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Section II. La conception moderne du contrat réel

Chapitre 1. Les formes probatoires

211. La forme probatoire peut se définir comme celle qui est imposée pour prouver l’existence et le contenu d’un acte juridique646. Ce sont les règles de preuve qui témoignent de la vigueur du phénomène formaliste dans le droit des obligations.

La preuve des actes juridiques, en droit civil français, se caractérise par les formes probatoires, c’est-à-dire que l’admissibilité des moyens de preuve est limitée, leur force probante est prédéterminée et hiérarchisée par le droit positif647. La loi ne permet effectivement de recourir qu’à l’emploi des moyens de preuve déterminés par elle-même648. Le juge tenu par les règles légales ne dispose d’aucun pouvoir pour en apprécier la portée. Si ces moyens sont rapportés conformément aux prescriptions légales, il doit s’incliner. Ce sont les règles régissant la preuve des actes juridiques en droit civil français que l’on appelle « système de la preuve légale ». On met donc en valeur ce système pour ses utilités649.

212. A la différence du droit français, le droit vietnamien a adopté le système de la preuve morale selon lequel la loi n’exige aucun moyen de preuve prédéterminé. Tout moyen de preuve peut être utilisé par celui auquel incombe la charge de la preuve650. Ce système fait

confiance au juge en le laissant libre d’apprécier le crédit, conformément aux dispositions procédurales, que méritent les preuves débattues devant lui par les parties. La liberté de la preuve conforte alors la découverte de la vérité. Elle se situe dans l’article 81 du Code de la procédure civile vietnamien qui définit la preuve d’une façon générale : « ce qui peut contribuer à établir une chose vraie ». Puis, l’article 82 du même Code énumère des moyens

646 V. DELAPORTE, Recherches sur la forme des actes juridiques en droit international privé, thèse,

Université de Paris 1, 1974, n° 11.

647 H. ROLAND, L. BOYER, Introduction au droit, éd., Litec, 2003, n° 1667 ; Ch. LARROUMET,

Droit civil, Introduction à l’étude du droit privé, t. 1, 5e éd., Economica, 2006, n° 557 ; Ph.

MALAURIE, L. AYNES, Introduction générale, 2e, éd., Defrénois, 2005, n° 195 ; H. et L.

MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons de droit civil, Introduction à l’étude du droit, 12e,

éd., Montchrestien, 2000, p. 550.

648 Fr. TERRE, Introduction générale au droit, 8e, éd., Dalloz, 2009, n° 609.

649 P. LECLERCQ, Le nouveau droit civil et commercial de la preuve et le rôle du juge, in Le droit des

preuves légales du défi de la modernité, Actes du colloque du 24 mars 2000, p. 99.

650 NGUYEN Cong Binh, Manuel de droit de la procédure vietnamienne, édiction judiciaire, 2005, p.

de preuve susceptibles d’être apportés dans un procès civil : « 1° Pièces, documents, enregistrements sonores, visuels ou audiovisuels ; 2° Objets en nature ; 3° Témoignages ; 4° Déclarations des plaideurs ; 5° Conclusions d’expertise ; 6° Procès-verbal de visite des lieux ; 7 Coutumes, usages ; 8° Résultats d’évaluation de la valeur des biens ; 9° Tous autres éléments déterminés par la loi ».

En réalité, le système de la preuve morale du droit vietnamien présente des avantages. Le rôle primordial accordé au juge du fond, dans la conduite de l’enquête, offre a priori une meilleure garantie pour découvrir la vérité651. De plus, l’absence de restriction apportée à la preuve permet à chaque partie d’établir son droit sans entrave. D’autre part, les droits individuels les plus fondamentaux ne sont pas protégés par des règles limitant la recevabilité d’une preuve. L’inexistence de dispositions concernant l’admissibilité et la valeur probante des moyens de preuve favorisent les décisions souveraines. C’est la raison pour laquelle le législateur vietnamien a opté pour le système de la preuve morale.

213. Le droit français est assez éloigné de la construction vietnamienne en matière de preuve des actes juridiques. En droit français, la restriction des moyens de preuve et leur force probante sont prédéterminés et hiérarchisés par la loi, alors qu’en droit vietnamien, tous moyens de preuve peuvent être utilisés et leur crédit est subordonné à l’appréciation du juge du fond. L’adhésion à tel ou tel système de preuve selon lequel les moyens de preuve sont prédéterminés par la loi donne naissance aux formes probatoires en droit civil français, tandis que le choix de liberté de la preuve ignore les formes probatoires. En conséquence, dans ce chapitre, on examinera exclusivement les formes probatoires, même si le sujet de la thèse est consacré aux deux systèmes juridiques.

Les formes probatoires, en droit civil français, sont visées par l’article 1341 du Code civil français qui dispose qu’ « il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre. Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce ». Aux termes de cet article, l’écrit en matière d’acte juridique est placé au-dessus de tous les autres moyens de preuve. Pour prouver un contrat, le demandeur

651 NGUYEN Cong Binh (sous la direction), Manuel de procédure civile vietnamienne, Ediction

doit en apporter la preuve littérale (Section 1), ou bien démontrer qu’il peut bénéficier des exceptions prévues par la loi (Section 2).

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