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Dans l’histoire des lettres belges, un phénomène semble évident aujourd’hui qui sert d’élément embrayeur du discours identitaire dans le contexte de la problématisation d’une littérature nationale. Il s’agit du lien étroit et constitutif entre littérature et peinture, entre texte et image, bref des collaborations fréquentes entre écrivains et peintres. Le patrimoine de la littérature belge intègre la mémoire de ces liens qui se concrétise dans une passion commune pour les jeux de (con)fusion des genres. Cette pratique pluridisciplinaire favorisant la mixité des arts ainsi que la prédilection pour des moyens d’expression hybrides ne peut, certes, s’entamer en dehors d’une expérience collective. Peintres et écrivains collaborent et s’inspirent réciproquement, partageant très souvent un même subjectile1. Cette filiation dialogique se retrouve à la base de la révolte surréaliste bruxelloise. Les deux générations qui assument la longévité du mouvement en Belgique approfondissent cette prédilection pour les démarches poético-artistiques.

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Le terme de « subjectile » inspire par sa définition (surface servant de support à une peinture) Jacques Derrida dans sa lecture des dessins d’Antonin Artaud. Le subjectile est, pour Derrida, une contre-force qui parfois résiste au dessin, comme une sorte d’ennemi avec lequel il faut s’expliquer. Comme surface, c’est un ennemi superficiel, mais en tant que support, il conserve une certaine épaisseur qui s’impose. Puisque le support est là pour recevoir passivement les formes plastiques, le subjectile devient une sorte d’ennemi contre lequel Artaud s’emporte. Néanmoins, parce qu’il est la figure de l’Autre, Derrida ne tarde pas à mettre en lumière le fait qu’Artaud prend à son égard la double posture, agressive mais aussi réparatrice. Cf. Jacques Derrida, « Forcener le subjectile », préface à Paule Thévenin et Jacques Derrida, Dessins d’Antonin Artaud, Paris, Gallimard, 1986.

Paul Nougé et Christian Dotremont sont les représentants les plus marquants des deux générations surréalistes de Bruxelles et proposent à tour de rôle deux paradigmes de la communauté – et de la révolte – surréaliste. Les deux générations partagent un dessein commun, le renouvellement du langage artistique ; mais elles se séparent par leurs moyens développés visant ce même renouvellement. Si les premiers surréalistes bruxellois signent un programme contestataire qui se réclame exclusivement des principes de l’anti-art (ou de ce que Paul Nougé appelle l’art subversif), les jeunes qui leur succèdent à la fin des années 1940 adhèrent à un projet créateur qui promeut le dialogue entre les arts et entre les artistes comme source d’inspiration. La communauté subversive des fondateurs sera transfigurée, avec le concours de la génération 1940, dans un élan créateur qui cherche à dépasser l’anti-art. Dotremont hérite, néanmoins, du surréalisme bruxellois l’esprit frondeur, la volonté d’affirmation de soi et un programme artistique de permanente innovation.

I. La vocation de la marginalité

Le projet artistique de Christian Dotremont ne peut s’envisager en dehors de l’expérience de la communauté. C’est par le biais des expériences collectives qu’il s’initie à l’« écrivure2 » logogrammatique. Aussi nous est-il nécessaire de voir quelles sont les figures du surréalisme en Belgique qui fascineront le jeune

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Cf. Michel Butor et Michel Sicard dans Dotremont et ses écrivures. Entretiens sur les logogrammes, op. cit. Ce néologisme veut désigner la mixité de l’œuvre de Christian Dotremont qui ne cesse d’unir écriture et peinture, mot et graphie.

Dotremont. Or l’aventure collective subversive commence en Belgique avec la communauté des « complices » qui s’articule autour du groupe Correspondance.

La question qui survient inévitablement a en vue la rectitude de parler de l’aventure surréaliste avec la conscience du risque de sa canonisation et de la menace d’enfreindre le principe fondamental de l’avant-garde, celui justement de ne pas entrer dans les histoires, dans les archives. Deux attitudes balisent toute entreprise avant-gardiste : les gestes iconoclastes, le refus du passé, la destruction du système conceptuel et culturel traditionnel et parallèlement l’affirmation d’une nouvelle cosmogonie, autonome et inédite. La vision autoréflexive de la littérature n’a jamais été si forte, intéressée par la dynamique de sa propre genèse, par les dangers possibles de l’enlisement dans des formules et des conventions, dans la subtile chimie des mots qu’elle l’est dans les mouvements d’avant-garde. Exacerbation de la conscience de la convention, exaltation de la volonté novatrice. Cette conscience autoréflexive se traduit par une volonté d’affirmation dans la négation. Ce qui inspire l’artiste et le poète surréalistes à chercher une voix collective qui résonne à l’unisson avec leur idéal et leur programme de révolte.

En effet, l’avant-garde, déclinée sous toutes les formes particulières de ses mouvements, concrétise son discours révolutionnaire dans la figure du groupe d’artistes et, par conséquent, dans la nécessité des rencontres. Car la révolte contre la doxa sociale et artistique s’entame toujours en communauté contre l’autorité contraignante. Le groupe d’avant-garde devient donc à la fois condition sine qua non de la révolte et haut lieu d’une identité dans la marge. L’être-ensemble avant- gardiste, métamorphosé avec les révoltes successives en agir-ensemble, cherche à

changer la vie et à transformer le monde. Mais fonder une communauté d’opposition au sein de l’espace socioculturel, c’est se délimiter, et surtout revendiquer la dissidence comme postulat identitaire du groupe. Ou bien, entériner la marginalité comme marque identitaire et comme mobile de l’agir-ensemble avant-gardiste. Cette communauté dans la marge négocie sa légitimité par l’antagonisme constant par rapport à la normativité de la convention.

À Bruxelles, l’émergence du surréalisme dans les années 1920 s’impose justement comme acte de prise de conscience de cette destinée contestataire et en égale mesure de sa marginalité. Dans la partie introductive de cette thèse, nous avons déjà proposé une conceptualisation du paradigme identitaire propre au surréalisme bruxellois qui se définit en termes d’autonomie et de marginalité. Ces deux concepts-clés pour le groupe de Paul Nougé régissent un champ sémantique qui renvoie infailliblement à une stratégie de distanciation.

L’autonomie du surréalisme bruxellois veut d’abord dire prendre des distances par rapport à l’automatisme, pierre de touche du surréalisme bretonien. Comme leurs confrères de France, les Belges ont eux aussi en vue la figuration de la pensée, mais leurs voies sont différentes : visant la déstabilisation de l’attirail des mythes et des lieux communs, Nougé ne voit dans l’automatisme qu’un des jeux stériles qui aboutissent inévitablement à l’épuisement des ressources d’investigation de la réalité. C’est pourquoi il lui préfère l’expérimentation lucide et l’invention d’une méthode de détournement des systèmes tout faits. La pensée nougéenne privilégie ainsi le calcul aux dépens du hasard. Au cœur de sa stratégie subversive, le fragment et la rupture sont de mise pour mettre en marche ce cadre

contestataire qui refuse toute affiliation dogmatique. L’autonomie rime surtout aussi avec l’intransigeance – attitude qui se généralise chez Nougé – face au carriérisme littéraire ou artistique : « J’aimerais assez, que ceux d’entre nous dont le nom commence à marquer un peu, l’effacent. Ils y gagneraient une liberté dont on peut encore espérer beaucoup3 ». Dans un autre ordre d’idées, la marginalité revendiquée du surréalisme bruxellois, conséquence de ce souci même d’indépendance, suscite une vraie prédilection de l’anonymat qui va de pair avec des activités de véritable « terrorisme » littéraire (« L’expérience poétique, pour être valable, ne saurait être sans risque, sans danger4 »), menaçant et ciblant les auteurs consacrés de l’époque :

Il faut reconnaître que l’on n’agit pas autrement que sous le coup de la menace. Un monde menacé, celui que nous avons atteint, celui que nous imaginons, voilà ce qui vaut la peine d’agir. La menace, la menace perpétuelle, l’atroce et bienheureuse menace, nous en avons le sentiment avec une constance qui n’est pas à négliger.5

Autonomie et marginalité sont, dans ce cas, synonymes du refus de l’œuvre, autre mot d’ordre du groupe nougéen : s’occulter, mais agir de manière efficace contre toutes les commodités de l’esprit. C’est pourquoi d’ailleurs le surréalisme est lui aussi cible d’attaque à Bruxelles, le surréalisme en tant que mouvement, vulnérable aux dangers de devenir un simple -isme. Ceci s’explique par le fait que le surréalisme de Nougé commence à prendre corps dans un contexte que l’exégèse ne cesse d’opposer au terrain français : « dès sa naissance, le corpus littéraire belge

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Paul Nougé, « D’une lettre à André Breton », Histoire de ne pas rire, op. cit., p. 79.

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Paul Nougé, « Notes sur la poésie », Ibid., p. 161.

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de langue française traduit en sa langue un travail de décalage, de remaillage, voire de “rembourrage” par rapport à Paris6 ».

À cet effet, la spécificité du surréalisme bruxellois ne peut s’établir en dehors de la question du contexte social qui s’écrit en Belgique dans les années 1920. Avant de problématiser cette interrogation dont la réponse doit tenir compte à la fois des questionnements des domaines politique et social, force est de constater que le surréalisme à Bruxelles, tout comme à Paris, s’engage dans un même processus de remises en cause séditieuses de la doxa artistique et culturelle bourgeoise. En d’autres mots, il s’agit d’un même algorithme subversif qui unit les efforts des surréalistes bruxellois et français dont les premières prises de position empruntent un aspect public et éminemment contestataire.

II. Le contexte socio-culturel du surréalisme bruxellois

Le texte social et politique qui parcourt le surréalisme est en général le même pour toutes les versions européennes et découle de la crise générée à la fin de la première conflagration mondiale. En Europe et partout dans le monde, l’instabilité économique est dévastatrice et la Belgique n’y fait point exception. Nous y assistons à l’organisation du champ sociopolitique et culturel sous l’emprise de deux forces apparemment contradictoires : il s’agit, d’une part, de la contestation radicale de tous les principes fondateurs du système de valeurs traditionnel responsable de la grande catastrophe. En même temps, le monde se

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Marc Quaghebeur, « Entre image et babil », dans Marc Quaghebeur, Jean-Pierre Verheggen et Véronique Jago-Antoine (dir.), Un pays d’irréguliers, op. cit., p.109.

voit animé par une volonté de reconstruction sur les ruines. Cette oscillation entre la négation radicale de la doxa socioculturelle et l’élan constructeur de la société fait écho dans le surréalisme bruxellois et s’y traduit par une hésitation toujours douloureuse entre le refus de l’œuvre et la tentation de la création.

Sur le plan politique, la Belgique devient la scène des disputes entre catholiques et libéraux d’une part et socialistes d’autre part ; des alliances se font et se défont. Le communisme, grâce au succès de la Révolution d’octobre en Russie, commence à se crayonner comme la vraie solution qui contrecarre la montée des fascismes en Europe. À l’agitation politique s’ajoutent en Belgique les disputes linguistiques qui se sont fait place au sein du discours identitaire de cet État jeune à la recherche d’une cohésion nationale. Le champ culturel de Bruxelles ne peut donc point se tenir à l’écart des grands questionnements sur l’avenir du pays :

La vie culturelle bruxelloise est intense. Les écrivains n’arrêtent pas de publier. Les revues artistiques se succèdent, sitôt nées, sitôt éteintes, tels les Écrits du Nord, mais l’insertion d’un texte de Michaux, il est vrai, n’a pas plu à la critique bien pensante ! Cette fulgurance littéraire qui souligne une grande agitation intellectuelle ainsi qu’une réticence à s’exposer en des manifestes susceptibles de se colorer de chauvinisme traduit aussi un manque dans l’économie culturelle.7

Dans cet extrait, Françoise Toussaint ne fait que suggérer la réalité de la scène culturelle belge confrontée à la quasi-absence d’une superstructure institutionnelle qui la régisse et conditionne et contre laquelle la modernité s’insurge et fait note discordante d’une institutionnalisation, situation responsable de cette « économie culturelle » lacunaire. Au début du XXe siècle, dans un pays jeune qui n’a pas encore fêté son centenaire, le problème se pose de l’existence d’une institution littéraire à laquelle on peut se référer pour qu’elle statue sur la

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condition d’écrivain ou promeuve l’avant-garde. Au paradoxe général qui caractérise l’Europe en son ensemble et qui consiste dans la coexistence de deux forces antagoniques (la contestation des systèmes de valeurs traditionnels et l’optimisme de la reconstruction d’un nouveau monde), s’ajoute en Belgique l’aporie spécifique de sa modernité8. Elle est marquée par deux moments naturellement contradictoires : la juxtaposition de la naissance d’une littérature nationale avec tout son appareil institutionnel et du moment de la mise en crise, de la contestation de cette littérature même par les courants de la modernité.

La nécessité de bâtir un encadrement institutionnel de l’activité littéraire va de pair avec la problématisation de la création d’une littérature nationale. Or ces questionnements qui visent en réalité la définition de la littérature belge existent depuis la naissance, en 1830, de l’État belge. Les initiatives de fondation d’une institution littéraire commencent avec la création à la fin du XIXe siècle de l’Union littéraire, suivie en 1901 par l’Académie libre de Belgique d’Edmond Picard et, en 1902, par l’Association des écrivains belges. Tous ces regroupements des écrivains se posent la question du « clivage entre l’écrivain et le citoyen9 », donc de l’autonomie de la littérature10. On ne peut ne pas remarquer le paradoxe de ce processus de construction d’une institution littéraire par les écrivains mêmes. Lorsque, le 19 août 1920, le roi Albert fonde une Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique, prend ainsi naissance une infrastructure

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Cf. Michel Biron, La modernité belge, op. cit.

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Michel Biron, La modernité belge. Littérature et société, op. cit., p. 178. Comme le titre de son ouvrage de référence l’indique, Michel Biron s’intéresse à cette aporie fondatrice de la modernité belge, c’est-à-dire une littérature qui prend son essor entre deux champs de forces : imposer des normes et en même temps les contester.

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C’est, en effet, le même discours qui se perpétue depuis la seconde moitié du XIXe siècle lorsque sont fondés le groupe et la revue La Jeune Belgique.

institutionnelle au pouvoir centralisateur qui impose les normes de la production littéraire, « un nouvel espace de consécration, une sorte de régie institutionnelle où se règlent les conflits littéraires11 ». On peut facilement remarquer que, selon son appellation, la nouvelle institution revendique son appartenance à la tradition française.

Nous rejoignons Michel Biron12 qui souligne que le texte littéraire et le contexte socio-politique bruxellois se voient interrogés au début du XXe siècle par deux questions ardentes, celle de la nécessité d’une institution qui régisse la vie littéraire et celle d’une modernité naissante dont la cible de l’attaque est cette institution même. Ce paradoxe se complexifie davantage avec la question du statut de la nouvelle institution littéraire. Tout comme nous pouvons le remarquer, l’Académie royale – organisme chargé d’une mission générale, celle de participer à la création d’une littérature nationale belge – postule l’hégémonie des lettres françaises. Et plutôt ironie de l’histoire, certains écrivains, qui sans doute par ce fait même vont se tailler une place d’importance, s’exilent en France, comme c’est le cas d’Henri Michaux ; tandis que d’autres hommes de lettres – par exemple, Franz Hellens – ou des revues et groupes littéraires choisissent de s’annexer idéologiquement à la France dans l’espoir d’acquérir de la sorte le prestige littéraire.

L’émergence et l’histoire du surréalisme belge n’échappent pas à ce besoin de se situer relativement au pôle parisien ; son avènement est conditionné par un rapport toujours problématique à la France et par un positionnement tout aussi

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Michel Biron, La modernité belge. Littérature et société, op. cit., p. 180.

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complexe face aux discours politiques et culturels spécifiques à l’espace belge. Entre l’hégémonie française et le pouvoir du canon officiel belge, s’impose la nécessité d’organiser la vie littéraire qui se double, tout au long de l’histoire des lettres belges, d’un discours contestataire qui table non sur l’écart entre littérature et production littéraire de masse, mais sur l’opposition entre la littérature officielle et la vraie littérature : « [l]a même exigence traverse toute l’histoire de la modernité belge : se maintenir à distance du pouvoir13 ». C’est ce qui fait aussi l’originalité du surréalisme bruxellois. Ce souci de ne jamais se laisser assimiler par l’art officiel ainsi que de la domination surréaliste parisienne deviennent pour le groupe de Paul Nougé le mobile de son éthique de la distanciation. L’impératif nougéen d’une action à effet bouleversant et transformateur du monde prévaut à toute tentation de faire œuvre ou carrière littéraire : « que faire ? que dois-je faire ? Question indissolublement liée à l’idée de l’action et presque aussi vigoureusement à l’idée de devoir. Question morale. Problème moral14 ».

Cette question apparaît aussi lorsque le surréalisme bruxellois naissant sent le besoin, afin de s’affirmer en tant que mouvement belge, de prendre ses distances par rapport à Paris. Ses liens avec le Centre se marquent d’accords et de désaccords qui oscillent en fonction de deux postulats : celui de l’art engagé et de l’engagement politique et, parallèlement, celui de l’automatisme psychique auquel le surréalisme de Breton tend à se confondre à maintes reprises. Ce qui est toutefois commun aux deux expériences surréalistes, en France et en Belgique,

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Michel Biron, « Littérature et banquet », dans Textyles, no 8, op. cit., p. 148.

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Paul Nougé, « La Grande Question », Histoire de ne pas rire, op. cit., p. 64. Texte repris aussi dans Paul Nougé, Fragments. Anthologie et préface de Frans De Haes, lecture de Marc Quaghebeur, Bruxelles, Labor, coll. « Espace Nord », 1995, p. 29.

c’est la guerre qui vient de se clore sur un monde doutant de ses propres systèmes axiologiques. La destinée du groupe bruxellois, depuis son émergence, est fortement marquée par la « recomposition du paysage politique qui est exactement parallèle à l’évolution littéraire15 ». Avec surtout la fondation du P.O.B. en 1885, la question de l’écrivain engagé occupe d’ailleurs le cœur des débats littéraires en Belgique ; et cette question traverse, comme nous allons le voir, toute l’histoire du surréalisme belge.

Paul Nougé se trouve parmi les fondateurs du Parti communiste belge, ayant participé à la IIIe Internationale. La question de l’engagement politique s’impose, paradoxalement, comme point d’écart irréconciliable d’avec leurs confrères français pour qui la concertation des activités politique et littéraire représente le moyen de mise en pratique de la révolution surréaliste. L’engagement politique s’ajoute ainsi aux divergences quant à l’écriture automatique pour fournir les bases de l’éthique nougéenne de la distanciation. La particularité des prises de position qui opposent Bruxelles à Paris consiste dans le fait que, même si engagés politiquement, Paul Nougé et ses complices surréalistes ont su garder les distances entre activité littéraire et activisme politique :

La lucidité politique de Nougé est moins due à sa clairvoyance qu’à la situation d’un champ local où la double posture du politique et du littéraire était occupée, d’une part, par les partisans de la lutte prolétarienne réunis autour d’Augustin Harabu et, d’autre part, par les modernistes socialistes du groupe 7Arts. Seul le repli sur la littérature pouvait donner une position stratégiquement forte à l’ancien militant politique Paul Nougé.16

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Paul Aron, « Littérature et politique en Belgique francophone », dans Dirk De Geest et Reine Meylaerts (dir.), Littérature en Belgique / Literaturen in België. Diversités culturelles et dynamiques littéraires / Culturele diversiteit en literaire dynamiek, Bruxelles, Peter Lang, coll.

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