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Le choix de la fonction de fécondité ne doit pas influencer nos résultats. Dans l’idéal tout algorithme génétique devrait permettre d’exhiber une forme de concentration lors d’une évolution en en-vironnement variable. Nous verrons que même un algorithme de Monte-Carlo présente ce type de résultats ce qui laisse entrevoir la généralité d’une telle propriété.

Notre premier test sera celui de l’algorithme de sigma-scaling décrit dans notre section sur les algorithme génétiques (p.36). Son principal défaut vient d’un recourt abondant à des nombres aléatoires (ce qui ralentit considérablement la simulation) et son manque de contrôle sur la taille de population. Si cette dernière est en effet constante en moyenne, elle reste soumise à des fluctuations qui peuvent éventuellement faire échouer la simulation. Cependant, quand ce n’est pas le cas, cet algorithme est très performant en environnement variable. En effet, un génotype très adapté est sus-ceptible d’avoir de nombreux enfants dans la génération suivante et de prendre le pas sur la population plus vite que dans le cas d’un algorithme de type élite. Or dans un environnement variant rapi-dement, cet effet est crucial pour le développement d’un génotype adapté au sein la population.

Pour une population de taille 103, il fallait avec un algorithme de type élite au moins 10 générations pour qu’un génotype enva-hisse cette dernière, ce qui explique les piètres résultats de notre simulation pour τ < 200. Hormis ces détails, cette nouvelle stra-tégie reproduit fortement les résultats présentés ci-dessus comme le montre al figure (28). C’est d’ailleurs la méthode qui avait été choisie lors de la rédaction de l’article comme nous l’avons fait remarquer précédemment.

Une forme d’implémentation radicalement différente de fonction de fécondité est la stratégie dite de tournoi149

. Un duel est défini 149. M. Mitchell. An Introduction to Genetic Algorithms. The MIT Press, 1998

comme la compétition de deux individus pris au hasard dans la population. Le plus faible des deux (en termes d’activité) est alors remplacé par une version mutée du vainqueur ; ces deux copies sont ensuite replacées dans la population. Une génération corres-pondant à un nombre de duels de l’ordre de la taille de population.

Bien que très différent dans sa construction des algorithmes gé-nétiques utilisés précédemment, ce type de modèle produit des ré-sultats très similaire en terme d’activité et de concentration, comme

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Figure 28: Exemple de résultats obtenus en utilisant un algorithme de sigma-scaling plutôt qu’une stratégie élite. La variante concentrée dispose d’une activité de l’ordre de 5.10−10

soit un ordre de grandeur supérieur au modèle nul et est comparable au résultat de la stratégie élite dans les mêmes conditions.

le montre la figure (29).

Figure 29: Exemple de résultats obtenus en utilisant un algorithme de tournoi plutôt qu’une stratégie élite. Ici encore, l’activité de la variante concentrée est supérieure d’au moins un ordre de grandeur au modèle nul.

Enfin, la question de savoir si un algorithme génétique est nécés-saire pour observer ce type de résultats ou non vient naturellement à l’esprit, en effet comprendre les différences essentielles entre la dynamique des systèmes biologiques et physiques est cruciale pour ces deux disciplines.

Nous proposons donc l’implémentation d’un algorithme de pseudo Monte-Carlo de la façon suivante150

. Notre population 150. Cet algorithme est inspiré des supple-mentary information de

Uri Alon, Nadav Kashtan, and Elad Noor. Varying environments can speed up evolution. PNAS, 104(34):13711– 13716, August 2007

sera constitué d’un seul génotype. Pour déterminer le génotype de la génération suivante, on génère N copies du génotype actuel que l’on soumet à mutation puis on détermine aléatoirement l’une d’entre elles en ajoutant un biais pour sélectionner les copies dont l’activité allostérique est importante. On peut par exemple effectuer un choix aléatoire avec une pondération :

p(G(t+1) =Gi)∝ exp  βMCαiα α  , (39) où les notations sont similaires à celles utilisées précédemment ;

αet σαsont respectivement les moyennes et les variances de l’ac-tivité au sein de la population et βMCest un paramètre ajustable quantifiant la pression de la sélection naturelle.

Bien qu’il n’y ait plus de notion de population, le phénomène de concentration apparaît aussi en utilisant cet algorithme avec

βMC = 1 comme représenté dans la figure (30). Notez cependant que cet algorithme n’échantillonne pas toutes les mutations pos-sibles mais seulement une petite partie de l’espace des génotypes autour de G(t), de la même manière qu’un algorithme génétique classique. Il lui faut donc un certain temps pour trouver une mu-tation efficace mais cette dernière est immédiatement sélectionnée. Il lui est cependant plus difficile de franchir les vallées de basse activité et est donc plus susceptible de se retrouver piégé dans un maximum local. Dans le cas βMC → +∞, on se retrouve dans un cas similaire à celui de Sélection Forte - Mutation Faible présenté en page41.

Figure 30: Exemple de résultats en utilisant l’algorithme de pseudo Monte-Carlo décrit précédemment avec βMC=1.

Le principe essentiel de la concentration ne réside donc pas dans l’évo-lution elle-même mais dans la comparaison de différentes échelles de temps. On peut noter trois échelles de temps principales dans notre sys-tème :

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Le temps minimal d’adaptation τaqui est le temps minimal qu’il faut à un système pour s’adapter d’un environnement à un autre. Ici, il est donné par le temps nécéssaire à l’algorithme pour proposer une mutation bénéfique et le temps que cette dernière envahisse la population. C’est le temps en dessous duquel l’évolution n’est pas différentiable du modèle nul,

Le temps de construction τcc’est-à-dire le temps qu’il faut au sys-tème pour augmenter le nombre de sites impliqués dans la fonc-tion,

Le temps caractéristique de l’environnement τe.

On suppose τa  τc, la question est donc : où se place τe? Si

τe < τale système n’est pas capable de suivre les fluctuations de l’environnement et présente un caractère pratiquement aléatoire ou en tout cas non-adapté. Si à l’inverse τc < τe, le système ne réagit pas comme un environnement fluctuant mais comme un environnement constant car sa « mémoire » ne porte pas entre deux changements d’environnement. C’est dans le cas où τa <

τe < τcque le système présente une concentration résultant d’une adaptation à un environnement variable.

Si le dernier paramètre est complètement dépendant de l’en-vironnement, les deux premiers sont le résultat à la fois du choix de l’algorithme et de la fonction de fécondité mais aussi du plan d’évolution. Ces dépendances sont potentiellement complexes et mériteraient un approfondissement. Il serait notamment intéressant de comprendre comment le plan d’évolution permet de modifier la géométrie de l’espace des génotypes et de perturber ainsi la dyna-mique de l’évolution. Nous nous contenterons ici de montrer que les différents choix de plans d’évolution ne perturbent pas notre résultat.

Plan d’évolution

Le plan d’évolution détermine quelles mutations seront propo-sées à l’évolution afin d’améliorer l’activité allostérique. Il apparaît donc de deux manières dans l’apparition de la concentration. D’une part, c’est lui qui est susceptible de récupérer la fonction après un changement d’environnement et ainsi de diminuer τa et τc, mais c’est aussi lui qui détermine la facilité à construire de novo une nou-velle fonction ou à augmenter la largeur de la région fonctionnelle.

En effet, si le processus de mutation rend difficile d’ajouter des sites aux régions déjà formées, par exemple en ayant tendance à faire dériver vers 0 les couplages sans sélection151

, ce dernier aura 151. Comme c’est le cas dans la plu-part des processus multiplicatifs puisqu’une fois qu’un paramètre est proche de zéro, les mutations de ce dernier auront par construction des effets faibles.

tendance à garder constante la largeur de ces régions entre deux changements d’environnement, ce qui facilite une certaine forme de concentration. Un phénomène semblable a déjà été noté par Friedlander et al.152

. 152. T Friedlander, A E Mayo, T Tlusty,

and U Alon. Mutation rules and the evolution of Sparseness and Modula-rity in Biological Systems. PLoS ONE, 2013

Cependant, si pratiquement tous les plans d’évolution possèdent un régime de paramètres dans lequel ils conduisent à l’apparition

de parcimonie, cette région peut être plus ou moins large selon les cas (figure non montrée). Des plans d’évolution pour lesquels τa

est très important, comme le processus additif décrit au chapitre précédent, exhiberont une très large plage de concentration pour des valeurs élevées de τe, signe d’un écartement des pics de haute activité dans l’espace des génotypes munis d’une distance par le plan d’évolution.

Figure 31: Exemple de résultats obte-nus en utilisant un plan d’évolution multiplicatif pour lequel les mutations sont représentées par la multiplica-tion du couplage par une variable gaussienne de moyenne unitaire et d’écart-type σm=1.7.

Les quatre propositions évoquées lors de la description de notre modèle au chapitre précédent montrent ainsi une plage de concen-tration aux alentours de τe ' 103générations. Trois de ces plans d’évolution partagent cependant la caractéristique de pouvoir tou-jours changer le signe d’une interaction en une seule étape – seul le processus additif fait défaut à cette propriété. Ceci est très im-portant car c’est de cette capacité que ces plans d’évolution tirent la possibilité de s’adapter à un nouvel environnement en un faible nombre de mutations. Le phénomène de concentration n’est pos-sible qu’à la condition que l’espace des génotypes présente un che-min simple entre les deux fonctions. Le plan d’évolution déterche-mine la structure géométrique de l’espace des génotypes et détermine donc si un tel chemin existe ou non.

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