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B) Accouplement au hasard des gamètes d'origine

10.11 Formalisation de nouveaux problèmes de conception avec contraintes

Tous les cas traités jusqu'ici, et possibles dans une première version de BIANCA, ne concernent que des problèmes de conception des propriétés de rigidité des stratifiés; en particulier, nous avons abordé des problèmes étroitement liés aux symétries élastiques. Le panorama est bien sûr plus vaste: non seulement on peut envisager des problèmes d'optimisation de la rigidité de nature différente, mais plus en général d'autres propriétés, comme par exemple la résistance à la rupture ou le coût, peuvent être prises en considération par les concepteurs des stratifiés. C'est pourquoi nous avons commencé à considérer d'autres problèmes à traiter avec le code BIANCA. Il faut toutefois souligner un aspect pas trop évident: les approches à l'optimisation des stratifiés sont les plus variés, comme le § 9.2 l'a montré, même si de façon incomplète. Notre approche est originale, non seulement pour la méthode suivie, mais aussi pour les objectifs formulés.

Or, notre but n'était pas de formuler une série de problèmes à caractère plutôt académique, mais bien au contraire de s'attaquer de façon organique et générale au domaine de la conception des stratifiés: mettre en place une approche et un algorithme capables de prendre en compte le plus grand nombre possible de problèmes de conception intéressants pour les ingénieurs. Dans cette optique, il ne fallait pas se borner à des cas simples et ordinaires, et surtout il fallait mettre en priorité les requis les plus importants et qui sont souvent sous-entendus dans beaucoup de travaux. Par exemple, dans une approche générale le découplage ou l'orthotropie ne peuvent pas être considérés comme des faits acquis, comme la plupart des approches le font: c'est le cas de tous les travaux où l'empilement est a priori symétrique, ou encore où la séquence est équilibrée et de type angle-ply ou 0°/r45°/90°. C'est évident que dans ces circonstances le concepteur n'a pas à se soucier du découplage, car il est automatiquement acquis, et de même pour l'orthotropie etc. Nous avons eu aussi l'occasion de signaler que certains auteurs arrivent à forcer les choses et considèrent parfois que l'orthotropie de flexion sera automatiquement acquise, alors que cela est manifestement faux.

Dans la perspective de s'attaquer de manière générale et d'une façon rigoureuse aux problèmes de conception des stratifiés, ce genre d'acquis ne peuvent pas être pris comme base de la conception, et les propriétés de symétrie comme le découplage, l'orthotropie et d'autres encore doivent entrer à faire partie intégrante du processus de conception. Cette perspective évidemment complique sensiblement la situation, et des choix s'imposent: c'est pourquoi nous avons décidé de considérer que la conception des propriétés élastiques générales, le découplage est le cas le plus emblématique, est prioritaire par rapport à d'autres objectifs de conception. Le mot prioritaire signifie qu'il est un objectif obligatoire, parmi d'autres qui peuvent s'ajouter: en effet, les propriétés élastiques liées aux symétries ne sont pas un facteur à minimiser à proprement parler: elles appartiennent au stratifié ou elles ne lui appartiennent pas. Par exemple, si on cherche à maximiser la résistance d'un stratifié qui doit être découplé, le découplage est une propriété que la plaque doit avoir, en quelque sorte est une qualité "non négociable".

Notre optique a été alors celle d'établir de façon unitaire le nombre le plus grand possible de problèmes à caractère général, ce qui a été montré au chapitre 9, et ensuite d'ajouter des problèmes particuliers et intéressants, concernant différents aspects de la conception des plaques stratifiées. Il n'existe pas une façon unique de faire cela, et naturellement la notre n'est qu'une voie parmi d'autres. Les ouvrages généraux sur l'optimisation structurelle mettent en fait l'accent sur la formulation des problèmes, point essentiel en optimisation. En particulier, par exemple, pour ce qui concerne l'ajout d'autres propriétés à optimiser, deux voies étaient pour nous envisageables: aborder des problèmes multi-objectif ou formuler les nouvelles propriétés comme des liens à poser sur le processus d'optimisation. Si les deux approches ne

sont pas parfaitement identiques, au sens qu'elles donnent lieu en réalité à des problèmes semblables mais différents, chacune d'elles a souvent un intérêt pour les applications.

Dans la toute dernière version de BIANCA nous avons alors ajouté un autre problème, celui de la conception des stratifiés par rapport à leur rigidité. Nous avons ainsi formulé le

Prob. 30: trouver un stratifié à n plis ayant des symétries élastiques données et avec les liens suivants sur le module d'Young:

. ~ ~ , ~ ~ , , e E E E e E E E min max min max t t t t (10.16)

Le matériau, identique ou même différent pour chaque pli, appartient à un ensemble donné. Parmi les liens (10.16), le concepteur a la possibilité d'en choisir seulement une partie; les limites inférieures E et e sont à spécifier par l'opérateur. Ce problème est bien évidemment différent d'un problème de maximisation de la rigidité pour un stratifié à nombre de plis donnés, mais il est intéressant pour l'ingénieur parce qu'il s'agit d'un cas de conception pour des requis minimaux, ce qui se présente souvent dans la pratique.

Ce nouveau cas se caractérise pour être un problème d'optimisation avec contraintes, les (10.16); il faut remarquer que la fonction objectif ne change pas, elle concerne toujours seulement les propriétés élastiques générales, voire, c'est toujours la (9.1). Nous avons choisi d'aborder ce problème car il a un intérêt pratique et parce qu'il nous permet d'aborder les problèmes d'optimisation sous contrainte tout en évitant pour le moment le cas des objectifs multiples, pas facilement traitable lorsqu'on considère que certains objectifs sont "non-négociables", au sens expliqué ci-dessus. Cependant, il faut maintenant introduire et traiter les liens (10.16).

D'un point de vue général, les algorithmes génétiques sont par leur nature des méthodes d'optimisation sans contrainte, comme déjà dit dans le § 10.7. Toutefois, plusieurs méthodes ont été proposées pour la prise en compte des liens. Certaines de ces méthodes sont générales et communes à d'autres approches aussi, notamment la méthode des fonctions de pénalité, Arora, 1989, alors que d'autres sont propres aux algorithmes génétiques, voir à ce propos Michalewicz et alii, 2001, Kurpati et alii, 2001, ou encore l'excellente synthèse faite par Coello-Coello, 2002.

Dans BIANCA nous avons testé une façon originale d'introduire les liens, que nous avons appelée "évolutive": en effet, la méthode consiste à introduire les liens progressivement, de façon à simuler ce qui se passe en nature, où la pression de l'environnement se produit par des modifications continues et étalées sur une certaine période. De façon semblable, notre approche consiste à diviser les bornes dans les (10.16) en nc parties croissantes, par exemple

c

n

E E

E01 02  0 , et le processus d'optimisation en nc+1 phases. La phase 0, facultative, est une optimisation sans liens, visant à trouver une population d'individus déjà bien adaptés par rapport à la fonction objectif. L'introduction des liens a alors le but de sélectionner, parmi les individus déjà bien adaptés, ceux qui en plus respectent les liens. Cette introduction se fait de façon progressive, de sorte à ce que la sélection ne soit pas brutale. L'idée est celle que sur une population déjà bien adaptée par rapport aux requis imposés par la fonction objectif soit plus probable de trouver des individus qui répondent aux critères dictés par les liens.

L'opérateur doit spécifier le moment où l'algorithme doit changer de phase, et cela peut se faire essentiellement de deux façons: soit en imposant le nombre de générations à faire dans chaque phase, soit en contrôlant qu'une fraction minimale de la population réponde aux liens imposés. Dans les deux cas, la sélection s'opère par la méthode de la death penalty: les individus qui ne respectent pas les liens sont éliminés de la population et remplacés par des individus, choisis de façon aléatoire parmi ceux qui respectent les liens.

A titre d'exemple, on montre les cas d'un stratifié à 12 plis découplé et orthotrope en membrane, composé de plis identiques, avec imposition d'une limite inférieure sur la valeur maximale et minimale de E: (10.17) GPa. 40 GPa; 100 t t min max E E

Le matériau de base est toujours le T300/5208 du paragraphe précédent, et donc les limites imposées correspondent à 0.55 E1 pour Emax et à 3.88 E2 pour Emin. Les liens sont introduits de façon progressive et uniforme en cinq étapes successives. Nous avons fixé comme critère d'arrêt le nombre maximum de générations, 50, et nous avons échelonné l'introduction des liens toutes les 10 générations. Dans ce cas, nous n'avons pas fait la phase 0, et nous avons directement introduit la première étape d'imposition des liens. La taille de la population était de 400 individus. En outre, nous avons imposé que les orientations appartiennent à l'intervalle ]––90°, 90°] avec une discrétisation pangle= 15°. La valeur de la fonction objectif pour la meilleure solution est de 1.3 u 10––3, avec Emin= 44.74 GPa et Emax= 156.10 GPa; les valeurs les plus faibles sur la population finale sont Emin= 40.038 GPa et Emax= 100.055 GPa. La séquence de solution est la suivante:

[0°/30°/––15°/15°/90°/––75°/0°/45°/––75°/0°/––15°/15°]; (10.18) le graphique polaire du module d'Young est montré en Fig. 10.19. Le temps de calcul a été de 4 minutes environ.

Fig. 10.19. Graphique du module d'Young pour le stratifié (10.18) (GPa).

-80 0 80 -160 -80 0 80 160 E(T) flexion E(T) membrane

Finalement, on montre en Fig. 10.20 la variation, au fil des générations, des modules d'Young minimum et maximum, aussi bien comme valeurs minimales que moyennes à chaque génération. On remarque l'effet à escalier dû à l'introduction progressive des liens, ainsi que le respect du lien sur le module Emax se fait aux dépens de la valeur moyenne de

- 160 - - 160 - 0.00E+00 2.00E+04 4.00E+04 6.00E+04 8.00E+04 1.00E+05 1.20E+05 1.40E+05 1.60E+05 1.80E+05 2.00E+05 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 N° des générations

Fig. 10.20. Variation des valeurs minimale et moyennes de Emax et Emin (GPa).

Emax minimal

Emax moyen

Emin minimal

Emin moyen