Définition 3.1.11. Soit (L, ρ) un foncteur de localisation sur une catégorie abélienne C. On note T le noyau de ρ, c’est le foncteur de torsion associé à L. Ainsi, si X ∈ C, on a la suite exacte courte : 0 //T(X) //X ρX //L(X). Remarque 3.1.12. Soit(L, ρ) un foncteur de localisation par rapport à une théorie de torsion héréditaire T. Par hypothèse,ρX est uneT-équivalence, donc pour tout X∈ C,T(X)∈ T. Le lemme suivant démontre queT(X) est le plus grand sous-objet deX qui est dansT : Lemme 3.1.13. Soit (L, ρ) un foncteur de localisation par rapport à une théorie de torsion héréditaire T etT le foncteur de torsion associé. Alors, pour tout objetT ∈ T et toutX ∈ C, on a : HomC(T, X/T(X)) = 0. Démonstration : SoientT ∈ T,X∈ C etf :T −→X/T(X)∈ C. CommeL(X)est T-local, on a : HomT(T, L(X)) = 0. La composée T −→f X/T(X)֒→L(X) est nulle, doncf = 0. 3.2 Foncteurs Ln de Hovey-Strickland Considérons maintenant les foncteurs de localisation définis sur la catégorie des comodules à gauche gradués sur l’algébroïde de Hopf (BP∗,BP∗BP). Ces foncteurs ont été étudiés par Ravenel dans [Rav92] et Hovey et Strickland dans [HS05a] et [HS05b]. Tout d’abord, définissons les foncteurs de localisation Ln par rapports aux théories de torsion héréditaire Tn, pour n≥0. Définition 3.2.1. Soitn≥ −1. On note Tn la théorie de torsion héréditaire de la catégorie des BP∗BP-comodules constituée des comodules de vn-torsion (par convention, v−1= 0) : Tn= M ∈BP∗BPComod| vn−1M = 0 . Remarque 3.2.2. D’après le lemme 2.3 de [JY80], un BP∗BP-comoduleM est devn-torsion si et seulement si il est de In+1-torsion, où In+1 est l’idéal invariant (v0,· · · , vn) (cf. la définition 1.8.11). Comme cet idéal ne dépend pas du choix des générateurs vi, il en est de même pour la théorie de torsion héréditaire Tn. Le théorème suivant montre que lesTnsont les seules théories de torsion héréditaire simples. Théorème 3.2.3 (3.1, [HS05a]). Soit T une théorie de torsion héréditaire de la catégorie des BP∗BP-comodules à gauche. Si T contient un comodule de présentation finie non nul, alors il existe un entier n≥ −1 tel que T =Tn. Définition 3.2.4. Soit M un BP∗-module gradué. On définit la hauteur de M comme étant le plus grand entier n tel que M/InM 6= 0 : ht (M) = sup{n∈N | M/InM6= 0} ∈N∪ {∞}. Exemple 3.2.5. Soit n ≥ 0 un entier et E(n)∗ = v−n1BP∗. On note Φn : BP∗ −→ E(n)∗. Le morphisme Φn est Landweber exact pour l’algébroïde de Hopf (BP∗,BP∗BP) et E(n)∗ est de hauteur n. 82 Chapitre 3. Foncteurs de localisation Le théorème suivant montre qu’en utilisant une BP∗-algèbre Landweber exacte, on ne peux pas obtenir d’autres théories de torsions héréditaires sur la catégorie des BP∗BP-comodules que les théories de torsion héréditairesTn. Théorème 3.2.6(4.2, [HS05a]). Soientf :BP∗−→B etf′:−→B′ deux morphismes d’algèbres Landweber exacts pour l’algébroïde de Hopf (A,Γ) = (BP∗,BP∗BP) tels que : ht (B) = ht B′ = n∈N∪ {∞}. Alors les foncteurs de localisations Lf et Lf′ sont naturellement isomorphes et, les catégories de ΓB-comodules et de ΓB′-comodules sont équivalentes. De plus : – Si n < ∞, ces catégories sont équivalentes à la localisation de la catégorie des BP∗BP -comodules par rapport à la théorie de torsion héréditaire Tn. – Sin=∞, ces catégories sont équivalentes à la catégorie des BP∗BP-comodules. Remarque 3.2.7. Sous les hypothèses du théorème 3.2.6 et d’après le théorème 2.6.7 on peut trouver un ΓB-ΓB′ bicomoduleW coplat en tant que ΓB′-comodule à droite et unΓB′-ΓB bico-module T coplat en tant que ΓB-comodule à droite qui réalisent cette équivalence de catégorie. D’après la proposition 2.7.8 on peut choisir : W =B⊗AΓ⊗AB′ et T =B′⊗AΓ⊗AB. Définition 3.2.8. Soitn≥0. On notera Lnet Tn les foncteurs de localisation et de torsion (cf. la définition 3.1.11) par rapport à la théorie de torsion héréditaire Tn. Ln, Tn:BP∗BPComod−→BP∗BPComod. Par abus de langage, on dira qu’un BP∗BP-comodule est Ln-local s’il est Tn-local. Remarque 3.2.9. On peut remarquer que Ln≃Φ∗ n◦Φn∗, oùΦ est le morphisme d’anneau de l’exemple 3.2.5. La proposition suivante précise le lemme 3.1.10 : elle caractérise les BP∗BP-comodules Ln -locaux par des foncteurs Hom et Ext1 calculés dans la catégorie des BP∗-modules, au lieu de la catégorie des BP∗BP-comodules. Elle est énoncée dans [HS05a] et [HS05b] ; sa démonstration utilise des résultats de l’article [JY80]. Proposition 3.2.10 (4.6, [HS05b]). Soit M un BP∗BP-comodule. Alors M est Ln-local si et seulement si : HomBP∗(BP∗/In+1, M) = Ext1BP∗(BP∗/In+1, M) = 0. Ce résultat permet de démontrer les deux propositions suivantes qui exhibent des comodules Ln-locaux. Cela permet de calculerLnM pour des comodules M particuliers. Proposition 3.2.11 (1.2, [HS05b]). Soit 0≤j < n deux entiers. Soit M un BP∗BP-comodule de vj−1-torsion sur lequel(vj, vj+1) est une suite régulière. Alors M est Ln-local. Proposition 3.2.12 (1.6, [HS05b]). Soit 0≤j ≤n deux entiers. Soit M un BP∗BP-comodule tel que vj : Σ|vj|M −→M est une bijection. Alors M est Ln-local. Lemme 3.2.13. Soit M un BP∗BP-comodule de vn−1-torsion. Il existe une unique structure de BP∗BP-comodule sur v−1 n M telle que le morphisme M −→ v−1 n M soit un morphisme de comodules. Démonstration: D’après la remarque 3.2.2,M est deIn-torsion. Commevnest invariant modulo 3.2. Foncteurs Ln de Hovey-Strickland 83 Corollaire 3.2.14 (1.7, [HS05b]). Soit n ≥ 0 un entier et M un BP∗BP-comodule de vn−1 -torsion. Alors LnM ≃v−1 n M. En particulier, pour tout BP∗BP-comodule M, L0M =Q⊗ZM. Démonstration : D’après le lemme 3.2.13, il existe une unique structure de comodule surv−1 n M telle que le morphisme M −→ v−1 n M soit un morphisme de BP∗BP-comodules. Ce morphisme est une Tn équivalence et, d’après la proposition 3.2.12, v−n1M est Ln-local. On en déduit que LnM ≃vn−1M. Corollaire 3.2.15. Soient k, n≥0 deux entiers. Alors : LnBP∗/Ik= BP∗/Ik si k < n vn−1BP∗/In si k=n 0 si k > n. D’après la proposition 2.7.5, le foncteurLn est exact à gauche. Il en est donc de même pour le foncteur Tn. Pour i≥ 0, nous noterons Lin et Tni leurs i-ème foncteur dérivé à droite. Nous allons maintenant étudier ces foncteurs. Définition 3.2.16. Soit A une catégorie abélienne. On dit qu’un monomorphisme M ֒→ N de A est une extension essentielle si pour tout X ∈ Atel que M⊕X ֒→N alors X= 0. Exemple 3.2.17. Si A est la catégorie des groupes abélien Ab, alors les morphismes suivants sont des extensions essentielles : – Z֒→Q, – 2Z֒→Z, La proposition essentielle est la suivante : Proposition 3.2.18 (2.2, [HS05b]). La théorie de torsion héréditaire Tn est stable par extension essentielle. En particulier, Tn est stable par enveloppe injective. Démonstration: SoitM unBP∗BP-comodule devn-torsion etM ֒→N une extension essentielle. Soit x∈N etI =p Ann(x). D’après le théorème 1 de [Lan79],I est un idéal invariant de BP∗. Sixn’est pas devn-torsion,vn∈/ I et on doit avoirI =Ik pour un certaink≤n. Le théorème 2 de [Lan79] implique alors qu’il existe un élément primitify∈N tel queAnn(y) = Ik. Autrement dit, BP∗/Ik est un sous-comodule de N. CommeBP∗/Ik n’a pas de vn-torsion, son intersection avec M doit être triviale. Cela contredit le fait que N est une extension essentielle de M. Donc N est devn-torsion. Corollaire 3.2.19 (2.3 et 2.4, [HS05b]). Soit I un BP∗BP-comodule injectif. Alors : – TnI et I/TnI sont des BP∗BP-comodules injectifs, – I ≃TnI ⊕I/TnI, – LnI ≃I/TnI. Démonstration : L’enveloppe injective de TnI est un sous-comodule de I, carI est un injectif, et devn-torsion, d’après la proposition 3.2.18. L’enveloppe injective deTnI est donc TnI, etTnI est injectif. On en déduit donc que I/TnI est injectif et que la suite exacte courte : 0 //TnI //I //I/TnI //0. est scindée. Pour la dernière assertion, on remarque que le morphisme I −→ I/TnI est une Tn équivalence et que, d’après le lemme 3.1.10,I/TnI estLn-local puisque c’est un comodule injectif sans vn-torsion. On a donc LnI =I/TnI. 84 Chapitre 3. Foncteurs de localisation Corollaire 3.2.20 (3.1, [HS05b]). Soitn≥0 etM un BP∗BP-comodule. On a une suite exacte courte naturelle de comodules : 0 //TnM //M //LnM //Tn1M //0 et, pour i≥1, l’isomorphisme naturel : LinM ≃Tni+1M. En particulier, pour n= 0, on a : L0M =Q⊗ZM , T01M =BP∗/p∞⊗BP∗M , T0M = TorBP∗ 1 (BP∗/p∞, M) et Li0M =Tni+1M = 0 pour i≥0. Démonstration : Soit M −→I• une résolution injective deM. D’après le corollaire 3.2.19, on a la suite exacte courte de complexes suivante : 0 //TnI• //I• //LnI• //0. La suite exacte longue induite en homologie donne le résultat. Pourn= 0, on sait déjà grâce au corollaire 3.2.14 que L0 =Q⊗Z−. Le foncteurL0 est donc un foncteur exact et Li 0 =T0i+1 = 0 pour tout i≥0. Enfin, d’après ce qui précède, on a la suite exacte courte de comodules : 0 //T0M //M //L0M //T01M //0. On peut remarquer que L0 = Q⊗Z− = p−1BP∗⊗BP∗− et que cette suite exacte est la suite exacte longue des foncteurs TorBP∗ (−, M) du théorème 3.3.14 appliqué à la suite exacte courte : 0 //BP∗ //p−1BP ∗ //BP∗/p∞ //0. On en déduit les isomorphismes pourT0 etT01. Corollaire 3.2.21. Soit M un BP∗BP-comodule de vn-torsion. Alors M admet une résolution injective M −→ I• dans la catégorie des BP∗BP-comodules telle que Im est de vn-torsion pour tout m≥0. En particulier, on en déduit que pour tous i≥0 et tout k≤n : LikM =Tki+1M = 0. Démonstration : Soit M un BP∗BP-comodule de vn-torsion. D’après la proposition 3.2.18, il existe un BP∗BP-comodule injectif I0 de vn-torsion qui contient M. Soit M1 le quotient de I0 par M : 0 //M //I0 //M1 //0. Comme I0 est de vn-torsion, M1 est alors de vn torsion. On en déduit alors, par récurrence, l’existence d’une résolution injective deM : 0 //M //I0 //I1 //I2 //· · · telle que pour toutm≥0,Imest devn-torsion. Soitk≥n. D’après la remarque 3.2.2,TkIm=Im pour tout m≥0. D’après le corollaire 3.2.20, pouri≥0 : LikM =Tki+1M = Hi+1(TkI•) = Hi+1(I•) = 0. Théorème 3.2.22 (3.5, [HS05b]). SoitM unBP∗BP-comodule etj≥0tel que vj : Σ|vj|M −→ M est une bijection. Alors, pour tous n≥0 et tout i >0, LinM = 0. De plus, LnM = 0 si j > n et LnM =M si j≤n. Dans le document Sur l'action des coopérations homologiques sur l'homologie de Brown-Peterson de l'espace classifiant d'un p-groupe abélien élémentaire (Page 82-86)