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Force d’orbites de groupes finis

Le but principal de cette section est de démontrer que les orbites de groupes finis opérant par automorphismes sur un espace polynomial compact connexe bien séparé ne fournissent pas des formules de cubature de force arbitrairement élevée, sauf si l’espace polynomial est un tore. La démonstration de ce résultat est tout à fait similaire à celui de la section précédente.

Dans le cas particulier de la sphère, les résultats de cette section sont dus pour l’essentiel à Eiichi Bannai [Bann84], [Bann84b], voir aussi [HarPac04].

3.3.1 Lemme Soit Ω, µ, (Fλ)λ∈Λ un espace polynomial, Γ 6 Aut(Ω) un sous-

groupe fini et X ⊆ Ω une orbite de Γ. Soit (X0, W )une formule de cubature de force τ

de Ω telle que X0⊆ X. Alors X est un design de force τ.

Démonstration Pour (X0, W )une formule de cubature, γ ∈ Γ et f ∈ F τ, on a X x∈X0 Wxf (γx) = Z u∈Ω f (γu) du = Z u∈Ω f (u) du.

En prenant la moyenne sur tous les γ ∈ Γ, on obtient, pour le membre de gauche, X x∈X0 Wx 1 |Γ| X γ∈Γ f (γx) = X x∈X0 Wx 1 |X| X y∈X f (y) = 1 |X| X y∈X f (y), d’où le résultat. 

3.3.2 Proposition Soient Ω, µ, (Fλ)λ∈Λ un espace polynomial, Γ un sous-groupe

fini de Aut(Ω), et x ∈ Ω. Alors Γx est un design de force τ si et seulement si f(x) = 0 pour tout f ∈ F0

τ

.

En particulier, toutes les orbites de Γ sont des designs de force τ si et seulement si F0

τ

={0}.

Démonstration C’est un conséquence directe du lemme 1.2.6.  Un cas intéressant est celui de l’espace projectif complexe CPm:

Corollaire Soit Polτ Cm+1={f : Cm+1→ C | f polynomial homogène de degré τ},

et soit Γ 6 U(m + 1). Alors toutes les orbites de Γ sur CPm sont des 2τ-designs si et

seulement si Polτ Cm+1 est irréductible pour l’action de Γ. 

Démonstration Selon la proposition, toutes les orbites de Ω sont des 2τ-designs si et seulement si FΓ

2τ = R, c’est-à-dire dim F2τΓ = 1. Selon le paragraphe 2.3.5, F2τ '

L Polτ(Cm) en tant que Γ-module, et, selon le lemme de Schur (proposition 5.2.2),

dimL Polτ(Cm) Γ

= 1si et seulement si Polτ(Cm)est irréductible pour l’action de Γ. 

3.3.3 Corollaire Soit Ω, µ, (Fλ)λ∈Λ un espace polynomial réel compact connexe,

et soit Γ un sous-groupe fini de Aut(Ω). Si dim F0 τ

6 1, alors il existe x ∈ Ω tel que Γxest un design de force τ.

Démonstration Soit f un générateur de F0 τ

. Par la proposition 3.3.2, il suffit de montrer qu’il existe x ∈ Ω tel que f(x) = 0.

Or, comme Ω est un espace polynomial réel compact connexe, f(Ω) est un intervalle compact de R. Par conséquent, puisque

min

u∈Ωf (u)6

Z

f (u) dµ(u) = 06 max

u∈Ωf (u),

3.3.4 Proposition Soit Ω, µ, (Fλ)λ∈Λ un espace polynomial connexe, Γ un sous-

groupe fini de Aut(Ω) et ∆ un sous-groupe de Γ. S’il existe une orbite X de Γ qui soit un design de force [Γ : ∆](τ + τ), alors toutes les orbites de ∆ sont des designs de force τ. Démonstration Soit k = [Γ : ∆]. Soit X une orbite de Γ de force [Γ : ∆](τ + τ). Par la proposition 1.2.5, l’application

rX:Fkτ → KX

ϕ7→ ϕ|X

(où K = R ou C) est une isométrie, donc est injective. L’application rX est ∆-équiva-

riante, de sorte qu’on a une injection

rX :Fkτ∆ → (KX)∆=K∆\X,

donc dim F∆

kτ 6 |∆\X| 6 k.

Supposons maintenant qu’il existe un f ∈ F∆

τ non constant. Par connexité de Ω et

continuité de f, la fonction f prend une infinité de valeurs sur Ω. Par conséquent, les fonctions

1, f, f2, . . . , fk ∈ Fkτ∆

sont linéairement indépendantes, donc dim F∆

kτ > k + 1. Cela montre qu’un tel f ne

peut pas exister et que les éléments de F∆

τ sont tous constants. Par la proposition 3.3.2,

toutes les orbites de ∆ sont des τ-designs. 

Corollaire Si une orbite de Γ est de force τ +τ, alors toutes ses orbites sont de force τ. 3.3.5 Théorème Soit Ω, µ, (Fλ)λ∈Λ un espace polynomial compact connexe bien

séparé. Alors on a l’alternative (a) Ω est un tore ;

(b) il existe un τ ∈ Λ tel qu’aucune orbite d’aucun sous-groupe fini Γ 6 Aut(Ω) n’est un design de force τ.

Démonstration Selon la proposition 1.3.2, Aut(Ω) s’identifie à un groupe de Lie compact. Soit Γ 6 Aut(Ω) un sous-groupe fini et X une orbite de Γ. Si les tores maximaux de Aut(Ω) sont transitifs sur Ω, alors Ω est un tore. Sinon, étant donné un tore maximal T de Aut(Ω), il existe un λ ∈ Λ tel que FT

λ ne soit pas réduit aux constantes. Comme

tous les tores maximaux sont conjugués entre eux, ce λ ne dépend pas du tore.

Par le théorème 5.4.5, il existe une constante K dépendant uniquement de Aut(Ω) et un tore T de Aut(Ω) tel que Γ ∩ T soit d’indice au plus K dans Γ, et on a

FλΓ∩T ⊇ FλT,

donc FΓ∩T

λ n’est pas réduit aux constantes, ce qui signifie, d’après le lemme 3.3.2, que les

orbites de Γ ∩ T ne sont pas toutes des λ-designs. Alors, par la proposition 3.3.4, aucune orbite de Γ n’est de force [Γ : Γ ∩ T](λ + λ), donc a fortiori non plus de force K(λ + λ). On a ainsi le résultat avec τ = K(λ + λ). 

3.3.6 Remarque On peut aussi déduire le théorème 3.3.5 des théorèmes 3.1.2 et

3.2.3, en sachant que, d’après le lemme 3.3.1, une orbite X d’un groupe opérant par automorphismes est un design si et seulement si elle admet un poids W : X → R>0 tel

que (X, W ) soit une formule de cubature de poids τ. Réciproquement, le théorème 3.2.3 se déduit des théorèmes 3.1.2 et 3.3.5

3.3.7 Cas de la sphère Pour m > 2, désignons par τmla force maximale des orbites

des sous-groupes finis de Aut(Sm) =

O(m+1). Il est conjecturé que τmest borné par une

constante ; en fait, la meilleure force à laquelle nous parvenons est 19 : elle est atteinte par une orbite du groupe de Coxeter W (H4)(voir paragraphe 3.5.1 ci-dessous).

D’autre part, il existe une famille infinie de groupes finis dont toutes les orbites sont des 7-designs sphériques, à savoir les groupes d’automorphismes des réseaux de Barnes-Wall [Bach05, Section 5] ; voyez aussi [Side99] ; mais nous ne connaissons que des exemples isolés de groupes — par exemple le groupe de Coxeter W (H4)et le groupe des

automorphismes du réseau de Leech — dont toutes les orbites sont des designs de forces supérieures ; de plus, pour ces groupes, la force maximale est toujours 11.

3.3.8 Cas des sous-groupes compacts On peut étendre le théorème 3.3.5 au sous-

groupes compacts. Pour cela, il faut étendre la notion de force aux orbites de groupes compacts ; cela se fait naturellement par la proposition 3.3.2.

Théorème Soit Ω, µ, (Fλ)λ∈Λ un espace polynomial compact connexe bien séparé.

Alors il existe un τ0 ∈ Λ tel que, pour tout sous-groupe compact Γ 6 Aut(Ω), on a

l’alternative suivante : (a) Γ\Ω est un tore ;

(b) pour tout x ∈ Ω, il existe un f ∈ (F0

τ)Γ tel que f(x) 6= 0 (cf. proposition 3.3.2).

La démonstration est similaire à celle du théorème 3.2.4.

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