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CHAPITRE 7   DISCUSSION GÉNÉRALE 90

7.1   Forces et faiblesses du cadre d’analyse conceptuel 90

Le cadre d’analyse conceptuel établi permet de comptabiliser les impacts de l’utilisation des terres sur la voie d’impact la moins exploitée jusqu’alors en ACV, celle de la qualité écologique des sols. Il est à noter que ce cadre a été établi en suivant les recommandations récentes effectuées par le groupe de travail sur l’utilisation des ressources de l’UNEP/SETAC LCI (Milà i Canals et al., 2007a). La revue de la littérature a permis de mettre en avant l’importance des fonctions écologiques fournies par un sol et leur participation aux processus encore plus globaux, incluant les biens et services fournis par les écosystèmes et dont dépend le bien-être humain (MEA, 2005). Cet aspect a souvent été négligé au niveau des méthodes d’évaluation des impacts proposées, qui d’ailleurs se sont principalement concentrées sur une fonction spécifique, celle de la productivité du sol (sa fertilité) (Lindeijer, 2000a; Weidema et Lindeijer, 2001). De plus, ce cadre propose d’aller au-delà des fonctions écologiques et de considérer des liens de causalité possibles vers une série de services écosystémiques et la santé humaine (bien-être).

Tel que souligné par Zhang et al (2010), les méthodes d’analyse environnementale employées pour promouvoir le développement durable, telles que l’ACV, considèrent rarement le rôle des ressources et les répercussions possibles sur la détérioration de leurs services. Pourtant, leur rôle essentiel dans le maintien de toutes les activités humaines et le bien-être de l’Homme est largement justifié dans la littérature depuis plusieurs années (de Groot, 1992; Daily et al., 1997a; MEA, 2005). Il devient donc essentiel de les intégrer afin d’évaluer adéquatement leur importance sur le plan environnemental.

Une contribution de ce cadre est d’intégrer les nombreuses méthodes conceptuelles recensées parmi celles qui existent en ACV. Ainsi, les modèles de caractérisation traditionnellement proposés pour évaluer les impacts sur la biodiversité (Koellner et Scholz, 2008), le potentiel de production biotique (Lindeijer, 2000a; Milà i Canals et al., 2007b) ou encore le potentiel de séquestration du carbone dans le sol, récemment publié (Müller-Wenk et Brandão, 2010), peuvent être considérées.

Le deuxième et troisième objectifs de ces travaux de recherche ont permis de cibler trois fonctions écologiques du sol (la capacité de régulation des flux hydriques, la capacité de filtration

chimique et mécanique, la capacité de fournir un support physique et une stabilité du sol) n’ayant pas encore été pleinement évaluées. De cette manière, l’aspect multifonctionnel du sol est évalué dans son ensemble.

Compte tenu du fait qu’un écosystème terrestre renferme plusieurs fonctionnalités, une évaluation des impacts environnementaux basée sur un seul indicateur peut être jugée insuffisante (Vrscaj et al., 2008). De plus, chaque type d’utilisation des terres n’affecte pas nécessairement ces fonctions de la même manière. C’est la raison pour laquelle l’adoption d’une approche dite fonctionnelle est de rigueur dans un tel contexte. Ainsi, l’ensemble des fonctions écologiques participant aux services écosystémiques peuvent être évalués simultanément et ce, sans favoriser une capacité fonctionnelle par rapport à une autre. D’ailleurs, à ce stade, un indicateur unique tel que le SOM (Milà i Canals et al., 2007b) ou le fNPP (Lindeijer, 2000a) permettant d’évaluer l’ensemble de la qualité du sol devient clairement insuffisant.

Par ailleurs, certaines relations semblent être difficiles à modéliser et plus particulièrement, en ce qui concerne les services écosystémiques et le bien-être humain. Si ce lien de causalité est déjà bien établi et manifeste, sa modélisation demeure toutefois incertaine à l’état des connaissances scientifiques actuelles. Les informations et les observations sont limitées pour pouvoir évaluer de manière efficace les conséquences des changements au niveau des services (Butler et al., 2005; MEA, 2005).

Les limites d’une telle approche sont essentiellement au niveau de la présence de plusieurs indicateurs pour évaluer les impacts associés à une même catégorie, celle de l’utilisation des terres. Ceci n’est généralement pas préconisé en ACV et le besoin d’agrégation ou de pondération devient rapidement indispensable le long de la chaîne de cause à effet (Cowell, 1998).

Une première approche pouvant être envisagée suggère de convertir les résultats des indicateurs d’impacts (FCs) en terme de pourcentage afin d’obtenir la réduction (ou amélioration) relative par rapport à la situation de référence (Éq. 7.1).

∆ % é é

é é (7.1)

Cette approche simple s’avère intéressante dans la mesure où une perte relative de la qualité écologique du sol est évaluée et toutes les fonctions écologiques peuvent être rapidement agrégées. Toutefois, il y a risque de perte d’informations dans le cas où des tendances

importantes, à savoir si des capacités fonctionnelles sont améliorées ou plutôt dégradées, sont néanmoins masquées.

Une deuxième approche suggère de procéder par une méthode d’évaluation économique des services écosystémiques (Turner et al., 2000; Eftec, 2006; DEFRA, 2007). Cette technique permet d’estimer la valeur d’un capital naturel, d’un bien ou d’un service en termes de coûts. Il existe différentes méthodes d’évaluation selon le type de services en question (support, provision, régulation et culturel). Selon de Groot et al. (2002), les services de régulation peuvent généralement être évalués sur la base des coûts de remplacement par un système technologique artificiellement conçu (scénario de compensation). Cette approche permet ainsi de pondérer la réduction des services écosystémiques en fonction des capacités d’accès des régions géographiques et où l’impact le plus élevé est désigné par une valeur économique élevée. Malgré les critiques d’ordre éthique et parfois technique soulevées par rapport à cette approche (Chee, 2004), elle s’avère être un outil intéressant pour communiquer les résultats et orienter les décideurs.

Une approche basée sur le concept de la biodiversité fonctionnelle peut également être envisagée afin de répondre au cadre d’analyse développé. Celle-ci suggère d’identifier un groupe d’espèces ou de microorganismes qui participent à la performance d’un service écosystémiques spécifique (Moonen et Bàrberi, 2008).

Ces approches méritent d’être évaluées pour différents contextes géographiques afin de vérifier l’utilité du choix des services écosystémiques et la possibilité de leur intégration en ACV.