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7) « Donner c’est donner, mais reprendre c’est voler » Seulement si on arrive à vous attraper Surveillez vos affaires Et surtout celles de vos voisins.

FORFAIT « DOUCE ROMANCE »

Je me suis réveillé dans la salle de bains, aveuglé par mon propre visage maculé de sang. Mes paumes ont tâtonné, glissé sur le sol mouillé alors que j’essayais de me relever. Le carrelage semblait taché sur toute sa longueur, il y avait des éclaboussures séchées sur le lavabo, le bol de toilette, les armoires. Je n’avais aucune idée de ce qu’avait utilisé Wendy pour m’assommer. Une des deux lampes de chevet, peut-être. Ou la bouteille de champagne. C’était étonnant qu’elle ait réussi à me traîner jusque-là, alors qu’un jour plus tôt, elle n’était même pas capable de porter ses propres valises.

J’ai hurlé son nom, lui ai ordonné de me laisser sortir, lui ai dit que j’allais défoncer la porte si elle ne l’ouvrait pas immédiatement. Elle m’avait séquestré comme si j’avais la rage, avait placé des meubles lourds contre la porte pour être sûre que je ne puisse pas me libérer. Elle était sûrement encore dans la chambre. Elle n’aurait pas osé me laisser seul ici.

Et si, un peu plus tôt, sa voix ne s’était pas rendue jusqu’à moi, si elle s’était perdue dans le froid, si elle s’était éteinte dans l’hiver, la mienne aurait tôt fait de la rattraper. Elle l’entendrait, où qu’elle se trouve. Oh oui, elle l’entendrait.

J’ai essayé d’être patient, Wendy, j’ai fait beaucoup d’efforts pour ne pas crier, pour ne pas assombrir notre ciel, pour ne pas resserrer ces étaux autour de ton cou, mais il faut cesser de lutter maintenant, il faut te laisser faire, il est temps de me souhaiter la bienvenue, j’ai attendu mon tour, tu le sais, j’ai retenu mon souffle assez longtemps, Wendy, mon amour, ça ne fera pas mal, promis, tu ne sentiras presque rien, je t’ouvrirai comme une huître, je goberai toutes tes perles, je ferais disparaître ta coquille en moins de deux, une bouchée tout au plus, ce sera mon dernier combat, ma première réussite, la plus grande bénédiction qui soit, si tu savais comme je me fonds bien dans le noir maintenant, comment chaque écho, chaque vibration me rentre sous la peau, c’est l’heure ma chérie, il est temps de descendre de ta tour, de mettre fin à cette cruauté que tu propages autour de toi comme une maladie, tu

m’entends, c’est le moment de me rejoindre sur la terre ferme, tu n’es plus seule avec tes visions Wendy, moi aussi je souris devant la beauté du monde, et ce sang qui lave mon visage, qui me déguise, qui coule sur mon front comme une eau bénite, j’espère de tout cœur que ce n’est pas seulement le mien, j’espère qu’un peu de ta vie a giclé sur moi au passage, qu’elle coule et coule sur mes joues jusqu’à se réfugier dans les commissures de mes lèvres, que je puisse te goûter pour toujours, me gaver de toi jusqu’à plus faim, te vampiriser comme ces chauves-souris que tu crains tant, mais tu sais Wendy, les ombres sont parties, toutes les bêtes se sont éloignées, il n’y a plus rien à craindre, je les tiens à distance, il ne reste plus que moi ici, plus que moi qui t’appelle, qui ne se lasserai jamais de crier ton nom dans la nuit et bientôt, très bientôt, je soufflerai sur la porte, oui, dans quelques secondes à peine, je soufflerai, une grosse poussée et puis ça disparaîtra, je prendrai une grande inspiration et tout volera en morceaux, la chambre, les murs, le plafond, l’hôtel au grand complet, tu n’auras jamais vu une bourrasque pareille, mon souffle sera plus fort que tous les vents de ta forêt et même si tu n’as pas voulu me dire ce qui s’y cachait, ce qu’elle recelait de si grand et de si secret, moi je sais que ce n’était rien d’important, je sais qu’il n’y avait rien dans cette forêt qui puisse surpasser l’amour que je te porte, non, rien qui puisse égaler mes ardeurs, rien qui puisse enterrer ma voix six pieds sous terre, car le vent a tourné Wendy, tu ne le sais peut-être pas encore, mais le vent a tourné, il ne porte désormais que ce que je lui intime de porter et tu verras comment je ferai danser les arbres autour de toi, comment leurs milliers de branches viendront caresser ta nuque, relever tes jupes, comment elles veilleront à ton confort, te berceront, te borderont, t’envelopperont comme tant de petits bras morts, je ne suis pas inquiet, elles sauront quoi faire, elles prépareront ton linceul de glace, déposeront une couverture de neige sur ton visage déjà blanc et alors tu seras une princesse, une vraie, ma Belle au bois dormant, celle que j’ai attendu si longtemps, ma promise, mon dû, mon vice entre tous les vices, tu seras là, à mes côtés, puis j’allumerai toutes les bougies, toutes les chandelles, tous les cierges de la nuit et je les soufflerai en ton honneur, Wendy. Ce sera une fête. La plus belle de toutes les fêtes.

BLANCHE ALEAS