• Aucun résultat trouvé

4-1- Invasion de la cellule hôte et établissement de la vacuole parasitophore (PV)

II- L’apicoplaste, un organite d’origine végétale

2- Fonctions métaboliques de l’apicoplaste

La conservation de la structure vestigiale par la majorité des parasites Apicomplexa, implique que l’apicoplaste comporte encore une ou plusieurs fonctions vitales pour ces parasites. En effet Fischera and Roos (1997) ont démontré que l’inhibition de la réplication de l’ADN plastidial par la cyproflaxine, un inhibiteur de la gyrase plastidiale, cause la perte de l’apicoplaste et la mort de T. gondii. De même la perturbation de la ségrégation de l’apicoplaste par l’expression d’une protéine plastidiale fusionnée à celle des rhoptries ACP-GFP-mROP1, conduit à la mort du parasite (He et al., 2001). Par ailleurs, la recherche des gènes codant les fonctions plastidiales chez T. gondii, P. falciparum, Babesia et Theileria a permis l’indentification de voies de synthèses contenues dans l’apicoplaste. Ces voies sont similaires à celles du chloroplaste (Ralph et al., 2004). Tous les gènes codant ces fonctions sont transcrits depuis le génome nucléaire du parasite et les protéines sont importées vers l’apicoplaste grâce à une région terminal d’import dite « terminal bipartite » (Waller et al., 1997 ; Harb et al., 2004). Cette région N-terminale bipartie permet un premier adressage vers le réticulum endoplasmique médié par un signal peptide. Ce signal peptide est coupé pour permettre la translocation de la protéine vers l’apicoplaste grâce à une second peptide appelé le transit peptide (Harb et al., 2004). Les fonctions principales de l’apicoplaste sont :

 La biosynthèse des précurseurs isoprénoïdes (voie non-mévalonate),

La voie procaryotique de synthèse des acides gras FASII (Fatty Acid Synthesis pathway II),

 La synthèse de l’acide lipoique (LA),

La synthèse de novo des précurseurs centraux des phospholipides,

 La biosynthèse des hèmes

 La synthèse des centres Fer-Soufre [Fe-S] (Fig. 7).

Les isoprénoïdes constituent une large classe de molécules lipidiques telles que le cholestérol et l’ubiquinone dont les principaux précurseurs sont l’isopentenyl pyphosphate (IPP) et le dimethyllalyl pyrophosphate (DMAPP). Ils possèdent plusieurs fonctions cellulaires comme :

 La structuration membranaire,

 La modification des protéines par prenylation,

 La signalisation cellulaire notamment via les hormones (gibbérellines),

 La synthèse du cofacteur coenzyme Q (vitamine),

 Les pigments photosynthétiques (caroténoïdes),

 La modification des ARNt

 un des composants de défense chez les plantes (monoterpènes).

Il existe deux voies de synthèse des isoprénoïdes dans la nature :

 la voie dite mévalonate décrite chez les animaux, les champignons et les archaebactéries

 la voie dite non-mévalonate ou la voie DOXP (1 deoxy-D-xylose 5-phosphate) identifiée chez les eubactéries et le chloroplaste des algues et des plantes (pour revue Seeber and Soldati, 2010 ; Nair and Striepen, 2011 ; Botté et al., 2012).

Les Apicomplexa ont probablement acquis la voie de synthèse des précurseurs des isoprénoïdes via la voie DOXP avec l’acquisition de l’apicoplaste (Jomaa et al., 1999 ; Cassera et al., 2004 ; Clast et al., 2007 ; Nagamune et al., 2008 ; Caballero et al., 2011). L’inhibition de la voie DOXP par la fosmidomycine, inhibiteur de l’enzyme DOXP réductoisomérase, chez Plasmodium conduit au blocage de la division du parasite au stade sanguin et hépatique. Une baisse très significative de la parasitémie (<1%) in vitro et in vivo a été aussi observée (Jomaa et al., 1999 ; Yeh and DeRisi, 2011 ; Nair et al., 2011). Cependant, la complémentation à l’IPP des parasites traités à la fosmidomycine, permet la survie du parasite dans le globule rouge malgré la perte complète de l’apicoplaste. Ce résultat défini la voie DOXP comme fonction unique de l’apicoplaste durant le stade sanguin. L’effet de la fosmidomycine a aussi été noté chez Babesia bovis, homologue de Plasmodium chez les bovins (Caballero et al., 2011). Chez T. gondii, la synthèse des isoprénoïdes à partir de l’IPP et DMAPP produits dans l’apicoplaste est essentielle pour le développement intracellulaire normal du parasite (Ling et al., 2007 ; Nair et al., 2011 ; Li et al., 2013). En effet Nair et al. (2011) ont montré que les mutations des gènes codant les enzymes de la voie DOXP (DOXPRI et LytB) entrainent un arrêt de la croissance du parasite conduisant à sa mort. Toutes ces

études mettent en évidence l’importance des isoprénoïdes pour les Apicomplexa indiquant que l’apicoplaste est la principale source d’IPP et DMAPP pour le parasite, principalement durant le stade sanguin de Plasmodium. Cette voie de synthèse représente une bonne cible thérapeutique bien que plusieurs inhibiteurs de cette voie ne semblent pas être efficaces dans tous les cas de figures (Jomaa et al., 1999 ; Ling et al., 2007 ; Yeh and DeRisi, 2011 ; Caballero et al., 2011 ; Nair et al., 2011 ; Li et al., 2013).

La découverte de la voie de synthèse des acides gras dans l’apicoplaste (Waller et al., 1998 ; Waller et al., 2000) a remis en question les premières croyances concernant l’incapacité des Apicomplexa de se fournir de novo de lipides. La voie FASII typiquement procaryotique est vitale pour T. gondii durant le stade tachyzoïte et pour Plasmodium durant le stade hépatique et sporozoite dans le moustique (Mazumdar et al., 2006 ; Vaughan et al., 2009 ; Yu et al., 2008, Schaijik et al., 2014 ; Martins-Duarte et al., 2016 ; Amiar et al., 2016). Les acides gras sont les éléments fondamentaux pour la biogénèse des membranes, le stockage d’énergie et les modifications post-traductionnelles des protéines. FASII synthétise principalement le myristate C14:0 et le palmitate C16:0 chez T. gondii (Ramakrishnan et al., 2012 ; Ramakrishnan et al., 2015 ; Amiar et al., 2016). La voie FASII ainsi que le devenir des acides gras synthétisés dans l’apicoplaste seront discutés plus en détails plus loin dans ce manuscrit (Chapitre 3. I.1).

Les acides gras produits par FASII C8 sont utilisés pour la synthèse de l’acide lipoique (Thomsen-Zieger et al., 2003 ; Crawford et al., 2006 ; Storm and Müller, 2012, Fig. 7). L’acide lipoique est un disulfure cyclique avec un dérivé de l’acide octanoïque (C8). C’est un cofacteur important pour la modification de certaines protéines telle que la lipoylation de la sous unité E2 du complexe pyruvate déshydrogénase (PDH) au niveau des résidus cystéine. Le complexe PDH converti le pyruvate issu de la glycolyse en acétyl-CoA nécessaire pour la voie FASII dans l’apicoplaste (Fig. 7) (Foth et al., 2005 ; Crawford et al., 2006 ; Seeber and Soldati, 2010). Il a été démontré que la synthèse de l’acide lipoique dans l’apicoplaste de T. gondii dépend complément de la voie FASII. Cependant, l’apicoplaste n’est pas la seule source de LA pour le parasite. T. gondii a la capacité de récupérer du LA de la mitochondrie de la cellule hôte (Crawford et al., 2006).

L’apicoplaste est le second site de biosynthèse des centres [Fe-S] après la mitochondrie (Seeber 2002). Les centres [Fe-S] coordonnent de manière très complexes les domaines de protéines diverses principalement au niveau des résidus cystéine et histidine. Ils permettent de fournir un potentiel redox au protéines cibles telles que la ferrédoxine et la lipoate synthase (Ralph et al., 2004 ; Seeber et al., 2005).

L’acquisition de l’apicoplaste par les Apicomplexa leur a permis de bénéficier des voies métaboliques absentes chez leurs cellules hôtes. Contrairement aux croyances de départ, les Apicomplexa sont capables de se fournir par eux-mêmes d’éléments essentiels à leur développement et ne dépendent pas uniquement de la cellule hôte. De ce fait, mais aussi de par l’origine végétale et procaryotique de l’apicoplaste et des voies métaboliques qu’il arbore, les protéines actives dans l’apicoplaste sont des cibles potentielles pour le développement de traitements de type herbicides ou des antibiotiques antiparasitaires.

Figure 7 : Les fonctions métaboliques de l'apicoplaste. Schéma représentatif simplifié des

voies métaboliques de l’apicoplaste de T. gondii. Ces principales fonctions sont la synthèse des acides gras via FASII, des précurseurs des isoprénoïdes via la voie DOXP, la synthèse de l’acide lipoique, des centre Fer-Soufre et la synthèse des hèmes en étroit échange avec la mitochondrie et le cytosol. TPT : triose phosphate transporteur, DHAP : dihydroxyacétone phosphate, PEP, phosphoenolpyruvate, FASII: fatty acid synthesis pathway II, C14/C16: acides gras à chaines longues avec 14 ou 16 carbones suturés C14:0 et C16:0. DOXP : 1-deoxy-D-xylose-5-phosphate, IPP : isopentenyl py1-deoxy-D-xylose-5-phosphate, DMAPP : dimethyllalyl pyro1-deoxy-D-xylose-5-phosphate, ALA : acide aminolevulinique, CPIII : coproporphyrinogene III. TCA : cycle de l’acide tricarboxylique.

Chapitre 2 : Métabolisme et dynamique