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5. Incursion en Théorie Géométrique des Invariants. Étude des équations

6.1. Le critère principal

Dans cette section, nous utiliserons les mêmes notations que dans le paragraphe 5.2.1, pour les groupes TC ⊂ B ⊂ KC. Soit ζ : KC → GLC(M ) une représentation complexe de KC et r := dimCM . On note tC, b et kC les algèbres de Lie respectives.

106 CHAPITRE 6. CRITÈRE COHOMOLOGIQUE DES PAIRES BIEN COUVRANTES

Nous fixons pour le reste de ce chapitre un sous-groupe à un paramètre λ dominant de TC. On notera P (λ) le sous-groupe parabolique de KC associé à λ. Il est standard, c’est-à-dire, il contient B, puisque λ est dominant.

Soit P un quelconque sous-groupe parabolique de KC contenant B. On note WP le groupe de Weyl du sous-groupe de Levi de P contenant T . Pour tout w ∈ W/WP, la sous-variété algébrique XP

w := BwP/P de KC/P est appelée la variété de Schubert associée à w. Bien qu’une variété de Schubert ne soit pas forcément lisse, on peut tout de même lui définir une classe fondamentale, qui coïncide avec la définition standard de classe fondamentale lorsque la variété de Schubert est lisse. Cette définition est expliquée dans l’Annexe B. Les classes fondamentales des variétés de Schubert forment une base du Z-module libre H(KC/P, Z), ce qui nous permet de définir sa base duale {σP

w; w ∈ W/WP} dans H(KC/P, Z). On notera également [pt] := σP

w0 la classe du point, c’est-à-dire, le générateur de H2 dimC(KC/P )(KC/P, Z). Ici, w0 désigne le plus long élément de W .

Désormais, on considère le sous-groupe parabolique P = P (λ) et Wλ le groupe de Weyl de son sous-groupe de Levi Kλ

C. Remarquons que Wλ s’identifie au stabilisateur de λ dans W (ce qui justifie la notation Wλ). Posons Wλ l’ensemble des représentants de longueur maximale des classes de W/Wλ. On définit l’application  : gB ∈ KC/B 7→ gP (λ) ∈ KC/P (λ) et l’application induite en cohomologie

: H(KC/P (λ), Z) −→ H(KC/B, Z).

Puisque  est surjective, l’homomorphisme d’anneaux  est injectif. Ici, nous considé-rons H(KC/P (λ), Z) et H(KC/B, Z) comme anneaux pour la somme induite par leur structure de Z-module et le produit définit par le produit cup.

Il est bien connu que, pour tout w dans Wλ, on a l’égalité w0wP (λ)) = σB

w0w dans H(KC/B, Z), car w0w est le plus petit élément de w0wWλ. Ceci redonne l’injectivité de . En particulier, nous avons ([pt]) = σB

w0wλ, où wλ est le plus long élément de Wλ, cf [Bri05] pour plus de détails.

Nous rappelons que pour tout k ∈ Z, le sous-espace Mλ,k de M est défini par Mλ,k := {v ∈ M ; ζ(λ(t))v = tkv, ∀t ∈ C}.

Pour tout m ∈ Z, on définit les sous-espaces M<m :=M

k<m

Mλ,k et M>m :=M

k>m

Mλ,k.

Pour tout m ∈ Z, les trois sous-espaces Mλ,m, M<m et M>m sont stables par Kλ C. On remarque que l’ensemble WTC(M<m) est égal à l’ensemble des poids β de M tels que hλ, βi < m. De même, β ∈ WTC(M>m) si et seulement si β ∈ WTC(M ) et hλ, βi > m. En particulier, on a l’union disjointe

WTC(M ) = WTC(M<m) ∐ WTC(Mm>m),

quel que soit m ∈ Z. Pour tout β ∈ WTC(M ), on notera nβ la multiplicité du poids β sur M, c’est-à-dire nβ := dimCMβ, où Mβ est l’espace de poids β dans M.

6.1. LE CRITÈRE PRINCIPAL 107

Soit Θ : ∧ → H2(KC/B, Z) le morphisme qui envoie un poids µ ∈ ∧ de TC sur la première classe de Chern Θ(µ) = c1(Lµ) du fibré en droites Lµ de poids µ.

On notera ρ la demi-somme des racines positives de kC.

Théorème 6.1.1. — Soit (w, w, m) ∈ Wλ×Wλ×Z tel que C(w, w, m) soit non vide.

La paire (C(w, w, m), λ) de XM est bien couvrante si et seulement si soit w = w0wwλ

et M<m = 0, soit les deux assertions suivantes sont simultanément vérifiées : (i) σB

w0w. σB

w0w′.Qβ∈W

TC(M<m)Θ(−β) = ([pt]), (ii) hwλ + wλ, ρi +Pk<m(m − k) dimC(Mλ,k) = 0.

Le Théorème 6.1.1 sera démontré dans la section 6.4. Dans l’énoncé du théorème, le cas w = w0wwλ et M<m = 0 est un cas particulier de (i) et (ii), si on utilise la convention que le produit d’éléments parcourant un ensemble vide est égal à σB

id = 1, cf Lemme 6.4.3. Par ailleurs, les paires bien couvrantes (C(w, w0w, 0), λ) sont très particulières. En effet, elles donnent les équations des faces du cône convexe polyédral CQ(−WTC(E)) contenant Λ, quand on prend M = E ⊕ C, d’après les résultats du paragraphe 5.4.3.

Lorsque le tore maximal TC fixe un élément non trivial dans M ou, de manière équivalente, si le poids nul est un poids de la représentation ρ, nous sommes capables de donner une information supplémentaire sur l’entier m qui peut apparaître dans les paires bien couvrantes. C’est le résultat énoncé par le Théorème 5.4.2. Ce résultat est essentiel pour pouvoir passer d’un ensemble fini d’équations du cône convexe polyédral CQ(XE⊕C)+ à un ensemble fini d’équations du cône convexe polyédral ΓQ(E), pour enfin obtenir des équations de ∆GIT

K (K · Λ × E).

Preuve du Théorème 5.4.2. — Soit (w, w, m) ∈ Wλ× Wλ× Z tel que C(w, w, m) soit non vide dans (XM)λ. Supposons que m soit strictement positif. Alors le poids nul est dans WTC(M<m) etQβ∈W

TC(M<m)Θ(−β)nβ = 0, car Θ est un morphisme de Z-modules. D’après le Théorème 6.1.1, on en déduit que la paire (C(w, w, m), λ) n’est pas bien couvrante, car M<m 6= 0 et l’assertion (i) de l’énoncé du Théorème 6.1.1 n’est pas vérifiée.

Nous terminons cette section avec un corollaire, qui donne une condition nécessaire simple pour qu’une paire (C(w, w, m), λ) soit bien couvrante. Cette condition néces-saire concerne les longueurs de w et w.

Soit (C(w, w, m), λ) une paire bien couvrante. D’après le Théorème 6.1.1, nous avons nécessairement

σw0wB . σw0Bw. Y

β∈WTC(M<m)

Θ(−β) = ([pt]),

donc nous avons aussi une égalité sur les degrés en cohomologie. En effet, l’égalité précédente implique que

108 CHAPITRE 6. CRITÈRE COHOMOLOGIQUE DES PAIRES BIEN COUVRANTES

Or, pour tout u ∈ W , on a l(w0u) = l(w0) − l(u), car w0 est le plus grand élément de W . Par conséquent, on obtient

l(w) + l(w) = dimC(M<m) + 2l(w0) − dimC(KC/P (λ)), qui s’écrit également de la manière suivante,

l(w) + l(w) = l(w0) + l(wλ) + dimC(M<m).

Corollaire 6.1.2. — Soit (w, w, m) ∈ Wλ× Wλ× Z tel que (C(w, w, m), λ) soit une

paire bien couvrante. Alors,

l(w) + l(w) = l(w0) + l(wλ) + dimC(M<m). (6.1.1)

En particulier, on a M<m = 0 si et seulement si w = w0wwλ.

Démonstration. — Il reste seulement à prouver la dernière assertion. Par la Remarque

6.2.2, qui sera donnée en section 6.2, et par le Théorème 6.1.1, si M<m = 0, alors w = w0wwλ et un calcul direct nous donne

l(w) + l(w) = l(w0) + l(wλ). (6.1.2) Nous avons utilisé ici le fait que l(wwλ) = l(w) − l(wλ), car w est le plus long élément de wWλ et wλ est le plus long élément de Wλ.

Réciproquement, si w = w0wwλ, alors les équations (6.1.1) et (6.1.2) sont satisfaites, donc dimC(M<m) = 0, d’où finalement M<m = 0.