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L’adhérence, l’activation et l’agrégation des plaquettes sont modulées par les conditions hémorhéologiques, qui dépendent principalement du débit sanguin, de la géométrie vasculaire et de la viscosité du sang.

4.1. Eléments de rhéologie sanguine

Selon les lois établies par Poiseuille, un fluide newtonien se déplace dans un cylindre selon un flux laminaire, modélisé comme une infinité de couches coaxiales c’est-à-dire dont l’axe de symétrie est identique à celui du cylindre (Figure 27A) (Goldsmith and Turitto,

1986). En raison de sa viscosité intrinsèque, responsable de frictions entre les différentes

couches, un fluide newtonien présente un profil de vitesse parabolique, cette dernière étant maximale au centre et nulle à la paroi (Figure 27B). Deux paramètres sont couramment utilisés pour caractériser l’écoulement laminaire :

1) Le taux de cisaillement, défini comme le gradient de vitesse relatif entre deux couches de fluide contiguës ou entre la paroi et la couche de fluide immédiatement adjacente. Inversement proportionnel à la vitesse, il est maximal à la paroi et nul au centre du cylindre (Figure 27B). Il est estimé d’après l’équation :

r = 4.Q.r / (π.R4) r = le taux de cisaillement (s-1) Q = le débit (m3/s)

r = la distance par rapport au centre (m) R = le rayon du cylindre (m)

96 2) La contrainte de cisaillement, qui représente la force par unité de surface exercée dans le sens du flux entre deux couches de fluide contiguës ou sur la paroi. Elle est estimée d’après l’équation :

rr.  r = la contrainte de cisaillement (dyne/cm2

)

  r = le taux de cisaillement (s-1) 

   = la viscosité du fluide (poise)

Pour un fluide newtonien, la viscosité ne dépend que de la température et de la pression atmosphérique et est indépendante des conditions de cisaillement. Le sang est un fluide non newtonien car sa viscosité diminue lorsque le taux de cisaillement augmente en raison de la présence des globules rouges et de leur capacité à se déformer (Goldsmith and

Turitto, 1986). Toutefois, la viscosité varie peu à proximité de la paroi vasculaire et, de ce

fait, lorsqu’on s’intéresse aux interactions des plaquettes avec le sous-endothélium, le sang peut être considéré comme un fluide newtonien, de viscosité égale à 0.038 poise (Kroll et al.,

1996; Nesbitt et al., 2006). Dans ces conditions, on observe que la diminution du rayon (R)

vasculaire s’accompagne d’une forte augmentation du taux et de la contrainte de cisaillement à la paroi. Ainsi, leurs valeurs sont faibles dans les veines et les grosses artères, élevées dans les artérioles et la microcirculation et extrêmes au niveau de la gorge d’une sténose (Tableau

3) (Goldsmith and Turitto, 1986; Kroll et al., 1996).

4.2. Impact du flux sanguin sur les fonctions plaquettaires

Une conséquence importante de l’écoulement du sang est la migration des globules rouges au centre du vaisseau, créant une zone riche en leucocytes et en plaquettes à proximité de la paroi. Ce phénomène, appelé margination, facilite l’interaction des plaquettes avec le sous-endothélium (Aarts et al., 1988; Goldsmith and Turitto, 1986; Turitto and Weiss,

97 Le flux peut également moduler la conformation des protéines adhésives, modifiant leurs propriétés. Par exemple, les contraintes de cisaillement déplient les molécules de FW globulaires immobilisées au site de lésion, exposant le domaine A1 d’interaction avec la GPIb(Di Stasio and De Cristofaro, 2010; Siedlecki et al., 1996). Le flux régule aussi les

domaines A2 (Zhang et al., 2009) et A3 (Schneider et al., 2007), favorisant leur reconnaissance par respectivement la protéase ADAMTS13 et le collagène.

Enfin, les conditions hémorhéologiques déterminent l’importance relative des récepteurs dans l’adhérence, l’activation et l’agrégation plaquettaires. Alors qu’en présence de flux faibles les intégrines et la GPIb participent à l’étape initiale de capture des plaquettes, seule la GPIb qui possède une cinétique d’association élevée avec le FW, est impliquée dans ce processus en condition de flux élevés (Savage et al., 1996; Varga-Szabo et al.,

2008). Par ailleurs, les gradients de cisaillement, observés notamment au niveau d’une sténose

(voir section 5.1.2.), augmentent la signalisation initiée par l’intégrineIIb, un processus appelé mécanotransduction (Goncalves et al., 2005). Enfin, les taux de cisaillement extrêmes (> 10 000 s-1) déclenchent une agrégation plaquettaire médiée par l’axe GPIb/FW et indépendante d’IIb (Moake et al., 1986; Nesbitt et al., 2009; Ruggeri et al., 2006).

Vaisseaux Taux de cisaillement moyen à la paroi (s-1) Contrainte de cisaillement moyenne à la paroi (dyne/cm2) Veines 20 – 200 0.76 – 7.6 Coronaire gauche 290 11 Carotide commune 270 10.3 Artère fémorale 300 11.4 Artérioles 500 – 1 600 19 – 61 Capillaires 260 – 2 000 10 – 76

Gorge d’une sténose 500 – 20 000 19 – 760

Tableau 3 : Taux et contrainte de cisaillement moyens mesurés à la paroi de différents vaisseaux humains (d’après Gay and Zhang, 2008; Goldsmith and Turitto, 1986; Kroll et al., 1996; Siegel et al., 1994).

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4.3. Modèles d’étude des fonctions plaquettaires en condition de flux

Plusieurs systèmes d’étude en condition de flux furent développés au cours des années 1970. Il s’agit notamment du viscosimètre (Brown et al., 1975) et du système rotatoire de Cazenave (Cazenave et al., 1975), qui permettent d’appliquer des contraintes de cisaillement à une suspension plaquettaire. La première chambre de perfusion fut mise au point par Baumgartner et consiste en un cylindre dans lequel sont placés des segments de vaisseaux animaux éversés dont l’endothélium a été dénudé (Baumgartner, 1973). Du sang anti-coagulé est ensuite aspiré à travers le cylindre à l’aide d’une pompe programmable. L’observation des plaquettes adhérentes se fait a posteriori par réalisation de coupes histologiques (Baumgartner, 1973; Baumgartner et al., 1976). En 1983, Sakariassen développa une chambre de perfusion utilisant des lamelles de verre recouvertes de protéines adhésives purifiées. Les plaquettes adhérentes peuvent cette fois être visualisées directement au microscope (Sakariassen et al., 1983). Par la suite sont apparues des chambres présentant une géométrie complexe comme une marche (Skilbeck et al., 2001), une bifurcation

(Szymanski et al., 2008) ou encore une sténose (Tovar-Lopez et al., 2010). Les travaux

présentés dans cette thèse sont basés sur une variante, développée au début des années 1990, qui utilise des microcapillaires de verre de section rectangulaire recouverts de protéines purifiées (Cooke et al., 1993; Mulvihill et al., 1987; Poot et al., 1988). Ceux-ci sont collés sur la platine d’un microscope inversé, et relié par des tubulures en silicone en amont à un réservoir de sang et en aval à une pompe à seringue aspirante. Différents débits peuvent être appliqués afin de reproduire les taux de cisaillement rencontrés dans divers territoires vasculaires. Les plaquettes adhérentes sont visualisées en temps réel par fluorescence ou via différentes techniques en champ clair comme le contraste interférentiel différentiel (DIC). Une caméra CCD (Charge-coupled device) couplée au microscope permet l’enregistrement vidéo suivi de l’analyse par un logiciel d’imagerie (Figure 28) (Kulkarni et al., 2004).

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Figure 28 : Schématisation (A) et photographie (B) du dispositif de perfusion de sang au travers de microcapillaires de verre. i, incubateur ; mc, microcapillaire ; mi, microscope

inversé ; p, PBS (pour le lavage du système) ; r, robinet trois voies ; st, sang total anti-coagulé.

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Figure 29 : L’athérosclérose atteint préférentiellement les embranchements et courbures des artères de moyen et gros calibre. Schématisation de l’aorte et ses branches montrant les

principales zones développant des plaques d’athérosclérose (en gris) chez les souris déficientes pour le récepteur du LDL nourries avec un régime riche en gras pendant une année

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