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B. Activation et différenciation des LT CD8 + cytotoxiques

3. Fonctions effectrices des LT CD8 +

Les LT CD8+ ayant été activés dans les ganglions lymphatiques migrent en périphérie pour reconnaître et éliminer cellules tumorales. Leur reconnaissance via l’interaction TCR / CMH- I :peptide déclenche l’activation des mécanismes qui induisent la mort des cellules tumorales : l’exocytose des granules cytotoxiques et l’apoptose induite par les récepteurs de morts (Barry & Bleackley, 2002).

a) Fonctions cytotoxiques

(1) La voie de mort par exocytose

La perforine et la granzyme

Les LT CD8+ possèdent dans leur cytoplasme des granules cytotoxiques qui contiennent différentes protéines impliquées dans l’induction de l’apoptose des cellules cibles. Les protéines les plus abondamment trouvées dans ces granules sont les granzymes ( sérines protéases) et la perforine. Suite à la stimulation du TCR, les granules se clusterisent et se polarisent au niveau de la synapse immunologique (Grakoui et al., 1999; Ritter et al., 2015). L’exocytose des granules s’effectue très rapidement après la reconnaissance de la cellule cible et conduit au relarguage des molécules lytiques qui conduisent à l’apoptose de cellule cible. Des modèles expérimentaux de lymphomes et de sarcome ont notamment pu mettre en évidence in vivo le rôle protecteur de la perforine sécrétée par les LT CD8+ contre la croissance tumorale (M J Smyth et al., 2000). La granzyme B est sans doute la granzyme la plus connue puisqu’elle active par protéolyse les caspases intracellulaires qui induisent l’apoptose de la cellule tumorale. La granzyme A est la protéase la plus abondante au sein des granules lytiques dont les fonctions apoptotiqes ne dépendent pas des casapses. Elle est cependant capable d’endommager l’ADN de la cellule cible par de nombreux moyens. Elle est à l’origine d’une perturbation du métabolisme mitochondrial qui génére des espèces réactives de l’oxygène ( ROS , Reactive Oxygen Species) altérant la structure de l’ADN. Les dommages à l’ADN peuvent également résulter de la dégration de la laminine qui maintient la structure de l’enveloppe nucléaire, ou résulter de la dégradation des histones et des protéines de réparation de l’ADN (Lieberman, 2010).

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Différents mécanismes d’actions respectifs de la perforine et des granymes ont été proposés (Figure 13). Le premier modèle stipule que la perforine se polymérise à la membrane plasmique de la cellule cible pour former des pores nécessaires à l’entrée passive des granzymes (Figure 13

a et b). Au vu de plusieurs études qui ont démontré que les granzymes pénètrent dans la cellule

en absence de perforine, les autres modèles consistent à dire que les granzymes sont incorporées dans la cellule cible par endocytose (Pinkoski et al., 1998) (Figure 13 c) ou encore que des complexes macromoléculaires contenant la perforine et les granzymes sont reconnus par les récepteurs mannose 6-phosphate ( RMP) puis encapsidés dans des endosomes (Figure

13 d) (Metkar et al., 2002). Cette hypothèse a été confirmée dans une étude qui a démontré

que la perforine et la granzyme agissent en synergie et de façon relativement rapide en fonction de l’activité des endosomes (Lopez et al., 2013).

Figure 13 : Modèles d’action respectives de la perforine et de la granzyme B dans l’induction de l’apoptose de la cellule cible

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(2) La voie de mort par les récepteurs de mort

La voie Fas : Fas-L et la voie TRAIL : TRAIL-L

Les LT CD8+ activés par le TCR sont également capables d’induire l’apoptose de la cellule tumorale via l’interaction entre le ligand Fas-L (CD95-L) et le récepteur de mort Fas (APO-1, CD95) exprimé à la surface de la cellule cible. Bien que la forme membranaire trimérique de Fas- L soit la plus fonctionnellement active, elle peut cependant être clivée par une métalloprotéase pour générer une forme soluble cytokinique, active uniquement chez l’Homme (Tanaka et al., 1996). L’interaction Fas/ Fas-L conduit au recrutement du complexe protéique DISC ( Death- Inducing Signaling Complex) au niveau de Fas. Ce complexe, constitué de la protéine adaptatrice FADD et de la caspase-8, conduit à l’apoptose de la cellule cible par deux mécanismes différents (Strasser, Jost, & Nagata, 2009). Dans un premier cas, la caspase 8 active les caspases 3 et 7 qui cliveront de multiples protéines vitales pour la survie de la cellule. Dans un second cas, la caspase 8 active la voie de la protéine BID qui conduit à la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie et au relargage du cytochrome c impliqué dans la formation de

l’apoptosome (Figure 14).

Figure 14 : La voie Fas-L/Fas induit l’apoptose par deux mécanismes différents

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La voie TRAIL/ TRAIL-L est également une voie de mort impliqué dans les fonctions effectrices des LT CD8+ . Elle consiste de façon très similaire à elle de Fas/ Fas-L à activer la voie des caspases pour induire l’apoptose de la cellule cible (Holoch & Griffith, 2009).

b) Sécrétion de cytokines

(1) L’IFN-γ

L’IFN-γ est une cytokine pro-inflammatoire appartenant à la famille des IFNs de type II jouant un rôle majeur dans les propriétés antitumorales des LT CD8+. L’IFN-γ est sécrétée par les LT CD8+ activés par le TCR et interagit avec son récepteur IFNGR1 exprimé par les cellules tumorales. Suite à cette interaction, le facteur de transcription STAT1 active la transcription des gènes codant les protéines anti-prolifératives et inhibe celle des gènes codant les protéines du cycle cellulaire (cyclines) à l’origine de l’apoptose des cellules tumorales (Ni & Lu, 2018). Des modèles de tumorigénèse primaire ont ainsi permis de démontrer in vivo que l’IFN-γ est nécessaire au contrôle de la croissance tumorale et à l’inhibition de la formation de métastases (Dighe, Richards, Old, & Schreiber, 1994; Kaplan et al., 1998; Shankaran et al., 2001; Street et al., 2001). L’IFN-γ favorise l’activation indirecte des LT CD8+ en augmentant les propriétés de présentation antigénique des DC et facillite également la reconnaissance et la destruction des cellules tumorales via l’augmentation de l’expression du CMH-I et du récepteur Fas à la surface, respectivement (Figure 15) (Castro, Cardoso, Gonçalves, Serre, & Oliveira, 2018; McKenzie, Mark DThomas et al., 2006). Par ailleurs, il a été indiqué que la sécrétion d’IFN-γ par les LT CD8+ agit de façon autocrine pour augmenter leurs fonctions cytotoxiques (Bhat, Leggatt, Waterhouse, & Frazer, 2017). De plus, l’IFN-γ agit directement sur les cellules endothéliales afin de diminuer la taille des vaisseaux sanguins alimentant la tumeur, contribuant ainsi à la régression tumorale par ischémie (Kammertoens et al., 2017). Enfin, l’IFN-γ peut contribuer au contrôle de la croissance tumorale en limitant les fonctions des cellules aux propriétés immunosuppressives telles que les MDCS ( Myeloid-derived suppressor cells) et les LTreg (Delgoffe et al., 2017; Médina-Echeverz, Wideman, Zautra, & Edwards, 2014).

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En effet, des travaux réalisés chez la souris ont suggére que l’IFN-γ diminue l’expression de la protéine anti-apoptotoqique Bcl2a1 des MDSCs (Médina-Echeverz et al., 2014) et qu’il contribue à « fragiliser » certains LTreg n’exprimant pas certaines protéines nécessaires à leurs fonctions

(NRP1 et l’ubiquine ligase E3 VHL) (Delgoffe et al., 2017; J. H. Lee, Elly, Park, & Liu, 2015).

Figure 15 : Rôles de l’IFN-γ dans l’immunosurveillance

From Ni and Lu,Interferon gamma in cancer immunotherapy Cancer Medicine Review 2018

Bien que l’IFN-γ inhibe directement la prolifération des cellules tumorales et induit leur apoptose, les signaux « précoces » issus du signaling de l’FN-γ agissent sur les cellules du système immunitaire. Ils conduisent notamment à la production d’IL-12 et d’IL-18 par les CPA et à l’augmentation de l’expression de la molécule de costimulation CD86 à leur surface pour favoriser la différentiation des LTTH1

CD4+ et l’activation des LT CD8+. L’activation des fonctions cytotoxiques des LT CD8+ est également favorisée par l’IFN-γ puisqu’il conduit à l’augmentation de l’expression des molécules du CMH-I à la surface des APC et des cellules tumorales.

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(2) Le TNF-α

Le TNF-α (Tumour necrosis factor) est une glycoprotéine de type II capable d’induire des signaux intracellulaires via sa forme transmembranaire ou sa forme soluble issue du clivage protéolytique de la forme membranaire, sécrétée par de nombreux cellules immunitaires (monocytes, macrophages, mastocytes, lymphocytes T). Le TNF-α interagit avec les récepteurs ubiquitaires TNFR1 (p55) et TNFR2 (p75) afin d’induire la transduction de signaux impliqués dans l’activation, la prolifération et la survie cellulaire. Bien que le TNF-α soit impliqué dans l’activation des LT CD8+ (Calzascia et al., 2007; Trevejo et al., 2001) et qu’il favorise leur l’extravasion vers le site de l’inflammation (Sata & Walsh, 1998), la sécrétion de TNF-α par les LT CD8+ permet également d’augmentation leurs fonctions cytotoxiques.

Après avoir identifié le rôle clé du TNF-α dans les fonctions antitumorales des LT CD8+ chez des souris immunodéficientes TNF-α-/- (Prevost-Blondel, Roth, Rosenthal, & Pircher, 2000), un modèle expérimental du cancer du pancréas (RIP[GP × Tag2]) a en effet démontré que le TNF-α interagit avec TNFR2 exprimé par les LT CD8+ effecteurs afin d’induire leur production d’IL-2 et d’IFN-γ (Calzascia et al., 2007; Speiser et al., 1997). L’action autocrine du TNF-α augmente la prolifération et les fonctions cytotoxiques des LT CD8+ spécifiques de la tumeur (Calzascia et al., 2007; Prevost-Blondel et al., 2000). La caractérisation du rôle du TNF-α sur les fonctions des LT CD8+ ex-vivo a confirmé que le TNF-α réduit le seuil d’activation des LT CD8+ en augmentant leur production d’IL-2 et qu’il favorise leur survie en augmentant l’expression des molécules anti- apoptotiques Bcl-xl et Bcl-2 (E. Y. Kim & Teh, 2001, 2004). Conformément à certains travaux ayant démontré que le TNF-α exogène augmente l’expression de Fas à la surface des LT CD8+ pour favoriser l’apoptose des cellules cibles exprimant Fas-L (Kafrouni, Brown, & Thiele, 2003), il a été suggéré que l’interaction entre TNF-α et TNFR2 régule positivement l’expression de Fas.

Malgré le rôle activateur des fonctions cytotoxiques des LT CD8+, le TNF-α possède également un rôle pro-tumoral. Au vu de l’expression ubiquitaire des récepteurs aux TNF-α, le TNF-α interagit avec TNFR2 exprimé par les MDSCs (Myeloid-derived suppressor cells) et les LTreg afin de potentialiser leurs fonctions immunosuppressives et le maintien de leur survie (X. Chen et al., 2007; X. Zhao et al., 2012). Par ailleurs, des études récentes ont mis en évidence dans le modèle

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expérimental de mélanome B16K1 que le TNF-α interagit avec son récepteur TNFR1 exprimé par les LT CD8+ afin d’inhiber leur accumulation au site tumoral (Bertrand et al., 2015).

Malgré les rôles pro-tumoraux et antitumoraux du TNF-α, le blocage de la voie du TNF-α reste donc une stratégie thérapeutique intéressante dans le traitement du mélanome (Bertrand, Rochotte, Levade, & Segui, 2016). En effet, une étude récente a démontré que l’administration d’un anticorps antagoniste anti-TNF-α dans des souris porteuses de mélanome (B16-OVA) ou du cancer du côlon (MC38-OVA) potentialise les effets antitumoraux des immunothérapies bloquant les récepteurs inhibiteurs des LT CD8+, PD-1 et CTLA-4 (Perez-Ruiz et al., 2019).