3.2 Électro-aimants filaires
3.2.2 Focalisation magnétique
Un actionneur, pour effectuer une manipulation, ou un détecteur, pour une bonne
reproduc-tibilité, peuvent nécessiter un positionnement spécifique de l’objet avec lequel ils sont en
interaction. C’est par exemple le cas d’un détecteur GMR décrit dans le chapitre
d’introduc-tion [145], avant lequel les particules magnétiques sont focalisées au centre de la canalisation
microfluidique. La solution décrite repose sur l’aimantation de lignes de Nickel, mais on peut
imaginer d’autres méthodes. En particulier, l’utilisation de bobines offre un contrôle local
temporel (possibilité d’actionner aucune, une ou plusieurs bobines en fonction du temps) et
en intensité.
Avec le système décrit précédemment, on perçoit simplement qu’un fil conducteur placé
en travers (avec un angle non droit) d’une canalisation parcourant l’axe des ˆyau centre de
la puce engendre une force de répulsion ou d’attraction, selon toutes les coordonnées, le
long du fil. La Fig.3.5présente le principe de cette approche pour former des bobines qui
décalent des particules magnétiques latéralement (selon ˆx) le long du canal central. Deux
designs sont proposés : l’un regroupe une simple bobine, et l’autre deux bobines actionnables
séparément. L’angle de 45 ° formé avec le canal a été choisi arbitrairement, de même que le
nombre d’unités d’actionnement (5×2 pour les doubles bobines et 3×2 pour les simples). Les
gradients efficaces du champ magnétique ont été calculés pour ces deux géométries (voir Fig.
3.5b) et c).
Tous les calculs des sections bobines filaires3.2et spirales3.3, sauf mention contraire, sont
réalisés pour un espacement inter-aimants permanentΔx=35 mm, à mi hauteur en
consi-dérant un canal de 20μm de profondeur (z=10μm), et pour une intensité parcourant les
bobines de 100 mA.
Pour passer de la valeur du gradient efficaceGà la force magnétique appliquée à une particule
magnétisée à saturation, on rappelle que d’après l’équation (3.3) on a :Fmag=V MsG. Ainsi,
pour des particules de type M-450, le ratio est deFmagG 1.40 pN m T−1. Les bobines, à 100 mA,
permettent d’atteindre des forces d’environ 60 pN. Ces forces sont le plus intense selon ˆz, à la
verticale des fils (répulsion), et sont également importantes selon l’axe ˆxpour la focalisation.
Sur les doubles bobines, les forces selon l’axe ˆysont aussi conséquentes et donnent lieu à des
phénomènes de ralentissement et d’accélération consécutifs à chaque passage d’unité.
Afin de prédire le comportement du système, les trajectoires pour des billes situées à
diffé-rentes positions de départ ont été calculées et sont reportées sur la Fig.3.6. Les billes sont
FIGURE3.5 – Principe de la focalisation magnétique à une et deux bobines. a) Schéma du
système représentant le canal microfluidique et les bobines induisant un déplacement des
particules vers le centre du canal. b-c) Gradient efficace du champ magnétiqueGen fonction
dexety, à une altitudez=10μm dans la canalisation, pour le système à deux bobines (b) et
une bobine (c). L’intensité parcourant les bobines est de 100 mA, et l’écartement des aimants
permanentsΔx=35 mm.
initialement situées au centre de la canalisation selon ˆyet ˆz, et à différents écartements du
centre selonx:x0=10, 20, 30 ou 40μm. La vitesse moyenne du liquide est de 2 mm s−1et
l’in-tensité varie de 50 à 100 mA. Quelle que soit l’inl’in-tensité, on observe une action de focalisation
pour les billes situées àx0=10, 20 et 30μm, et au contraire une exclusion (rapprochement des
bords) pour la bille située à 40μm du centre au départ. Comme on s’y attend, la focalisation
est d’autant plus importante et rapide que l’intensité est élevée.
L’observation de l’altitude fait remarquer deux points intéressants : lors de la phase de
fo-calisation (au niveau du piège), les billes étant situées au centre (selon ˆx) des deux bobines
sont plaquées au sol de la canalisation, alors que les billes traversant au-dessus des bobines
sont repoussées vers le haut. D’autre part, lorsque les billes sortent des bobines, une force de
répulsion selon ˆzles remet en suspension. A priori, d’après les calculs, ce système permet de
focaliser la plupart des billes magnétiques selon l’axe ˆx, comme on le souhaite.
L’implémentation expérimentale a été réalisée avec les deux dispositifs, comme le montre
la Fig.3.7. Une des difficultés avec l’intégration du système réside dans l’observation des
particules : elle se fait à travers le substrat, et les billes sont masquées par les bobines. Ce
constat est le même pour des billes fluorescentes assez larges (Spherotech de 8μm de diamètre)
ou pour des billes non fluorescentes (Invitrogen M-450 de 4.4μm). Étant donnés le faible
contenu en fer et l’aimantation à saturation limitée des billes fluorescentes, et par cohérence
avec les calculs précédents seuls les résultats obtenus avec les billes M-450 sont présentés. Les
images obtenues par microscopie en champ clair peuvent être traitées pour isoler les particules
(Fig.3.7a et c), mais ce n’est pas suffisant pour permettre un bon un suivi automatique. Un
suivi manuel a donc été fait sur un ensemble de particules isolées couvrant la largeur de la
canalisation (b et d). Pour une intensité de 85 mA et un écart entre les aimants permanents de
Δx=35 mm, on observe que le système à double bobine permet de focaliser efficacement les
particules, et ce jusqu’à de vitesses initiales de l’ordre de 2.5 mm s−1. Ce n’est pas le cas pour
la bobine unique, qui ne présente que 6 unités actives (contre 10 pour les double bobines).
En présence d’une forte concentration de billes magnétiques et d’un champ suffisant pour
atteindre la saturation, des agrégats se forment : on observe des séries de deux, trois billes ou
plus, s’attirant pour former une chaîne orientée selon la composante la plus forte du champ
(voir la chaîne de trois billes Fig.3.7a). Ces chaînes sont plus réactives aux gradients de champ
magnétique ; cet effet n’a pas été étudié plus avant dans cette thèse mais ouvre cependant
d’intéressantes prospectives [41,179].
En changeant la polarité des bobines, ces systèmes peuvent être utilisés afin de dépeupler
le centre du canal de billes magnétiques, qui sont dirigées vers les parois. Avec les bobines
doubles, il esta prioripossible de diriger les billes d’un bord à l’autre du canal.
Des expériences complémentaires sont nécessaires afin de caractériser de manière
quanti-tative les systèmes de focalisation (efficacité en fonction du débit, de l’intensité électrique
injectée, variabilité de la vitesse en sortie. . . ). Avec les observations effectuées, une preuve de
concept a été apportée, notamment pour le système à deux bobines.
FIGURE3.6 – Résultats de calculs de trajectoires pour un système de focalisation à deux
bobines filaires. Les trajectoires de billes selon les coordonnéesx,yetzsont fournies pour
trois intensités électriques différentes : a) 50 mA, b) 75 mA, et c) 100 mA. La vitesse moyenne
du liquide est de 2 mm s−1pour les trois cas. Les positions initiales sontx0=10, 20, 30 et 40μm,
y0= −300μm etz0=10μm. Les points noirs représentés sur les trajectoires marquent des pas
de temps de 0.1 s.
FIGURE 3.7 – Résultats expérimentaux pour les systèmes de focalisation. a-c) Images de
microscopie optique en champ clair traitées et superposées pour illustrer les trajectoires de
particules pour les systèmes à deux bobines (a) et bobine unique (c). Les images de (a) font
apparaître la trajectoire d’un groupe de 3 billes (haut) et d’une bille unique (centre/bas). b-d)
Extraction de trajectoires (suivi de particules manuel) pour les deux systèmes. L’intensité
parcourant les bobines est de 85 mA. L’intervalle de temps entre deux images successives est
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Microfluidique 3D et actionneurs magnétiques : de leur intégration à la préparation d'échantillons biologiques
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