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La fonction des gènes des types sexuels pendant la reconnaissance internucléaire

Chapitre I : Introduction bibliographique

2 Les gènes des types sexuels

2.2.3 Caractérisation moléculaire et fonctionnelle du locus mat chez

2.2.3.2 Rôles des gènes mat dans le cycle sexué

2.2.3.2.2 La fonction des gènes des types sexuels pendant la reconnaissance internucléaire

Après la fécondation, la transition d’un syncytium plurinucléé aux cellules dicaryotiques nécessite une étape de reconnaissance internucléaire entre un noyau mat+ et un noyau mat- (Figure 3). Cette reconnaissance internucléaire est sous le contrôle des trois gènes mat : FMR1, SMR2 et FPR1 (Zickler et al. 1995), et suit un schéma similaire à celui de la reconnaissance intercellulaire. Le modèle proposé suppose que, dans la cellule plurinucléée, chaque noyau mat+ et mat- porte une identité propre basée sur la présence des protéines spécifiques contrôlées par les gènes mat (Figure 6). Dans un noyau mat-, FMR1 et SMR2 activent des gènes nécessaires à la reconnaissance du noyau mat- par le noyau mat+ et réciproquement, dans un noyau mat+, FPR1 active les gènes nécessaires à la reconnaissance du noyau mat+ par le noyau mat-. Cette activation est accompagnée d’une répression des gènes du système de reconnaissance opposé (Arnaise et al. 2001). Un modèle dit d’identité nucléaire a été présenté à partir de ces données (Figure 6). Ce modèle propose que les hyphes ascogènes ne puissent se développer que lorsqu’elles reçoivent deux noyaux exprimant des identités nucléaires différentes. Dans certains cas, les hyphes ascogènes peuvent se développer si elles reçoivent un seul noyau exprimant les deux identités. C’est ce qu’on observe dans des croisements impliquant des mutants mat.

Le croisement des mutants fmr1-, smr2- ou fpr1- chez lesquels le domaine nécessaire à la fécondation n’est pas altéré, avec une souche sauvage de référence, donne des crochets uninucléés et une descendance faible en grande partie uniparentale. La majorité des asques issus de ces croisements sont constitués uniquement de spores du phénotype de la souche mutante (Arnaise et al. 2001).

Figure 6: Régulation de la reconnaissance internucléaire par les gènes mat. L’activation est représentée par une flèche alors que la répression est représentée par une barre (Turgeon and Debuchy 2007)

Trois types d’asques contenant des spores d’origine uniparentale sont observés : i) des asques contenant quatre grosses ascospores, ou trois grosses ascospores et deux petites spores, ii) des asques avec quatre petites spores et iii) des asques avec des ascospores anormales en taille et en nombre (Zickler et al. 1995). La première catégorie peut s’expliquer par caryogamie entre deux noyaux haploïdes identiques (Figure 7a). Les asques de la deuxième catégorie résultent vraisemblablement d’une méiose haploïde où la première division de méiose est absente (Figure 7b). La ségrégation anormale des chromosomes pendant la méiose haploïde cause la formation des ascospores isolées et anormales de la troisième catégorie (Figure 7c). Ces résultats démontrent que le noyau mat mutant se comporte en noyau égoïste, ignorant son partenaire sauvage du type sexuel opposé.

Les mêmes résultats sont observés lors de l’autofécondation des souches mutantes fmr1-, smr2- ou fpr1- de même que dans les croisements de ces souches avec des souches de même type sexuel. Ces résultats suggèrent que le noyau mutant exprime les deux identités mat+ et mat-. Cette autoreconnaissance est suffisante pour promouvoir un développement similaire à celui d’un couple de noyaux compatibles mat+ et mat-.

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Figure 7: Comparaison entre le croisement sauvage et les croisements mutant x sauvage à partir du stade de fécondation jusqu’à la formation des spores. Dans le croisement sauvage x mutant (a), le développement des asques est similaire au sauvage sauf que toutes les quatre ascospores contiennent deux noyaux mutant. Dans le croisement sauvage x mutant (b), la première division de méiose est absente et le noyau haploide effectue directement une seconde division de méiose et une division post-méiotique. Dans le croisement sauvage x mutant (c), la ségrégation anormale des chromosomes pendant la méiose haploïde cause la formation des spores isolées et anormales. Les noyaux des deux types sexuels sont représentés par des couleurs différentes (Zickler et al. 1995).

Le modèle d’identité nucléaire implique que les facteurs de transcription MAT retournent spécifiquement dans le noyau qui contient leur gène, afin de lui conférer son identité. Des analyses de complémentation nucléaire suggèrent effectivement que les produits des gènes mat retournent dans le noyau qui les code. Ces expériences comparent le résultat d’un croisement entre un mutant mat et une souche testrice sauvage, lorsque le gène complémentant la mutation est présent dans le parent sauvage, et non dans le parent muté. Si un phénotype sauvage est restauré, c’est que le produit du gène diffuse dans le noyau muté ; si

le croisement est identique à celui du mutant avec la souche testrice sauvage, c’est que le produit du gène ne diffuse pas dans le noyau muté. Ainsi ; le croisement d’une souche mutante smr2- par une souche sauvage mat+ contenant la copie sauvage de SMR2 donne une descendance identique à celle d’un croisement entre une souche smr2-par le sauvage (Arnaise et al. 1997). Ces résultats suggèrent que le produit de SMR2 ne diffuse pas du noyau mat+ au noyau mat-. Dans le cas de FMR1 le test de complémentation nucléaire montre que le produit de ce gène peut diffuser vers les noyaux adjacents (Arnaise et al. 1997). Le système de double hybride chez la levure a révélé que les protéines SMR2 et FMR1 interagissent physiquement. Ces données suggèrent que SMR2 séquestre FMR1 pour empêcher sa diffusion vers les noyaux voisins et l’aider à retourner vers le noyau mat-. Dans le cas de FPR1, la diffusion de la protéine d’un noyau mat+ au noyau mat- n’a pas été testée (Arnaise et al. 1997).

L’expression noyau-restreinte de FPR1, FMR1 et SMR2 permet de comprendre comment chaque type de noyau acquiert une identité nucléaire. Mais le mécanisme de la reconnaissance internucléaire ainsi que les gènes cible impliqués dans cette étape restent inconnus. Les mutants fmr1- et fpr1- affectent de la même façon la fécondation et la reconnaissance internucléaire. Cette corrélation pouvait suggérer que les deux mécanismes impliquaient des systèmes identiques. L’analyse de mutants délétés des gènes de phéromones a permis de montrer que les systèmes phéromones/récepteurs nécessaires à la reconnaissance intercellulaire pendant la fécondation n’intervenaient pas dans la reconnaissance internucléaire (Coppin et al. 2005).

Metzenberg et Glass ont proposé chez N. crassa un autre modèle dit modèle de ségrégation aléatoire (Metzenberg and Glass 1990). Dans ce modèle, la cellule diploïde de N. crassa contient un nouveau régulateur produit par la coopération des idiomorphes a et A. Ce nouvel hétérodimère est responsable de l’expression des gènes requis pour la formation des hyphes ascogènes. L’interaction entre MAT a-1 (homologue de FPR1) et MAT A-1 (homologue de FMR1) a été prouvée par double hybride mais aucune mutation de cette interaction n’a affecté le développement sexué chez N. crassa. En ce qui concerne les protéines MAT de P. anserina, le système double-hybride a révélé l’homodimérisation de FPR1 mais aucune interaction entre FPR1 et les autres facteurs de transcription mat-. Il faut cependant noter que ce système a échoué dans la détection de nombreuses interactions notamment entre a1 et 42 chez S. cerevisiae (Turgeon and Debuchy 2007). Selon ce modèle de ségrégation aléatoire, l’hétérodimère FMR1/SMR2 dans le noyau mat- et l’homodimère FPR1 dans le noyau mat+ répriment les gènes cibles impliqués dans la formation des hyphes ascogènes. Le couple des noyaux mat+/mat- produit un nouveau régulateur par la coopération des idiomorphes mat+ et mat-. Ce produit activerait l’expression des gènes impliqués dans la

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formation des hyphes ascogènes. Dans ce modèle, la formation des asques uniparentaux mat- serait due à la perte de la répression des gènes impliqués dans la formation des hyphes ascogènes en l’absence de l’hétérodimère FMR1/SMR2. L’expression de ces gènes permetterai l’engagement des noyaux mutants dans l’hyphe ascogène ce qui engendre des spores uniparentales. Un raisonnement similaire peut être appliqué au noyau mat+ mutant (Turgeon and Debuchy 2007).