2.2 M´ ethode par optimisation topologique
2.2.1 Fondements math´ ematiques
Avant d’´enoncer l’algorithme de g´en´eration de maillage lui-mˆeme, nous montrons qu’un maillage est la solution d’un probl`eme d’optimisation, ce qui justifie l’emploi d’une strat´egie d’optimisation pour le construire.
2.2.1.1 Topologie de maillage
Comme un maillage est un objet tr`es difficile `a construire directement (surtout quand d > 3), nous introduisons un objet moins exigeant dans la d´efinition suivante.
D´efinition 2.2 soit N un ensemble fini de nœuds de Ω, soit T un ensemble de d-simplexes dont les sommets appartiennent `a N et notons F l’ensemble des faces de ces simplexes. T est une topologie de maillage de Ω si et seulement si :
(i) chaque face de F partage un ou deux ´el´ements de T mais pas plus ; (ii) (N , ∂T ) est un maillage de la fronti`ere ∂Ω.
´
Evidemment, la topologie d’un maillage est une topologie de maillage (si on accepte que le maillage de la fronti`ere ne v´erifie pas la condition (iii) de la d´efinition 1.4). Le but de cette section est d’exhiber
2.2. M ´ETHODE PAR OPTIMISATION TOPOLOGIQUE 25 une condition suffisante pour qu’une topologie de maillage soit un maillage.
Remarques concernant cette d´efinition :
– la condition (i) est commune avec celle de la d´efinition d’un maillage ;
– `a nouveau, dans la condition (ii), la fronti`ere ∂T d’une topologie de maillage T d´esigne l’ensemble des faces n’appartenant qu’`a un ´el´ement.
Le seul op´erateur que nous utilisons pour g´en´erer des topologies de maillage est l’op´erateur d’´etoilement qui consiste `a connecter un nœud S `a un ensemble de faces F
T∗(S, F ) = {enveloppes convexes de {S} ∪ F o`u F ∈ F et S /∈ F } (2.2)
Proposition 2.2 soit un nœud S et un ensemble de faces F . Si F est une topologie de maillage sans bord (i.e. ∂F = ∅), alors T∗(S, F ) est une topologie de maillage et sa fronti`ere ∂ (T∗(S, F )) = F .
Autrement dit, l’op´erateur d’´etoilement construit effectivement une topologie de maillage d`es lors que l’ensemble des faces d´ecrit une surface qui renferme un volume. Notons que cette proposition utilise la notion de topologie de maillage pour un ensemble de (d-1)-simplexes. Dans ce cadre, la d´efinition est calqu´ee sur la d´efinition 2.2 (que nous avons volontairement ´evit´e d’alourdir).
D´emonstration : supposons par l’absurde qu’il existe F0 une face de T∗(S, F ) qui partage trois
´
el´ements : T , T0 et T00 enveloppes convexe de {S} union respectivement F , F0 et F00. Alors, nous avons F ∩ F0 = F0 ∩ F0 = F00∩ F0 = G. Dans ce cas, G partage trois ´el´ements distincts de F , ce qui est
impossible car F est une topologie de maillage.
Par ailleurs, par construction nous avons F ⊂ ∂T∗(S, F ). Pour l’inclusion inverse, consid´erons par l’absurde F une face de T∗(S, F ) telle que F /∈ F . F est une face de l’enveloppe convexe de {S} ∪ F0 o`u F0 ∈ F . Notons G = F ∩ F0, comme F est sans fronti`ere, ∃ F00 6= F0 ∈ F telle que G partage F0 et F00. Mais alors, F partage l’enveloppe convexe de {S} ∪ F0 et {S} ∪ F00, donc F /∈ ∂T∗(S, F ).
2
2.2.1.2 Th´eor`eme du volume minimal
Grˆace `a la condition (ii) de la d´efinition 2.2, on a toujours
|Ω| = 1 d Z [ F ∈∂T Fx.~n dx (2.3)
Par contre, les ´el´ements d’une topologie de maillage peuvent ˆetre d´eg´en´er´es, se recouvrir et d´eborder du domaine Ω. Bref, avec cette d´efinition, nous n’avons pas |Ω| = X
T ∈T
|T | mais seulement le r´esultat suivant.
Lemme 2.1 si T est une topologie de maillage de Ω, alors
Ω ⊂ [
T ∈T
T (2.4)
Autrement dit, grˆace `a la condition (ii) de la d´efinition 2.2, chaque point du domaine de calcul Ω se trouve dans un ´el´ement de T .
D´emonstration : consid´erons la suite de fronts (Γn)n∈Net la suite de topologie (Tn)n∈Nd´efinies par : Γ0 = ∂T T0 = ∅ (2.5) ∀ n ∈ N si Γn= ∅ alors Γn+1 = Γn Tn+1 = Tn (2.6) sinon Γn+1 = ΓnM ∂{Tn} Tn+1 = Tn∪ {Tn} (2.7)
o`u Tn est un ´el´ement de T \Tn dont une face appartient `a Γn. Dans cette d´emonstration, nous utilisons
beaucoup l’op´erateur diff´erence crois´ee d´efini par A M B = (A ∪ B)\(A ∩ B).
Formellement, il s’agit du front d’une m´ethode frontale qui parcourt progressivement la topologie de maillage depuis sa fronti`ere. L’objectif est de montrer que ce front balaye tous les points de Ω.
Comme T est un ensemble fini, ∃ N ∈ N tel que ΓN −16= ∅ et ∀ n > N Γn= ∅. Partant de ce constat,
prouvons dans un premier temps que
∀ 0 6 n < N Γn= ∂(T \Tn) (2.8)
ce qui permet de s’assurer que la suite de front ci-dessus est bien d´efinie. Pour n = 0, nous avons Γ0 = ∂T = ∂(T \T0) car T0 = ∅. Pour 0 6 n < N , supposons que Γn = ∂(T \Tn) et montrons que
Γn+1= ∂(T \Tn+1).
Commen¸cons par traiter l’inclusion Γn+1 ⊂ ∂(T \Tn+1). Prenons F ∈ Γn+1, il faut alors distinguer
deux cas :
– si F ∈ Γn, alors F /∈ ∂{Tn} (car Γn+1 = ΓnM ∂{Tn}) donc il existe un unique ´el´ement T de T \Tn,
diff´erent de Tn et tel que F ∈ ∂{T } ; ainsi,
F ∈ ∂(T \Tn\{Tn}) = ∂(T \Tn+1) (2.9)
– si F /∈ Γn, alors F ∈ ∂{Tn} et F /∈ ∂T donc la condition (i) de la d´efinition 2.2 permet de dire
qu’il existe un unique ´el´ement T de T , diff´erent de Tn et tel que F ∈ ∂{T } ; nous avons T /∈ Tn,
sinon F ∈ ∂(T \Tn) = Γn; ainsi
F ∈ ∂(T \Tn\{Tn}) = ∂(T \Tn+1) (2.10)
Il reste ensuite `a traiter l’inclusion inverse ∂(T \Tn+1) ⊂ Γn+1. Prenons F ∈ ∂(T \Tn+1), nous savons
qu’il existe un unique T ∈ T \Tn\{Tn} tel que F ∈ ∂{T }. Il faut, l`a-aussi, distinguer deux cas :
– si F ∈ ∂{Tn}, alors F /∈ ∂(T \Tn) car T ∈ T \Tn et Tn∈ T \Tn, donc
F ∈ ∂(T \Tn) M {Tn} = ΓnM {Tn} = Γn+1 (2.11)
– si F /∈ ∂{Tn}, alors T est unique dans T \Tn, donc F ∈ ∂(T \Tn), ainsi
F ∈ ∂(T \Tn) M {Tn} = ΓnM {Tn} = Γn+1 (2.12)
On obtient donc l’´egalit´e (2.8). Ainsi, la suite de fronts (Γn)n∈N est bien d´efinie (car si Γn6= ∅, alors
∂(T \Tn) 6= ∅, donc ∃ Tn∈ T/ n tel que Γn∩ ∂{Tn} 6= ∅).
Montrons d´esormais que
∀ 0 6 n < N ∂(Ω M T0M . . . M Tn−1) ⊂
[
F ∈Γn
2.2. M ´ETHODE PAR OPTIMISATION TOPOLOGIQUE 27 ce qui permet de majorer (au sens ensembliste) le reliquat Ω\(T0∪ . . . ∪ TN) par l’ensemble vide. Pour
n = 0, comme (N , ∂T ) est un maillage de ∂Ω, nous avons ∂Ω = [
F ∈∂T F = [ F ∈Γ0 F . Pour 0 6 n < N , supposons que ∂(Ω M T0 M . . . M Tn−1) ⊂ [ F ∈Γn F (2.14) et montrons que ∂(Ω M T0 M . . . M Tn) ⊂ [ F ∈Γn+1 F (2.15)
Montrons d’abord que ∂(Ω M T0 M . . . M Tn−1) M ∂Tn ⊂ [ F ∈Γn+1 F (2.16) Prenons un point x ∈∂(Ω M T0M . . . M Tn−1) M ∂Tn
et distinguons deux cas :
– si x ∈ ∂(Ω M T0 M . . . M Tn−1) et x /∈ ∂Tn, alors ∃ F ∈ Γn tel que x ∈ F et ∀ F0∈ ∂{Tn} nous avons
x /∈ F0, donc F ∈ Γ n+1;
– si x /∈ ∂(Ω M T0 M . . . M Tn−1) et x ∈ ∂Tn, alors ∃ F ∈ ∂{Tn} tel que x ∈ F et ∀ F0 ∈ Γn nous avons
x /∈ F , donc F ∈ Γn+1.
Ensuite, comme [
F ∈Γn+1
F est un ensemble ferm´e, l’inclusion (2.16) est valable pour l’adh´erence
∂(Ω M T0 M . . . M Tn−1) M ∂Tn⊂
[
F ∈Γn+1
F (2.17)
Il reste `a utiliser l’´egalit´e ∂(A M B) = ∂A M ∂B pour obtenir (2.15). Ainsi, par r´ecurrence nous avons la majoration
∂(Ω M T0 M . . . M TN) ⊂
[
F ∈ΓN
F = ∅ (2.18)
et, comme (Ω M T0M . . . M TN) est un ensemble born´e, il vient Ω M T0 M . . . M TN = ∅.
Finalement, comme (A\B) ⊂ (A M B), on montre que
(Ω\(T0∪ . . . ∪ TN)) ⊂ (Ω M T0 M . . . M TN) (2.19)
Ainsi, Ω\(T0∪ . . . ∪ TN) = ∅, ce qui termine la d´emonstration. 2
Grˆace `a ce lemme, nous ´evitons l’hypoth`ese d’orientabilit´e de la topologie de maillage qui ´etait em- ploy´ee dans [Coupez 2000] lors de la d´emonstration du th´eor`eme fondamental suivant.
Th´eor`eme 2.2 soit T une topologie de maillage sur N , un ensemble fini de nœuds de Ω. (N , T ) est un maillage de Ω si et seulement si les simplexes de T sont non d´eg´en´er´es et si
X
T ∈T
|T | = |Ω| (2.20)
Autrement dit, parmi les topologies de maillages, les maillages sont ceux qui v´erifient l’´egalit´e (2.20), autrement appel´ee crit`ere du volume minimal .
D´emonstration : il suffit de montrer que si X
T ∈T
|T | = |Ω| alors (N , T ) est un maillage de Ω. La condi- tion (i) est d´ej`a v´erifi´ee, il reste les conditions (ii) et (iii) de la d´efinition 1.4.
Premi`erement, supposons par l’absurde que [
T ∈T T 6= Ω. Comme Ω ⊂ [ T ∈T T il vient [ T ∈T T > |Ω|. Or
nous avons toujoursX
T ∈T |T | > [ T ∈T T
, ce qui soul`eve une contradiction. Ainsi, la condition (ii) est v´erifi´ee. Deuxi`emement, supposons par l’absurde que ∃ T1 6= T2 ∈ T tel que ˚T1 ∩ ˚T2 6= ∅. Alors nous avons
|T1| + |T2| > |T1∪ T2|. Nous obtenons X T ∈T |T | > [ T ∈T T
, ce qui soul`eve la mˆeme contradiction.
Troisi`emement, supposons par l’absurde que ∃ T1 6= T2 ∈ T tel que ∂T1∩ ∂T2 ne soit pas une k-face
de T1et T2 avec k ∈ {−1, 0, . . . , d-1}. Notons F1, face de T1et F2, face de T2telles que F1∩ F2 ne soit pas
une k-face de F1 et F2 avec k ∈ {−1, 0, . . . , d-2}. Si F1 ∈ ∂{T } alors il existe T/ 3 ∈ T \{T1, T2} dont F1
est une face. Comme T3 est non-d´eg´en´er´e, T3 recouvre T2, ce qui conduit `a la contradiction pr´ec´edente.
Donc nous avons F1 ∈ ∂T et, de la mˆeme mani`ere, nous avons F2 ∈ ∂T . Mais alors, comme F1∩ F2 n’est
pas une k-face de F1 et F2 avec k ∈ {−1, 0, . . . , d-2}, (N , ∂T ) ne peut pas ˆetre un maillage de ∂Ω. 2
2.2.1.3 Crit`ere de forme et relation d’ordre
Dans l’algorithme de la section suivante, parmi deux topologies de maillage distinctes mais de mˆeme volume, il est n´ecessaire de privil´egier celle dont les ´el´ements sont de meilleure qualit´e. Rappelons qu’une topologie de maillage est un ensemble de simplexes et que nous mesurons la qualit´e g´eom´etrique d’un simplexe T avec le crit`ere de forme classique
c(T ) = c0
|T |
h(T )d (2.21)
o`u h(T ) est la longueur d’arˆete moyenne.
Ce crit`ere de forme permet d’introduire une relation d’ordre entre les topologies de maillage.
D´efinition 2.3 soient T1= T1i 16i6I1 et T2 = T i 2
16i6I2 deux topologies de maillage dont les ´el´ements
sont class´es de telle fa¸con que
∀ 1 6 i1 < i26 Ij c(Tji1) 6 c(T i2
j ) (2.22)
(i.e. les topologies T1 et T2 sont class´ees par crit`ere de qualit´e croissant, afin de comparer d’abord les
plus mauvais ´el´ements). Nous consid´erons l’ordre lexicographique < d´efini par
T1 < T2 ⇔ ∃ 1 6 i0 6 min(I1, I2) tel que
∀ i < i0 c(T1i) = c(T2i)
et c(T1i0) < c(T2i0) (2.23)