C. Propriétés et fonctions de la couche cornée 1 Défense antimicrobienne
3. Fonctions proposées pour les DMKN
Le patron d’expression des différentes isoformes de DMKN, associé à leur localisation subcellulaire, suggère que ces isoformes pourraient jouer des rôles physiologiques très différents. De plus, les familles d’isoformes présentent des points isoélectriques très divergents : les DMKN β et γ de grande taille sont légèrement acides alors que les petites isoformes δ et α sont fortement basiques. Malgré quelques caractéristiques peptidiques dans leurs séquences, aucune isoforme de DMKN ne présente de domaine protéique consensus connu pouvant nous éclairer sur leur fonction potentielle. Quelques hypothèses sont cependant envisagées.
‐ Les isoformes α ont été apparentées aux cytokines, du fait de leur petite taille, de leur basicité et de leur sécrétion. Cependant aucune fonction de type cytokine n’a pour l’instant pu être attribuée à ces isoformes. Etant donné que 75% de la séquence des DMKNα est incluse dans celle des DMKNβ, on pourrait envisager un rôle régulateur des DMKNα vis‐à‐ vis des DMKNβ, par compétition par exemple. ‐ Les isoformes δ ne présentent aucun domaine protéique particulier ni de signaux de localisation subcellulaire, rendant impossible la prédiction d’une fonction pour ces protéines. ‐ Les isoformes longues β et γ Comme les isoformes δ et α, aucune fonction particulière ne peut être déduite à partir de la séquence peptidique des DMKN β et γ. Nous avons vu précédemment que les DMKN β et γ présentent des séquences particulières telles que le peptide signal, la région riche en glycine et sérine, les cystéines ou les domaines NGS et RGD. Afin de nous éclairer sur leur implication physiologique, nous avons cherché leur conservation dans les autres espèces pour lesquelles des séquences de DMKN β et/ou γ ont été identifiées.
L’expression de la DMKNβ n’a été décrite que chez certains mammifères et celle de la DMKNγ uniquement chez l’homme et la souris. Dans les bases de données on retrouve des séquences prédites ou validées de DMKNβ chez le chimpanzé, la vache, le mouton, le rat et la souris (Figure 42). En alignant les séquences protéiques des DMKNβ de ces différentes espèces, on trouve un pourcentage d’identité par rapport à la DMKNβ humaine allant de 97% pour le chimpanzé à environ 50‐60% pour les autres espèces. Suivant la séquence protéique de DMKNβ que l’on regarde, on trouve des séquences présentes ou absentes dans les autres espèces. En ce qui concerne la souris, trois isoformes Dmknβ ont été identifiées
Fonctions proposées pour les DMKN
alors qu’une seule Dmknβ a été pour l’instant décrite chez les autres espèces, ce qui n’exclut pas l’existence d’autres isoformes.
Le peptide signal en position NH2‐terminale est retrouvé chez tous les mammifères
précédemment cités. La région riche en glycine et en sérine est très conservée, avec cependant des longueurs variables, plus proches de celle que l’on retrouve dans l’isoforme DMKNβ1 humaine. Comme décrit précédemment (cf : Paragraphe I.E.2.b), des domaines de ce type ont été identifiés dans d’autres protéines épidermique telles que les kératines, la loricrine ou la cornéodesmosine, et semblent former des structures boucles glycine aux propriétés adhésives (Steinert et al., 1991). Cependant, le domaine riche en glycine et en sérine des DMKN β et γ ne comporte pas de résidus aromatiques ou aliphatiques nécessaires à la formation des pieds de boucle. Il semble donc peu probable que cette région puisse s’organiser en boucles glycine.
Les deux cystéines encadrant la région riche en glycine et sérine sont également retrouvées chez toutes les espèces, ce qui suggère qu’elles jouent un rôle physiologique important. Elles pourraient être à l’origine d’un pontage intramoléculaire et permettre la formation d’une grande boucle d’une centaine d’acides aminés et/ou permettre des liens intra‐ ou inter‐ moléculaires.
Le site potentiel de N‐glycosylation est présent dans la région riche en glycine et en sérine des DMKNβ du chimpanzé, de la vache, du mouton et de la souris mais absent chez le rat. De même, le site de liaison aux intégrines n’est pas retrouvé chez la vache et le mouton laissant penser que ces deux sites potentiels n’ont peut‐être pas une importance physiologique majeure. Ces données peuvent être extrapolées aux DMKNγ humaines qui présentent la même séquence protéique que les DMKNβ à l’exception des huit derniers acides aminés.
Figure 42 : Alignement des séquences protéiques de DMKNβ de différents mammifères
Les séquences protéiques de DMKNβ des mammifères suivants ont été alignées avec le logiciel multalin (http://multalin.toulouse.inra.fr/multalin/multalin.html): homme, chimpanzé, vache, mouton, rat et souris. Les zones correspondant à 100% d’identité sont représentées par des carrés à fond noir tandis que les zones correspondant à au moins 50% d’identité sont représentées par des carrés à fond blanc. La numérotation des acides aminés est celle de la DMKNβ1 humaine. Sont entourés en orange le peptide signal, en vert les cystéines conservées, en bleu le site de N‐ glycosylation potentiel et en bordeaux le site potentiel de liaison aux intégrines. La région riche en glycine et en sérine est soulignée en violet.
Implications physiopathologiques
Au laboratoire, des expériences de double hybride chez la levure ont permis d’identifier la Galectine 3 (GAL3) comme partenaire potentiel des DMKNβγ (Gazeilles et al., En préparation). Cette lectine est exprimée par la plupart des types cellulaires et peut se retrouver dans tous les compartiments sub‐cellulaires, le noyau, le cytosol, associée à la membrane plasmique ou extracellulaire. A ce niveau, elle interagit avec de nombreuses protéines de la matrice, via son domaine lectine COOH‐terminal mais aussi via sa partie NH2‐
terminale par des interactions protéine/protéine (Ochieng et al., 2004). Des expériences de GST pull‐down ont permis de montrer que c’est par ce domaine NH2‐terminal non lectine
que GAL3 interagit avec le domaine riche en glycine et en sérine des DMKNβγ. L’analyse immunohistologique de coupes de peau humaine a montré que GAL3 est fortement exprimée dans la couche granuleuse, où elle est majoritairement extracellulaire. Des expériences d’immunofluorescence indirecte sur coupe de peau ont révélé que les DMKNβγ co‐localisent avec GAL3 dans l’espace intercellulaire des kératinocytes granuleux. De plus, des expériences de PCR quantitative en temps réel ont mis en évidence l’expression de protéines sécrétées appartenant à la famille des protéines de la matrice extracellulaire dans les couches suprabasales de l’épiderme humain. L’existence d’un réseau de protéines extracellulaires, impliquant les DMKN β et γ, GAL3, mais aussi d’autres protéines matricielles, pourrait jouer un rôle, encore largement inexploré, dans les étapes tardives de la différenciation épidermique (Gazeilles, 2010). Il pourrait en effet réguler l’environnement physico‐chimique de l’espace inter‐cornéocytaire, qui est riche en lipides et donc fortement hydrophobe. Une matrice protéique pourrait ainsi créer des ilots hydrophiles et donc réguler l’activité enzymatique des protéases de la desquamation ou des enzymes du métabolisme des lipides par exemple.
4. Implications physiopathologiques
Aucune pathologie humaine n’a été à ce jour associée aux DMKN mais quelques données laissent supposer qu’elles peuvent être impliquées dans certains processus physiopathologiques.
Des expériences d’immunohistochimie sur des coupes de peau lésionnelle de patients psoriasiques ont montré que les DMKNβγ sont exprimées très fortement sur un nombre