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1.1 G´ en´ eralit´ es sur les cyclones

1.1.2 Formation et intensification d’un cyclone

Certaines p´eriodes et certaines r´egions sont favorables `a la formation d’un cyclone tropical

car elles poss`edent les crit`eres indispensables `a la mise en place d’une cylog´en`ese. Ces crit`eres ´

energ´etique (ou climatologique) et dynamique ont ´et´e mis en ´evidence `a partir d’analyses

Chapitre 1. Outils th´eoriques

un premier temps, nous en ferons une simple ´enum´eration, puis nous pr´esenterons les diff´erentes th´eories sur la formation et l’intensification d’un cyclone qui les prennent en compte.

Contraintes ´energ´etiques :

– La temp´erature oc´eanique entre la surface et au moins 60 m`etres de profondeur doit ˆetre sup´erieure `a 26.5C sur une importante ´etendue d’oc´ean. Le syst`eme va en effet s’alimenter

en puisant de l’´energie dans ces eaux chaudes sous forme de vapeur d’eau. Les eaux chaudes de surface permettent la restauration de l’´energie de la couche limite atmosph´erique par

un flux de chaleur latente et sensible. Cette condition ´energ´etique est donc sine qua non. Les bassins du Pacifique sud-est et Atlantique sud fr´equemment soumis `a des remont´ees

d’eaux froides ou upwellings sont donc des r´egions d´efavorables au d´eveloppement de la cyclog´en`ese.

– L’humidit´e relative en moyenne troposph`ere doit ˆetre suffisamment ´elev´ee. La valeur

mi-nimale consid´er´ee n´ecessaire est de 70 % entre les niveaux de pressions 700 et 400 hPa environ. La saturation de la moyenne troposph`ere est une des phases “clef” dans la

transformation d’une perturbation tropicale en ph´enom`ene cyclonique.

Durant la saison cyclonique, ces conditions ´energ´etiques sont pr´esentes en quasi-permanence,

mais on n’observe pas n´ecessairement d’activit´e cyclonique pour autant. Les perturbations cy-cloniques tropicales interviennent fr´equemment lors de p´eriodes actives de 2 `a 3 semaines,

entre-coup´ees de phases plus calmes de dur´ees comparables. Ces variations sont probablement li´ees `a une modulation des conditions d’environnement, plus ou moins favorables `a la cyclog´en`ese. On

doit donc ´egalement prendre en compte des contraintes de type dynamique. Diff´erentes th´eories du d´eveloppement d’une cyclog´en`ese bas´ees sur ces contraintes seront ensuite pr´esent´ees.

Contraintes dynamiques :

– Le mouvement tourbillonnaire ne va pouvoir s’amorcer qu’`a des latitudes sup´erieures `a 5 ou 6. En effet, ce tourbillon, proportionnel au param`etre de Coriolis, est nul `a l’´equateur. – Le cisaillement vertical du vent horizontal doit rester faible `a mod´er´e entre la surface

et les couches ´elev´ees ; une valeur inf´erieure `a 10 m.s−1 de la surface au niveau 100 hPa est admise (Zehr 1992 ; DeMaria et al. 1993). En d´eformant la structure verticale du vortex,

ce cisaillement vertical pr´evient son renforcement. De forts contrastes de vents, tant en

1.1. G´en´eralit´es sur les cyclones

intensit´e qu’en direction, conduisent `a r´epartir sur une large r´egion l’´energie amen´ee en altitude par les courants ascendants, ce qui nuit `a la formation ou le renforcement du

ph´enom`ene cyclonique, le mouvement cyclonique serait en effet d´eform´e. Le cisaillement est le pr´ecurseur dynamique majeur permettant de distinguer les syst`emes convectifs ´evoluant

en cyclones tropicaux et ceux ne se d´eveloppant pas (McBride and Zehr 1981).

– Une divergence du vent ou une ´evacuation g´en´eralis´ee au niveau des couches sup´erieures

de la troposph`ere permet au flux vertical de s’´echapper et est n´ecessaire `a l’entretien du syst`eme.

– Il faut une perturbation pr´eexistante (lignes de grains, ondes d’est, MCSs,...) pr´esentant un tourbillon relatif des basses couches positif (potentialit´e de cyclog´en`ese). C’est cette

perturbation initiale qui, en se creusant, devient d´epression tropicale, puis tempˆete tropi-cale et enfin ouragan.

Par ailleurs, compte tenu des fluctuations environnementales saisonni`eres (ENSO2: ph´enom`ene

pluriannuel pour l’oc´ean et la troposph`ere tropicale, QBO3 : ph´enom`ene pluriannuel pour la basse stratosph`ere) ou intrasaisonni`ere (oscillation dite de Madden-Julian), il est difficile

de pr´evoir le moment exact de formation d’un cyclone. Des ´etudes ont permis la mise en ´

evidence des conditions synoptiques favorables ou d´efavorables au d´eveloppement de la

cy-clog´en`ese (McBride and Zehr 1981 ; Lee et al. 1989 ; Challa and Pfeffer 1990 ; Emanuel et al. 1993 ; Bister and Emanuel 1997), mais les d´etails `a l’´echelle moyenne et convective restent mal connus.

M´ecanisme d’intensification et ´energ´etique des cyclones :

Les perturbations tropicales initiant parfois un cyclone ont ´et´e minutieusement observ´ees. Diff´erentes th´eories tentent d’expliquer les m´ecanismes intervenant lors de la formation d’un

cyclone afin d’am´eliorer leur pr´evision.

La formation et l’´evolution de structures connues sous le nom de Vortex M´eso-Echelle (MCVs) `a l’int´erieur des parties stratiformes de syst`emes convectifs de m´eso-´echelles (MCSs)

ont ´et´e bien document´ees au cours de ces derni`eres ann´ees (Leary and Rappaport 1987 ; Brandes 1990 ; Bartels and Maddox 1991 ; Chong and Bousquet 1999 ; Rogers and Fritsch 2001). Ces MCSs

poss`edent des anomalies positives de temp´erature concentr´ees en moyenne et haute troposph`ere

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El-Ni˜no-Southern Oscillation

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Chapitre 1. Outils th´eoriques

Fig. 1.2: Mod`ele conceptuel de cyclog´en`ese tropicale `a partir d’un MCS. (a) L’´evaporation des pr´ecipitations stratiformes refroidit et sature la partie sup´erieure de la basse troposph`ere conduisant `a une diminution de Θeen basse troposph`ere ; les subsidences forc´ees entraˆınent un r´echauffement et un ass`echement de la zone inf´erieure. (b) Apr`es quelques heures, une anomalie froide et relativement humide apparaˆıt dans toute la basse troposph`ere. (c) La convection se d´eveloppe `a nouveau apr`es que Θe se soit reconstitu´e. Les d´etails sont donn´es dans le texte. D’apr`es Bister et Emanuel 1997.

associ´ees `a des maximums de tourbillons et des anomalies n´egatives de temp´erature dans les basses couches de la troposph`ere associ´ees `a une vorticit´e anticyclonique `a la surface. Le

mouve-ment cyclonique de moyenne troposph`ere dans les r´egions stratiformes des MCS est essentielle-ment dˆu, via la force de Coriolis `a la convergence associ´ee `a l’ascendance de haute troposph`ere et

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a la subsidence de basse troposph`ere. Certaines ´etudes ont montr´e que de tels MCSs peuvent ˆetre les pr´ecurseurs d’une cyclog´en`ese tropicale (Velasco and Fritsch 1987, Laing and Fritsch 1993).

On sait que la transformation d’un MCS en cyclone tropical d´epend de la persistance de son acti-vit´e pluvio-orageuse. La saturation en humidit´e des couches moyennes de la troposph`ere au sein

de la zone ´etendue de pr´ecipitations stratiformes est un des crit`eres ´energ´etiques primordiaux. Mˆeme si l’on n’a pas ´elucid´e de mani`ere pr´ecise les m´ecanismes mis en jeu, cette saturation

entraˆıne l’intensification du MCV par la r´eponse de l’atmosph`ere au chauffage convectif accu-mul´e puis `a sa descente de la moyenne vers la basse troposph`ere (Chen and Frank 1993). La figure (1.2) r´esume les m´ecanismes intervenant lors de la formation d’une cyclog´en`ese tropicale

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a partir de l’intensification d’un MCS (Chen and Frank 1993, Bister and Emanuel 1997). Elle illustre ainsi comment un syst`eme, de structure initiale `a cœur froid se renforce et acquiert

des caract´eristiques similaires `a celles d’une structure `a cœur chaud repr´esentative des cyclones

1.1. G´en´eralit´es sur les cyclones

tropicaux.

Le refroidissement dˆu `a l’´evaporation (et le r´echauffement stratiforme) engendre un vortex au

niveau moyen avec un cœur chaud dans la troposph`ere sup´erieure et un cœur froid dans la tro-posph`ere inf´erieure. Initialement, le cœur froid de la basse troposph`ere s’´etend au-dessus d’une

couche d’air chaud et sec, r´esultant de subsidences forc´ees (Fig. 1.2a). Tandis que le syt`eme ´

evolue, le vortex et l’anomalie froide s’´etendent aux basses altitudes pour occuper toute la

tro-posph`ere inf´erieure (Fig. 1.2b). L’extension du vortex `a cœur froid dans la couche limite favorise `

a nouveau le d´eveloppement de la convection, mais cette fois la moyenne troposph`ere fortement

humide induit une diminution de l’´evaporation de la pluie et va ainsi inhiber les subsidences. Le flux de chaleur ascendant n’est plus compens´e par les courants froids descendants et des

ano-malies chaudes vont se constituer progressivement en altitude et se renforcer. Une d´epression hydrostatique apparaˆıt en surface et va `a son tour augmenter les flux de chaleur `a la surface.

Bientˆot, les bandes convectives commencent `a s’enrouler autour de ce centre d´epressionnaire. Au fur et `a mesure de cet enroulement, se forme l’œil, zone de mouvements subsidents

compen-satoires d´epourvue de nuages de moyenne et haute altitude et situ´ee au centre de la circulation cyclonique (Fig. 1.2c). Les flux oc´ean-atmosph`ere jouent un rˆole crucial dans le d´eveloppement

secondaire de la convection et dans la cyclog´en`ese. Rogers and Fritsch (2001) ont montr´e que le renforcement d’un MCS se produit en fait lors de chaque “bouff´ee” ou ´ev`enement convectif,

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a travers une augmentation et une advection de vorticit´e cyclonique pr`es de la surface et donc une acc´el´eration du vent tourbillonnaire `a ce niveau.

Une explication de la g´en`ese et du renforcement d’un cyclone tropical a d’abord ´et´e propos´ee au d´ebut des ann´ees 60 par Charney and Eliassen (1964) et Ooyama (1969b). Cette th´eorie,

connue sous le nom d’Instabilit´e Convective du Second Ordre (CISK) repose sur l’hypoth`ese que le d´eveloppement initial et l’´evolution d’un cyclone r´esultent de la lib´eration organis´ee

(th´eorie lin´eaire) de l’instabilit´e conditionnelle pr´eexistante. Suite `a un chauffage important de l’atmosph`ere, une convergence de masses d’air conditionnellement instable va se mettre en place

due `a la friction `a la surface et alimenter l’activit´e convective d´ej`a en cours. La convection ainsi organis´ee agit comme une source de chaleur au centre du vortex et donc l’intensifie. Cela va induire une augmentation de la vitesse des vents de surface, puis l’advection d’humidit´e et

fina-lement une possible r´etro-action interviendraient alors. Cette th´eorie requiert implicitement le stockage et la disponibilit´e d’une quantit´e d’´energie convective importante dans l’atmosph`ere.

Chapitre 1. Outils th´eoriques

profils thermodynamiques moyens au-dessus des oc´eans tropicaux sont associ´es `a un faible sto-ckage d’´energie convective. De plus, aux rares endroits o`u le stockage est important, il n’y a pas

n´ecessairement de d´eveloppements cycloniques.

Dans les ann´ees 80, une th´eorie alternative du m´ecanisme d’intensification, WISHE

(Wind-Induced Surface Heat Exchange) a vu le jour. C’est Emanuel (1986) et plus tard Emanuel et al. 1994 qui l’ont ´enonc´ee. Elle est bas´ee sur l’id´ee que la temp´erature potentielle ´equivalente (ou

l’´energie totale) des particules d’air dans la couche limite atmosph´erique augmente via les flux de chaleur et d’humidit´e, qui eux-mˆemes d´ependent de l’intensit´e du vent en surface. Un m´ecanisme

de r´etro-action intervient dans lequel l’augmentation des flux de surface accentue l’intensit´e du vortex, qui en retour augmente les flux de surface. L’accent est donc port´e sur l’interaction

du vortex en d´eveloppement et les ´echanges `a la surface de l’oc´ean, la convection se limite ici `

a redistribuer l’´energie acquise `a la surface. Les m´ecanismes d’interaction oc´ean-atmosph`ere

apparaissent donc primordiaux dans les processus d’intensification des cyclones tropicaux `a travers ce transfert de vapeur d’eau (chaleur latente) depuis la surface vers l’atmosph`ere, la

vapeur d’eau repr´esentant v´eritablement le carburant de cette machine thermique que constitue le cyclone.

Finalement, ces diverses th´eories expliquent certains m´ecanismes intervenant lors de la

for-mation de cyclone mais aucune n’est r´eellement satisfaisante. Mais, c’est la th´eorie WISHE qui est la plus g´en´eralement accept´ee pour expliquer l’´energ´etique des cyclones tropicaux. Il paraˆıt clair qu’une meilleure compr´ehension de ces derniers va de pair avec une bonne connaissance des

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echanges d’´energie sous forme de chaleur mis en jeu. Des ´etudes statistiques de bilans de chaleur sur les cyclones en phases de formation ou d’intensification pourraient apporter des r´eponses. Par

exemple, Rodgers et al. (2000) a effectu´e des bilans de d´egagement de chaleur latente `a diff´erents stades de la vie du cyclone Paka (1997) `a partir desquels il a pu observer les implications du

for¸cage de l’environnement.