• Aucun résultat trouvé

Différentes formes de transition de spin

Chapitre 1 : Phénomène de transition de spin et méthode de la théorie de la

I) Phénomène de transition de spin dans des complexes de métaux de transition

I.4) Différentes formes de transition de spin

Les transitions de spin peuvent exister sous plusieurs formes qui dépendent plus ou moins fortement des modifications structurales, essentiellement celles liées aux liaisons métal-ligand, et aux propriétés du réseau cristallographique, traduisant la présence d’une forte coopérativité ou non. Tout d’abord, les transitions graduelles, les plus fréquentes et seules connues en phase liquide et phase solide jusqu’en 1964, s’effectuent dans un intervalle plus large en température. Les transitions de spin abruptes s’effectuent sur dans intervalle très court de température (moins de 10 K).[Baker 64, Goodwin 76] La transition de spin abrupte fut décrite en phase solide pour la première fois en 1964 avec le composé [Fe(phen)2(NCS)2]. La transition de spin abrupte thermique de ce composé fut confirmée en 1967 par König et

Madeja.[König 67] Les transitions de spin graduelles correspondent à des systèmes possédant de très faibles interactions ou à des systèmes fortement dilués (anions, métal, ligand). Chaque site métallique subit alors le phénomène de transition de spin indépendamment de ses sites voisins. Par contre, une transition de spin abrupte est le signe d’un système beaucoup plus coopératif possédant des interactions très fortes, d’origine élastique.[Spiering 82, Spiering 89, Ohnishi 81, Spiering 04]

Chaque site métallique est fortement lié aux autres sites et subit l’influence du changement d’état de spin de ces derniers. En phase liquide, le changement d’état de spin très graduel (conversion de spin), s’effectue toujours selon une statistique de Boltzmann. En phase solide, une transition de spin graduelle pouvait être encore modélisée par un peuplement de type Gibbs-Boltzmann. Cependant dans le cas d’une transition abrupte le problème était plus compliqué et n’était plus modélisable par un peuplement de type Gibbs-Boltzmann, mais divers modèles furent développés au fil des années pour décrire ce comportement (voir section II).

Figure 1.7 - Les différentes formes de transition de spin dépendant de la température représentée par HS

nHS

en fonction de T : (a) transition de spin graduelle, (b) transition de spin abrupte, (c) transition de spin avec cycle d’hystérésis, (d) transition de spin en deux étapes et (e) transition de spin incomplète.[Gütlich 04b]

D’un point de vue structural, le solide doit pouvoir s’adapter aux variations des longueurs des liaisons métal-ligand au cours de la transition de spin thermique pour que les

molécules ou les sites métalliques puissent coexister au sein du même réseau cristallographique.[Gütlich 04b] Diverses observations structurales montrent que les transitions de spin abruptes sont accompagnées de variations discontinues des paramètres de maille entraînant dans la plupart des cas une transition de phase cristallographique.[König 80, Timken 85] Quant aux transitions de spin graduelles, elles sont accompagnées de variations continues des paramètres de maille dans le même réseau cristallographique.[König 83, Timken 86b]

Quel que soit le type de transition de spin, le processus commence à partir de la formation de centres de nucléation pour une phase cristallographique considérée, qui doivent être localisés principalement sur les sites des défauts, les joints de grains et sur la surface des cristallites. Pour de fortes interactions coopératives, la croissance de domaines moléculaires de même état de spin à partir de ces noyaux conduit à des transitions de spin abruptes. Pour des intéractions faibles, les sites de changement d’état de spin sont répartis de façon aléatoire, ce qui aboutit aux transitions de spin graduelles.[Zarembowitch 92]

Certaines transitions de spin peuvent présenter un cycle d’hystérésis, de largeur T1/2 variable selon les composés avec T1/2T1/2T1/2T1/2et T1/2sont respectivement les températures de transition (pour 21

HS

n ) dans les modes de chauffage (i.e. de BS à HS) et de refroidissement (i.e. de HS à BS). Ce type de comportement fut initialement décrit pour le composé [Fe(4,7-(CH3)2-phen)2(NCS)2], composé pour lequel König et Ritcher rapportèrent la première transition de spin avec cycle d’hystérésis en 1976.[König 76]

Les transitions de spin abruptes sont dues à la présence de coopérativité, lorsque la coopérativité devient très forte (interactions intermoléculaires de nature très coopérative), les transitions de spin présentent un cycle d’hystérésis. Plus la coopérativité est forte, plus la largeur T1/2 est importante. La formation d’un cycle d’hystérésis résulte de la présence au dessus de la température critiqueT , avecC

1/2 1/2

/2

T T

TC , d’une zone de métastabilité de l’état BS dans le cas du chauffage d’un composé initialement à basse température, et de la présence au dessous deT C

d’une seconde zone de métastabilité de l’état HS dans le cas de refroidissement du composé initialement à haute température. Le cycle d’hystérésis thermique confère au matériau un intérêt considérable en vue d’application technique comme des dispositifs de détection, d’affichage ou le stockage de l’information. Aujourd’hui de nombreux composés de métaux à transition présentent une transition de spin avec des cycles d’hystérésis de largeur allant jusqu’à 90K. Des études dans notre groupe (travaux de Lionel Salmon), portent sur une série

de composés, des analogues de bleu Prusse tels que les composés {RbxMny[Fe(CN)6]z.wH2O}, présentant un transfert de charge de la phase à basse température FeII-MnIII vers la phase à haute température FeIII-MnII. Ces composés quant à eux, dévoilent des cycles d’hystérésis thermiques de la susceptibilité magnétique de 40 à 130 K de large autour de 230 K environ (voir chapitre 6 partie IV).

Ensuite les transitions de spin peuvent être complètes ou incomplètes. Les transitions de spin incomplètes peuvent se produire dans la région des basses températures (« fraction résiduelle de molécule dans l’état HS »), dans la région des hautes températures (« fraction résiduelle de molécule dans l’état BS »), ou dans les deux à la fois.[Ewald 64]

Le paramagnétisme résiduel à basse température observé pour des composés ferreux à transition de spin abrupte et graduelle, c’est respectivement le cas des complexes [Fe(phy)2](ClO4)2 et [Fe(bts)2(NCS)2], est la situation la plus fréquente.[König 84] Ce comportement peut être interprété en terme de cinétique de transition. À basse température, les cinétiques de transition allant de l’état HS vers l’état BS, seraient suffisamment lentes pour autoriser un phénomène de « freezing », c’est-à-dire de blocage de l’état HS par un effet de trempe. Dans ce cas, cette transition incomplète peut devenir complète par l’application d’une pression car elle déplace la transition vers des plus hautes températures (voir section I.6).[Molnár 06] Une transition incomplète peut intervenir également pour un système à deux sites métalliques non équivalents où il arrive que seul l’un des deux sites subisse une transition de spin.

Enfin, quelques transitions de spin peuvent se produire en deux étapes. Elles sont caractérisées par deux températures de transition et un plateau plus ou moins étendu selon les composés. Ce phénomène fut découvert pour la première fois sur un complexe de Fe(III) en 1981 par Zelentsov.[Zelentsov 81] Le complexe [Fe(2-pic)3]Cl2.EtOH découvert par Köppen et al. en 1982, fut le premier complexe de Fe(II) à présenter une transition de spin en deux étapes.[Köppen 82] L’origine de ce phénomène n’est pas identique suivant les composés. D’une part, ce phénomène peut être lié à la présence de deux sites cristallographiques non équivalents dans la maille principale.[Matouzenko 01] D’autre part, ce phénomène peut exister pour des molécules binucléaires pour lesquelles l’environnement des deux atomes métalliques est identique, le changement d’état de spin d’un atome métallique défavorise celui de l’autre atome.[Real 92a, Niel 05] La transition en deux étapes peut être observée aussi pour des systèmes mononucléaires comportant un seul site cristallographique. Elle est interprétée en terme d’interactions de courte portée et de formation préférentielle de paires HS/LS au cours de la

transition, en rentrant en compétition avec les interactions de longue portée présentes dans tout système coopératif.[Köppen 82, Jakobi 92, Romstedt 98] Pour finir, un cas unique de transition de spin en deux étapes avec cycle d’hystérésis, le complexe Fe[5-NO2-sal-(1,4,7,10)], fut rapporté par Petrouleas et Tuchagues en 1987.[Petrouleas 87] Ce dernier sera décrit plus amplement dans le chapitre 3.

I.5) Différentes techniques expérimentales pour caractériser un changement