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Humour, ironie et sarcasme

3. Une description pluridimensionnelle de la prosodie Définir la prosodie suppose de prendre en considération non seulement l’ensemble des

3.2 Les grandes fonctions de la prosodie

3.2.2 La fonction linguistique

Sur le plan théorique, l’étude de la prosodie peut se concevoir à travers deux approches différentes distinctes. D’une part la théorie des contours basée uniquement sur l’intonation : initialement développée par Delattre (1966), elle décrit les contours intonatifs globaux (fonctions modale et structurante. D’autre part, les approches métriques à l’intérieur desquelles nos travaux prennent leur source (Di Cristo, 1999 ; Astésano, 2001), et pour lesquelles le système accentuel est prééminent à l’intonation.

3.2.2.1 La théorie morphologique ou théorie des contours

Dans la grande majorité des travaux, la prosodie linguistique est envisagée essentiellement au travers de sa fonction modale. Elle s’intègre dans une approche énonciative relevant des concepts de dictum (contenu) et modus (modalité) (Bally, 1932, cité par Vion, 2004). La modalité, dans sa conception globale relève de plusieurs modes de transmission : tout d’abord non verbal avec l’expression de mimiques et de gestes ; puis verbal, avec les variations du lexique, de la structure de l’énoncé, et de l’intonation. C’est bien entendu sur ce dernier point que notre intérêt se porte. Comme nous l’avons mentionné précédemment, Delattre (1966), se fondant sur le mouvement des courbes intonatives (montant, descendant, plat), a décrit les dix patrons de base du français (intonèmes). Ces travaux fondateurs ont permis de mettre en exergue quatre grandes catégories modales : déclarative, interrogative, parenthétique et exclamative.

Dans la même lignée, d’autres auteurs (Vaissière, 2005 ; Martin, 1973 ; Di Cristo & Rossi, 1977 ; Léon, 1993 ; Rossi, 1999) ont développé cette théorie des contours, mais se sont éloignés de la stricte fonction énonciative. Ils proposent une nouvelle terminologie et invoquent des patrons intonatifs illustrant d’autres fonctions linguistiques comme la

démarcation et la hiérarchisation, celles-ci révélant peu à peu une fonction globale de structuration du langage.

Morphèmes prosodiques Contenu Fonctions

/IN/ Parenthèse Extraction énonciative

/CT/ Continuatif majeur Hiérarchisation syntaxique et énonciation

/CT+/ Continuatif majeur appellatif Thématisation

/ct/ Continuatif mineur Démarcation

/CC/ Conclusif majeur Syntaxe et Rhématisation

/cc/ Conclusif mineur Disjonction syntaxique

Tableau 1 – Morphèmes prosodiques de Di Cristo & Rossi (1977, cités par Martin Ph., 2009)

Les auteurs considèrent la prosodie comme un système où les unités primitives étudiées (morphèmes intonatifs) sont décrites dans leur ensemble comme appartenant à la fois au plan de l’expression et au plan du contenu. Des règles intonosyntaxiques (Martin Ph., 2009) sont développées et mettent en relief les fonctions linguistiques portées par les contours mélodiques définis (cf. tableau 1). L’hypothèse principale de cette approche suggère que l’ensemble des composantes linguistiques (la prosodie en faisant partie) est nécessaire à la production d’un énoncé. Afin d’observer et d’analyser les paramètres prosodiques et leur organisation, cette approche « concrète » (Delais-Roussarie, 1995) prend appui sur les mesures physiques (acoustiques) réalisant l’énoncé verbal.

Les rares travaux psycholinguistiques incluant l’étude du traitement de la prosodie linguistique investissent cette approche théorique et se restreignent donc exclusivement à examiner le traitement cognitif de la fonction modale. Or, la prosodie ne se résume pas à cette fonction. Elle peut engager par ailleurs des unités prosodiques discrètes, observables tant au niveau post-lexical qu’au niveau lexical, et ainsi permettre d’examiner les fonctions de structuration plus subtiles, essentielles au traitement du langage.

3.2.2.2 La théorie phonologique ou théories métriques et métriques

autosegmentales

Issu des travaux dans le domaine de la syntaxe, le modèle phonologique a notamment été développé par de nombreux auteurs (Hirst & Di Cristo, 1984, 1996 ; Mertens, 1987 ; Di

Cristo, 1999 ; Post, 2000 ; Jun & Fougeron, 2000)45. Contrairement à l’approche morphologique, cette approche dite « abstraite » (Delais-Roussarie, 1995) n’étudie pas la prosodie à travers le repérage des paramètres acoustiques, mais plutôt à travers l’identification « d’unités phonologiques discrètes» (Lacheret-Dujour & Beaugendre, 1999), et relève de l’étude du système accentuel. Selkirk (1980 dans Delais-Roussarie, 2000) décrit notamment six niveaux hiérarchiques majeurs, en relation avec la structure syntaxique sous-jacente :

- L’énoncé phonologique : l’énoncé dans sa globalité.

- Le syntagme intonatif : associé à des contraintes syntactico-sémantiques et pragmatique

- Le syntagme phonologique : déterminé par la structure syntaxique (accent primaire)

- Le mot phonologique : unité accentuable

- Le pied : encodage de la structure rythmique de l’énoncé (accent secondaire)

- La syllabe

La structure prosodique est ici considérée comme un ensemble de constituants hiérarchisés selon leur niveau d’encodage, où deux niveaux d’analyse se distinguent : le niveau lexical et le niveau post-lexical (intégrant des constituants d’ordre supérieurs). Le modèle phonologique examine la prosodie en tant que structure incorporée à l’énoncé, structure composée de plusieurs constituants hiérarchiquement organisés selon leur niveau d’encodage phonétique.

Contrairement à la théorie morphologique qui propose une vision holistique de la prosodie où le contour est envisagé comme une unité primitive, et qui définit des contrastes prosodiques en termes de changement de direction (contours montant, descendant, etc.), les théories métriques et métriques autosegmentales se concentrent quant à elles sur les unités prosodiques déterminant l’organisation structurelle de l’énoncé. Les deux approches se rejoignent néanmoins. Elles mettent tout d’abord en relief la fonction distinctive de la prosodie. Mais surtout, elles corroborent le postulat selon lequel la prosodie établit des liens étroits avec les autres niveaux de représentation du langage.

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Nous ne détaillerons pas ici les différents modèles de la prosodie du français dérivant de cette approche générale : pour une revue, voir Welby (2003).

Niveau post-lexical

Niveau Lexical et sub-lexical

Comme mentionnée auparavant, nos travaux s’engagent spécifiquement sur le versant linguistique de la prosodie. Cherchant à élargir la conception à ce jour restreinte aux paramètres acoustiques ou à la dichotomie prosodie linguistique vs. prosodie paralinguistique, nous investissons plus particulièrement le traitement des fonctions de la prosodie qu’instancient les paramètres prosodiques, et observons plus particulièrement les fonctions véhiculées dans le cadre du système accentuel du français.

3.3 Vers une approche fonctionnelle de la prosodie : illustration