la preuve du Lemme A.2.4, nous

obtenons la formule suivante,

σsk−1BrBrwˇk = X

i≤k−1<j l( ˇwksαi,j)=l( ˇwk)+1

σwBrˇksαi,j. (A.2.3) De la même manière, le seul couple (i, j) vérifiant 1 ≤ i < k < j ≤ r et l( ˇwksαi,j) = l( ˇwk) + 1 est le couple (k − 1, k + 1), grâce au Lemme A.1.8. Puisque 2 ≤ k 6 r − 1, ce couple-là sera toujours présent. Il reste à voir les couples (i, k). Le Lemme A.1.10 nous affirme que le seul i ≤ k − 1 qui vérifie l( ˇwksαi,k) = l( ˇwk) + 1 est i = k − 1. L’équation (A.2.3) devient σBr

sk−1wkBrˇ = σBr

sr−1...sk+2sk+1sk−1skwk−1Brˇ , ce que nous voulions démontrer.

Théorème A.2.6. — Pour tout entier k ∈ {2, . . . , r − 1}, on a σwBrˇk−1 = (σBr

sk−1 − σBr sk).σBrwˇk.

On peut écrire σBr ˇ

wk−1 uniquement en terme des σBr

si , pour i = k, . . . , r −1, de la manière suivante,

σwk−1Brˇ = (σsBrk−1 − σsBrk).(σBrsk − σBrsk+1). · · · .(σsr−2Br − σsr−1Br ).σBrsr−1.

Démonstration. — Des formules obtenues dans les Lemmes A.2.4 et A.2.5, l’égalité

σwk−1Brˇ = (σBr

sk−1− σBr

sk).σBrwkˇ est claire. La deuxième assertion est une simple récurrence sur k, en utilisant le fait que ˇwr−1 = sr−1.

160 ANNEXE A. COMBINATOIRE DANS LE GROUPE SYMÉTRIQUE

Nous sommes maintenant en mesure de calculer les images par (fB

λ ) des classes de cohomologie σBr

ˇ

wk−1 ∈ H(GLr(C)/Br, Z), pour k ∈ {2, . . . , r}. Nous regardons ici l’application fλ : t ∩ [k, k] −→ tr∩ slr H 7−→    β1(H) ... βr(H)   

Nous noterons dorénavant tss = t ∩ [k, k]. Il est évident que f

λ(ˆei) = βi|tss, par consé-quent, f

λαi,i+1) =Pij=1βj|tss et f

λαi−1,i) − f

λαi,i+1) = −βi|tss. En appliquant ceci à σBr ˇ wk−1 = (σBr sk−1−σBr sk). · · · .(σBr sr−2−σBr sr−1).σBr

sr−1, pour k ≤ r−1, nous obtenons l’égalité (fλB)wk−1Brˇ ) = Θ fλαr−1,r). r−1 Y i=k fλαi−1,i) − fλαi,i+1) ! , qui nous donne la formule

(fλB)wk−1Brˇ ) = Θ (−βk|tss) . . . (−βr−1|tss)( r−1 X i=1 βi|tss) ! . (A.2.4)

Nous avons aussi évidemment

(fλB)wr−1Brˇ ) = Θ r−1 X i=1 βi|tss ! . (A.2.5)

Le lemme suivant va nous permettre de transformer la sommePr−1i=1βi|tss apparaissant ci-dessus.

Lemme A.2.7. — Soit M une représentation complexe de KC et δ = Pβ∈W

TC(M )β

la somme de tous les poids de l’action de TC sur M. Alors δ|tss = 0.

Démonstration. — La représentation M de KC induit une représentation de KC sur le déterminant det M = VdimCM

M de M . Ce dernier est une droite vectorielle, donc on obtient un caractère χ : KC → C. Sa dérivée dχe : kC → C est un morphisme d’algèbres de Lie. Or, ici, C est une algèbre de Lie abélienne, donc, pour tout X, Y ∈ kC, nous aurons dχe([X, Y ]) = 0. Et il est clair que δ = Pβ∈WtT(E)β = idχe|tC. Puisque tss = t ∩ [k, k], on en conclut que δ|tss = 0.

Dans notre cas, nous avons numéroté, avec redondance, les poids de l’action de TC

sur M, de sorte que δ = Pr

i=1βi. Ainsi, −βr|tss =Pr−1i=1βi|tss. Nous pouvons remplacer cette valeur dans les équations (A.2.4) et (A.2.5), ce qui donne

(fλB)σwk−1Bˇ˜ = Θ ((−βk|tss) . . . (−βr|tss)) . (A.2.6) pour tout entier k ∈ {2, . . . , r}.

ANNEXE B

CLASSE FONDAMENTALE DES VARIÉTÉS DE

SCHUBERT

Pour définir les classes de Schubert, le passage délicat est de bien définir la classe fondamentale d’une variété de Schubert, même quand celle-ci n’est pas lisse. Cette définition doit bien sûr coïncider avec la définition standard de classe fondamentale lorsque la variété est lisse.

Pour ce faire, nous présentons ici la méthode très élégante utilisant l’homologie de Borel-Moore. Tous les détails de cette construction se trouvent dans [Ful97, Appendice B] et [Man98, Appendice], dont les paragraphes suivants s’inspirent largement.

B.1. Classe fondamentale d’une variété projective irréductible lisse

Toute variété projective irréductible lisse X de dimension n peut être vue comme une variété différentiable réelle compacte de dimension 2n. De plus, la structure complexe confère à X une orientation. Il est bien connu que le groupe d’homologie de degré maxi-mal H2n(X) est alors canoniquement isomorphe à Z, où Hi(X) := Hi(X, Z) désigne le iegroupe d’homologie singulière sur X. Le choix d’une orientation revient ici à choisir un générateur de H2n(X). La variété lisse X possède donc une classe fondamentale, notée [X], telle que

H2n(X) = Z · [X].

Cette classe fondamentale permet de définir un isomorphisme entre les groupes d’homo-logie et de cohomod’homo-logie de la variété X, la dualité de Poincaré, donné par l’application

• ∩ [X] : Hi(X) −→ H2n−i(X) α 7−→ α ∩ [X],

réalisant le produit cap avec la classe fondamentale de X. La dualité de Poincaré est évidemment valable pour toute variété différentiable compacte connexe orientée.