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1. Le cadre de la formation continue pour les enseignants du premier

degré

La formation continue des enseignants soutient par définition l’évolution des politiques éducatives. Cette évolution réclame l’adhésion des enseignants, leur implication et cette participation ne peut être ignorée. La formation continue s’inscrit aujourd’hui à un cadre réglementaire spécifique, obéissant à un cadre organisateur plus large, défini par la DGESCO. Comment s’organise-t-elle en France dans le premier degré ? Quelles sont ses évolutions les plus notables et en particulier dans le domaine des TICE ?

Mais avant de caractériser ce cadre spécifique, la question des solutions acceptables pour les enseignants concernant leur formation reste posée : co-formation, tutorat, formation continue institutionnelle ? Selon une note d’information de la DEPP114 datant de 2005 et portant sur une enquête réalisée en 2004115, les enseignants des premier et second degrés utilisent de façon égale différents moyens de renouvellement de leurs connaissances : livres (91%), auto-formation (87%), stages de formation continue (70%), usages de logiciels disciplinaires et de ressources en ligne (45% dans le premier degré, contre 56% dans le second degré), reprise d’un cursus universitaire (19%). D’une façon générale la formation des enseignants peut relever de plusieurs modalités. Il peut s’agir d’auto-formation, formation non encadrée, sans présentiel, allant de l’autodidaxie à la formation à distance avec tutoriel, d’hétéro formation, c'est-à-dire de toute formation

114 « Les enseignants des lycées et collèges publics et la formation » – DEP (Direction de

l’évaluation et de la prospective et de la performance) note 06-00 – septembre 2006

acquise en stage ou de co-formation, c'est-à-dire de la formation entre pairs, centrée sur le travail collaboratif.

1.1 La co-formation et le « pair-expert »

L’une des réponses aux besoins de formation des enseignants se fait souvent sur le terrain, dans le cadre d’échanges de pair à pair. Cette manière de faire, induite par une dynamique interindividuelle peut contribuer à la construction, en situation, de compétences en acte. Elle permet de tester immédiatement outils et procédures, d’en vérifier l’efficience et ouvre à des ajustements progressifs. Cette modalité de formation peut constituer pour les enseignants d’une même école une réponse à un besoin partagé de maîtrise technique et organisationnelle nécessaire au profit d’objectifs pédagogiques spécifiques.

Pour un enseignant, regrouper les productions de ses élèves travers un réseau poste à poste pour constituer un document collectif, requiert de sa part un ensemble de connaissances spécifiques, essentiellement procédurales. Elles reposent également sur des savoirs spécifiques, relatifs notamment au fonctionnement d’un réseau. L’enseignant en difficulté sollicite l’un de ses collègues ayant déjà été confronté à une situation semblable.

La situation de co-formation qui s’engage dans ce cas est informelle, non réglée, comme le sont les nombreux échanges du registre pédagogique entre les enseignants d’une même école. Le partage de compétences, techniques et pédagogique se fait par imitation, par échange, dans l’action.

Cependant, dans le cas d’usage de systèmes techniques, il s’agit pour l’enseignant de compétences à développer qui ne s’appuient pas sur ses savoirs disciplinaires, pédagogiques et didactiques constituant traditionnellement l’ossature de son activité professionnelle. La co-formation entre les deux collègues vise la construction de savoir-faire, conçus comme capacité de mobiliser des savoirs en situation mais pris au sens de connaissances procédurales.

Pour autant ces savoir-faire demeurent fragiles si les contextes d’utilisation varient, qu’ils soient techniques, humains ou organisationnels. En ce qui concerne la manipulation d’instruments logiciels complexes, ces savoir-faire, ou plutôt savoirs opératoires, sont par

nature volatils. Cette modalité de formation permet-elle de construire de manière durable des formes opératoires voire même « prédicative » de connaissances dans ce domaine (VERGNAUD, 2002) ? Rien n’est moins sur, tant l’incidence des variations de contexte est importante lorsqu’il s’agit de technologies aussi complexes. Cette situation, fréquente dans les écoles, le démontre : la co-formation s’adosse à la bonne volonté des uns et des autres, acceptant le principe du partage, du don. C’est en tout cas c’est un principe qui ne peut être prescrit.

La présence d’un pair expert, venant de l’extérieur, participe également de cette construction de compétences, de savoir-faire, de connaissances en acte, de schèmes d’actions instrumentées, en prise directe avec un contexte d’usage variable. La relative neutralité du pair expert, venant de l’extérieur de l’école, mais au fond pas si éloigné que cela, tranche par rapport aux enjeux, qui pourraient peut-être surgir entre les collègues d’une même école, dans un contexte de co-formation. La présence d’un tel acteur permet de lisser les aspérités contextuelles et de participer à une approche plus approfondie des concepts techniques sous-jacents à l’utilisation de tel ou tel dispositif technique.

Citons le cas des d’ateliers organisés dans les écoles hors du temps scolaire. Cette modalité de formation est extrêmement répandue dans les départements, mais à notre connaissance, l’activité développée est difficilement évaluable en termes de volumes d’heures consacrées, étant donné la quasi absence de remontées d’information au niveau des inspections académiques sur ce sujet. Il conviendrait d’examiner de près les comptes-rendus d’activité d’un échantillon significatif d’ATICE pour arriver à quantifier de façon précise cette activité. Cette modalité permet d’aborder à la fois les questions d’utilisation et d’organisation en contexte mais aussi de faire le point sur un ensemble de connaissances techniques et de contribuer au façonnage d’une culture technique des enseignants. Le facteur psychologique est important, puisque, comme nous l’avons constaté au cours de notre propre expérience de terrain, cette modalité dans le meilleur des cas, à l’avantage de pouvoir créer des dynamiques locales entre les enseignants autour de problématiques communes, ou, au contraire, de révéler des tensions qui se cristallisent autour des TICE qui du coup deviennent prétextes à des règlements de comptes.

Depuis le milieu des années 80, les ATICE ont contribué à la définition d’un rôle original, à travers ce type de formation de proximité caractéristique de leur activité professionnelle, non seulement en ce qu’elle est spécialisée et à forte valence technique, mais en ce qu’elle contribue à une forme de formation initiale différée dans le domaine des TICE pour la plupart des enseignants.

1.2 Une organisation anciennement déconcentrée

La formation continue institutionnelle fait quant à elle l’objet d’un cadrage institutionnel précis, normé, induisant une organisation du travail cadrée institutionnellement dans laquelle des rôles multiples sont définis tant nationalement que localement. Mise en place en 1969, la formation continue des enseignants s’appuie sur une définition de la formation des maîtres comme « une formation permanente incluant une formation initiale et de opérations de formation continuée » reliée « à la nécessité d’adapter la pratique professionnelle des maîtres aux transformations du système éducatif »116.

Les principes d’organisation de la formation continue sont actés dans une circulaire adressée aux recteurs, aux inspecteurs d’académie, aux directeurs d’école et aux IDEN117 parue au bulletin officiel en 1972. Ce document constitue le texte fondateur d’un dispositif dont la profondeur a été modifiée depuis. Il installe le principe du remplacement des enseignants en formation par les élèves-maîtres de l’époque, la formation constituant ainsi un mode de pilotage de la formation initiale, la mise en place de postes spécifiques de titulaires-remplaçants et adosse l’offre de formation à une analyse préalable des besoins de formation des enseignants en poste.

Sur le plan national, la formation continue relève formellement d’une direction de l’administration centrale de l’éducation nationale, la DGESCO. Cette direction joue un rôle de « vigie118 » dans le champ en donnant annuellement une idée du réel de l’activité quantitative de la formation continue119 et de pilote, en déclinant le programme national de pilotage (PNP) sous la forme de séminaires nationaux, véhicule auprès des corps d’inspection, des formateurs et des chefs d’établissement du second degré, des priorités nationales de la politique éducative120.

L’échelon académique reste cependant prédominant, dans un cadre déconcentré de gestion des moyens, renforcé par la mise en place de la Loi organique sur les lois de

116 Déclaration d’orientation sur la formation des maîtres du premier degré – 21 mars 1972

117 IDEN : inspecteurs départementaux de l’éducation nationale (devenus IEN, puis IEN – CC)

118 Formulation employée par Jean-Louis Nembrini, Directeur général de l’enseignement scolaire,

lors de son discours d’entrée en fonction en mars 2007.

119

Enquête annuelle DESCO – DEP : « Données de la formation continue des enseignants des premier et second degrés ».

120

Voir la page de présentation de la formation continue sur Eduscol :

finances, votée par le Parlement en août 2001121, des entités administratives se consacrant entièrement à la formation continue des enseignants en académie (ex-missions académiques de formation des personnels de l’éducation nationale). Les moyens financiers sont confiés aux recteurs sous forme de dotations globalisées, lui laissant des marges de manœuvre importantes dans la limite imposée par le respect des priorités nationales définies par le ministre.

1.3 Les enseignants du premier degré et leur formation

a - Bref rappel sur la formation initiale

Pour les enseignants du premier degré, les écoles normales ont longtemps constitué de véritables modèles « d’institution totale », assurant une « socialisation secondaire » donnant les bases d’une compétence professionnelle et favorisant l’adhésion à des valeurs communes, jusque dans les années 60 (PROST, 1981). La diversification des publics qui a suivi, l’allongement de la scolarité initiale a eu pour conséquence de complexifier l’approche de la part des formateurs du public des écoles normales, plus critique et moins malléable que précédemment.

La création des IUFM122 (Institut universitaire de formation des maîtres) s’est appuyée sur un modèle différent du métier d’enseignant pour mettre en œuvre la formation des futurs enseignants articulé autour de quatre domaines de la professionnalité des enseignants : la gestion des enseignements et des situations d’apprentissage, la gestion de la relation éducative, l’aide aux projets des élèves et la responsabilité collective à l’égard du fonctionnement du système. L’avantage pour les enseignants du premier degré fut indéniablement sur le plan de leur professionnalisation, lié à la création d’un nouveau corps, celui de professeur des écoles123, de l’élévation du niveau de leur recrutement et de l’universitarisation de leur formation, plaçant ainsi l’acte pédagogique au cœur de leur formation professionnelle. Le développement de cette professionnalité étant pour partie liée au principe d’une formation par alternance prenant en compte

121 La LOLF a été mise en place de façon expérimentale dans les académies de Rennes et de

Bordeaux en 2004, puis a été généralisée en 2005 à toutes les académies.

122 La création des IUFM est inscrite dans la Loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 : loi d’orientation sur

l’éducation (Article 17)

l’école d’accueil comme lieu de formation à part entière, obéissant aux règles de la pratique accompagnée ou de la prise en charge complète d’une classe.

La formation initiale relève aujourd’hui encore de la compétence des IUFM, qui sont progressivement intégrés aux universités depuis la loi d’orientation de 2005. En ce qui concerne les futurs professeurs des écoles, les recrutements s’effectuent toujours par voie de concours à l’issue de la licence signant l’entrée dans l’année de professionnalisation.

Au titre de la mise en œuvre de la Loi et du cahier des charges des IUFM124, la circulaire du 23 février 2007125 dessine les contours d’une formation initiale qui privilégie davantage le principe de l’alternance terrain/IUFM au cours de l’année de professionnalisation. Cette mise en œuvre se fera au détriment du temps consacré à une partie des enseignements théoriques au cours de cette année. En compensation, l’institution prévoit dans son texte un système de rééquilibrage : la formation initiale différée. Le principe est de prolonger la formation initiale à l’année N+1 et N+2 en proposant aux néo-titulaires une formation de 4 semaines la première année et de 2 semaines au cours de la deuxième année de titularisation.

A l’aube de la mise en œuvre de ce texte plusieurs questions se posent : La formation initiale différée est-elle imputable aux académies et aux départements du point de vue budgétaire ou est-elle financée par les IUFM et les universités ? S’agissant de personnels titularisés dans une inspection académique, ils relèvent en droit de la formation continue et non de la formation initiale. Dans ce cas en quoi celle-ci deviendrait-elle obligatoire sous le seul prétexte qu’elle prolonge la formation initiale ? Le texte précise bien qu’il s’agit d’un droit et non d’une obligation : « Ils disposent désormais d’un véritable droit de formation initiale différée, de quatre semaines au cours de la première année d’exercice et de deux semaines au cours de l’année suivante, organisée sous la responsabilité du recteur de l’académie ». En outre, l’offre de formation doit être effective, car, puisqu’il s’agit d’un droit, il est donc opposable, ce qui n’est pas sans laisser en suspens un ensemble de questions budgétaires délicates à résoudre, notamment du point de vue de

124

Arrêté. du 19-12-2006 JO du 28-12-2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut de formation des maîtres

125

Circulaire n° 2007-045 du 23-02-2007 : Mise en œuvre du cahier des charges de la formation des maîtres

la survie de l’offre de formation continue dans les autres domaines que ceux concernant les néo-titulaires.

b - La formation continue, une influence minime sur la carrière

La formation continue contribue à l’amélioration des compétences professionnelles. Si elle peut favoriser la mobilité dans la carrière des enseignants du premier degré dans certains domaines (formations certifiantes telles les formations longues dans le domaine de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés), elle n’est pas conçue dans e but d’organiser la mobilité des personnels.

Si le désir de mobilité est important chez les enseignants du second degré, elle est en revanche plus faible dans les faits chez les enseignants du premier degré. La carrière des instituteurs et des professeurs des écoles se déroule le plus souvent dans un faible nombre d’établissements du premier degré. La note de la DEPP sur la formation des enseignants126 rappelle qu’un tiers des professeurs des écoles envisagent de cesser d’enseigner de façon temporaire ou de façon définitive, à échéance moyenne de neuf années, pour une série de raisons. Certaines sont liées à l’image altérée du métier, d’autre relèvent plutôt d’une absence de perspective d’évolution de carrière. Le désir de mobilité, complète ou partielle est donc important. Notons que parmi les professeurs des écoles souhaitant une mobilité partielle avec un temps partagé, 20% souhaiteraient changer de public et s’orienter vers des fonctions de formateur en IUFM ou vers celles de conseiller pédagogique (16%). Il y a dans ce désir d’une autre fonction, le désir d’un changement de public et aussi de lieu.

La fonction de maître formateur ne recueille qu’un suffrage assez faible (9%) de « candidats » à la mobilité. L’image de l’IMF127 est celle du « super instit ». Bien que participant à la formation initiale et s’adressant à un public d’adultes en formation, la position d’IMF ne constitue pas vraiment le résultat d’une mobilité au sein de l’éducation nationale puisqu’il est encore chargé de classe. Cette fonction et celle de conseiller pédagogique sont soumises à une certification complémentaire (CAFIPEMF). Rappelons

126 « Les enseignants des lycées et collèges publics et la formation » – DEP (Direction de

l’évaluation et de la prospective et de la performance) note 06-26 – septembre 2006

qu’une autre certification, le CAAPSAIS128, devenu CAPA-SH en 2004129, permet d’emprunter la voie de la difficulté scolaire et du handicap et d’occuper des fonctions d’enseignant spécialisé intervenant dans des classes accueillant des élèves porteurs de handicap, ou intervenant en réseau d’écoles, ou encore occupant des positions de relais institutionnel.

Une pluriactivité existe chez la plupart des professeurs du primaire et du secondaire. Ils donnent des cours dans les familles ou à l’université ou dans des officines de formation, font de la recherche, participent à la rédaction d’ouvrages scolaires, militent dans des groupes politiques, activités caractérisant une forme de désir de reconversion. Mais d’une façon générale, leur formation continue ne contribue que très peu à leur mobilité et leur gestion de carrière ne prend pas en compte leur participation à celle-ci. « …ainsi, l’effort de suivre une formation n’est en général pour le maître, pris en compte ni pour la rémunération, ni pour les promotions, ni pour la mobilité fonctionnelle ; les promotions, par exemple par inscription sur les listes d’aptitude, ne sont pas obtenues en fonction de l’effort personnel des formations » (page 29)130.

Le rapport CUBY131 de 2003 sur la politique de formation des agents de l’Etat et des hôpitaux, qui indique que la formation continue des agents de la fonction publique n’est plus conçue, ni mise en œuvre aujourd’hui comme des les années 70, précise aussi que la réflexion autour de la formation et de la relation au travail a évolué depuis le début des années 90. En effet, la prise en compte des acquis, le recours aux technologies, le développement d’une culture d’évaluation, l’articulation de la formation à l’acte de production, aux besoins de l’organisation tout comme les évolutions des modalités et des techniques de formation contribuent à cette évolution. Ce rapport pointe l’existence d’une articulation entre le marquage des politiques publiques dans les dispositifs de formation mis en œuvre, son cadrage légal ou encore l’augmentation des moyens qui lui sont

128 CAAPSAIS : certificat d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d’adaptation et

d’intégration scolaires

129

CAPA-SH : Certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap - Circulaire n° 2004-026 du 10-2-2004

130 « La formation initiale et continue des maîtres » Rapport de l’inspection générale de l’Éducation

nationale – n° 03-013 - février 2003

131

La politique de formation des agents de l’état et des hôpitaux : rapport de l’instance

d’évaluation – Paris, La documentation française ; 2003, 258 pages.

attribués132. En revanche, il souligne la faible articulation entre formation et carrière et invite à repenser le critère de la finalité de la formation au cœur du processus de décision en matière de formation. La mise en place dans le secteur privé d’une typologie des actions figurant dans les plans de formation, distinguant les actions de formation pour l’adaptation au poste de travail, les actions liées à l’évolution prévisible des emplois et les actions de développement des compétences en vue d’un changement de fonction, par la Loi du 4 mi 2004, s’accompagne également d’un droit individuel à la formation133 (DIF). Ce droit s’exprime au travers d’un crédit d’heures sur lequel sont imputables des formations qui ne dépendent pas de l’obligation ou de la responsabilité directe de l’employeur. Ce droit ouvre un nouvel espace pour la formation des agents et la traduction pour la formation des enseignants se met progressivement en application dans l’éducation nationale. Ce principe pourrait accentuer la dimension individuelle du parcours que l’acteur se crée, d’autant plus que celui-ci pourrait se dérouler en dehors du temps scolaire et contre indemnisation. Parallèlement à ces évolutions, encore « en gestation » dans l’éducation nationale, la formation des enseignants s’illustre par un changement progressif d’approche, intégrant la « logique de compétence » notion déjà développée dans les organisations du travail à partir du milieu des années 80 induisant