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Chapitre I Etude bibliographique

4 Modèles de croissance cellulaire et de fonctionnement métabolique

4.2 Flux métaboliques et formulation matricielle

Avec ce qui précède, il sera donc toujours possible de formuler un modèle de fonctionnement métabolique en développant parallèlement trois axes :

L’expression, le calcul et la prédiction des rendements de conversion en fonction des conditions opératoires, des concentrations, du temps de culture, etc. et le respect de la contrainte de conservation des éléments, c’est-à-dire dans le cadre d’une ou plusieurs expressions des stœchiométries.

54 L’expression et la compréhension des cinétiques de transferts physiques qui peuvent devenir limitantes, tels que le transfert radiatif et les transferts de gaz dissous.

L’expression de cinétiques biologiques en considérant que, dans les cas de non limitation, les vitesses contrôlant le fonctionnement sont essentiellement de type enzymatique et résultent de ce fait de l’expression génétique.

L’ensemble de ces blocs de modèle doit être inséré dans un système de bilans en régime transitoire sur les substrats et les produits de la culture ( Eq. 8). Notons que la biomasse fait partie des produits.

Le premier axe de travail, qui concerne l’expression des stœchiométries, est finalement celui qui comporte le plus d’empirisme, car les variations ou les évolutions de rendements dépendent de facteurs intrinsèques qu’il faut essayer d’analyser. Bien entendu pour des utilisations strictement opérationnelles et à partir d’un corpus expérimental suffisant, la modélisation empirique de rendements non constants peut être parfaitement acceptable. Néanmoins le modèle obtenu s’adaptera difficilement à un changement de souche et / ou de conditions opératoires. Ce n’est pas l’approche qui est privilégiée ici. Ce travail de thèse envisage une analyse mécanistique plus poussée, avec l’ambition de prendre en compte une connaissance plus profonde du métabolisme.

La technique développée consiste à intégrer l’ensemble des voies métaboliques d’un microorganisme donné. On utilise le terme générique de calcul de flux métaboliques. Ceci signifie qu’on exprimera les cinétiques et les stœchiométries globales de la culture à partir d’une connaissance détaillée du métabolisme.

De façon globale et générale le fonctionnement du métabolisme cellulaire peut être récapitulé en trois grandes parties (Figure 19) :

 La synthèse de précurseurs (ou de briques) métaboliques, c’est-à-dire les molécules simples résultant du métabolisme central, principalement liée aux flux de carbone et d’azote.

 La synthèse des constituants cellulaires à partir des briques précédentes, autrement dit la synthèse des biomolécules élaborées composant la principale partie des constituants cellulaires.

55  Le métabolisme énergétique, régénérant les cofacteurs et régulant la régénération de l’ATP

nécessaire aux synthèses cellulaires.

G L Y C O L Y S E cycle de KREBS voie des pentoses

phosphate Maintenance PO Polymérisation macromolécules 95% Intermédiaires métaboliques (Fru-1,6diP-Glu) 5% Molécules Biologiques simples GA-3P Pyruvate aKG OAA

Entrée des substrats carbonés

( C6, C5 ) ( C4, C3, C2 ) Phosphore Soufre ADP + Pi H2O + ATP NADPH,H+ Dérivés riches en énergie Entrée du substrat azoté minéral (NH4+) CO2

Produits et sous-produits du métabolisme (éthanol, glycérol, acides organiques) Biomasse CHaObNcPdSe NADPH,H+ NADPH,H+ O2 H2O - NTP - FADH2 - NADH,H+ NAD+ FAD NTP c o u p l a g e CO2

Figure 19 : Vision de principe du métabolisme cellulaire

La base de la modélisation métabolique repose sur la prise en compte de la totalité des stœchiométries descriptives de l’ensemble des bioconversions cellulaires. Le point important est qu’aucune de ces stœchiométries ne comporte de coefficient stœchiométrique à déterminer, l’analyse des mécanismes métaboliques fournissant de facto, équation par équation, une description conforme au principe de Lavoisier.

La finalité est alors de déterminer (de modéliser) l’ensemble des vitesses métaboliques en fonction des conditions opératoires. Ce but apparaît comme beaucoup plus ambitieux que l’objectif précédent de modélisation de la culture, mais en fait, ce cadre structurel permet de formuler des conditions qui expriment des couplages entre les cinétiques physiques et les cinétiques enzymatiques. Le fonctionnement du système est formulé de façon matricielle de la façon suivante :

Eq. 12 désigne la matrice des coefficients stœchiométriques (n produits et substrats sur les lignes et

56 est le vecteur des flux métaboliques, c’est-à-dire des r vitesses de réaction. Les vitesses de

réaction sont obtenues une fois qu’on a multiplié le flux intracellulaire (en mole.gX-1) par la concentration en biomasse. Avec les notations précédentes, ceci s’exprime par :

Eq. 13 est le kième flux métabolique (mole.gX-1.h-1)

est la concentration en biomasse (gX.L-1)

et sont respectivement le coefficient stœchiométrique (algébrique) et la masse molaire

du produit k qui sert de référence à l’expression de la vitesse volumétrique Rk.

désigne le vecteur des entrées / sorties de la cellule. Les éléments de ce vecteur ont la

même unité que les éléments du vecteur (mole.gX-1.h-1) ; ce sont des vitesses réactionnelles qui doivent être exprimées en terme de vitesses spécifiques par unité de masse de biomasse sèche (ou éventuellement par unité de masse de protéine).

Afin d’utiliser cette formulation et de faire le raccord avec la formulation de bilan, le vecteur des vitesses ri s’exprime donc par :

Eq. 14 est le vecteur des vitesses réactionnelles volumétriques (g.L-1.h-1) pour n produits et substrats.

est la matrice diagonale des masses molaires des composés comportant n lignes et n

colonnes.

Quelle que soit la dimension du système, il existe une source de simplification importante qui consiste à supposer qu’un grand nombre de composés ne rentrent ni ne sortent de la cellule, appelés intermédiaires métaboliques, de sorte qu’une partie du vecteur au second membre soit déterminée (éléments égaux à 0). En d’autres termes, cette simplification consiste à supposer que les intermédiaires métaboliques sont formés et régénérés à la même vitesse. Ce qui amène à un ensemble de contraintes sur le calcul des vitesses, diminuant de façon drastique

57 l’indétermination du système. En corollaire, ceci revient à faire l’hypothèse d’un régime pseudo-permanent pour les intermédiaires métaboliques dont l’accumulation intracellulaire est négligée. Le plus souvent, cette supposition est justifiée puisque les phénomènes que l’on cherche à modéliser sont des valeurs moyennes sur l’ensemble du volume réactionnel. Mais également, il faut souligner que l’on cherche à représenter des phénomènes avec des constantes de temps de l’ordre de la dizaine de minutes alors que la modulation des concentrations intracellulaires est certainement beaucoup plus rapide.

Partant de là, on distingue dans les composés, les composés échangeables (E) entre l’intérieur de la cellule et son environnement et les composés intermédiaires métaboliques, non échangeables (NE), dont la vitesse d’accumulation est nulle.

Pour autant, si l’on a n produits et intermédiaires et r flux métaboliques, calculer les flux revient à construire, à partir de l’équation matricielle précédente, une matrice inversible (déterminant non nul) au moins d’ordre r avec un second membre dont les éléments sont tous connus et dont un au moins est non nul.

Sans entrer dans les détails de la méthode, on procède en plusieurs étapes :

On examine tout d’abord les colinéarités entre les lignes sur la partie qui concerne les intermédiaires métaboliques (NE). Il existe des lignes colinéaires, sachant que certains intermédiaires sont inscrits dans la description sous forme de radicaux (NAD, FAD, Adénosine, etc.) et que ce phénomène génère des colinéarités qui doivent être éliminées. On obtient ainsi n1 lignes indépendantes avec des zéros en correspondance dans le vecteur .

Si p désigne le nombre d’éléments (C, H, O, N, etc.) constitutifs des composés échangeables, il faut supprimer p lignes parmi celles qui sont nécessairement colinéaires aux autres, puisqu’elles sont en combinaison linéaire via la conservation stœchiométrique (imposée par le principe de Lavoisier). C’est le résultat de l’écriture exacte de toutes les stœchiométries du métabolisme qui crée intrinsèquement ce type de redondance à éliminer. On conserve alors les autres composés échangeables ce qui revient à prendre en compte n2 lignes linéairement indépendantes dans les échangeables.

Dans les n2 lignes précédentes, on ne considère que les lignes concernant les échangeables dont la vitesse est déterminée par des conditions externes (limitation par le transfert par exemple), de façon à exprimer au final les flux dans une situation de limitation. Il est en effet

58 impératif pour calculer le vecteur d’avoir pour chaque ligne une valeur finie en

correspondance dans le vecteur . Par exemple dans le cas d’une limitation par le transfert

d’oxygène, on retiendra l’oxygène comme échangeable et on exprimera la valeur de la vitesse de transfert d’oxygène dans le réacteur. Il reste donc après cette opération n3 lignes échangeables dont la vitesse est fixée.

A ce stade, on obtient une matrice qui est formée de n1 + n3 lignes non colinéaires et de r colonnes. Il y a toujours autant de flux métaboliques à calculer, soit r flux. Le vecteur comprend tous les éléments de qui correspondent aux lignes de la matrice de départ

qui ont été conservées. Par construction, tous les éléments de sont connus.

Pour pouvoir inverser et déterminer le vecteur des flux , on complète la matrice et le

vecteur soit par des relations supplémentaires au sein des flux qui tiennent compte des

couplages entre les voies métaboliques, soit par des contraintes thermodynamiques d’irréversibilité de certaines réactions, ou d’équilibres réactionnels, ou encore par des informations complémentaires concernant les transferts physiques comme par exemple à propos du transfert radiatif. C’est dans la partie du travail d’analyse que se situe réellement la partie modélisation de la culture. On complète ainsi la matrice d’une part, et le vecteur ,

d’autre part, par lignes supplémentaires. Ces lignes définissent les degrés de

liberté du système ou encore la dimension de l’espace de régulation métabolique. Dans la plupart des cas, on constate que la dimension de cet espace de régulation reste inférieure à 5. Ces informations supplémentaires définissent donc de nouvelles relations entre les flux métaboliques. Ces relations (linéaires) que l’on ajoute sous forme de lignes dans la matrice doivent être déterminées de façon à supprimer les colinéarités entre les colonnes si elles existent. C’est le cas notamment lorsqu’il y a des cycles métaboliques. Il en est de même lorsque l’on est dans l’impossibilité d’adjoindre la valeur d’une vitesse de production ou de consommation d’un composé échangeable qui est dans le vecteur . Il est alors possible de

remplacer la ligne relative à ce composé par une autre information concernant un ou plusieurs flux métaboliques lorsque ceci est plus facile à réaliser. A l’arrivée, on obtient alors une matrice qui est inversible et un vecteur dont tous les éléments sont définis. Dans le cas

59 où la matrice comporte plus de lignes que de colonnes, le système est surdéterminé ; on met

alors en place une méthode de réconciliation (par analyse multilinéaire). Ce dernier point n’est pas présenté ici.

La suite est très simple. Le vecteur des flux est donné par : . Bien entendu la

matrice est inversible par construction. Une fois les valeurs des flux connues, on les reporte

dans l’équation de départ pour obtenir toutes les vitesses des entrées / sorties de la cellule : . L’opération précédente est toujours réalisable, quelles que soient les colinéarités

qui existent dans la matrice . Les valeurs des éléments de sont insérées dans les

équations de bilans sur les composés de la culture. Ces bilans constituent toujours la structure du modèle. Ce système d’équations différentielles définit donc toujours le modèle de la culture.

De façon globale, outre l’écriture de la matrice , autrement dit de la stœchiométrie, le

principal travail de modélisation ne comprend plus que deux parties :

 Exprimer les vitesses de transfert physique, telles que les limitations physiques éventuelles ou encore suivant les notations de l’ Eq. 8 les flux volumétriques  Écrire les relations de couplage entre les voies, c’est-à-dire analyser sur le plan

thermodynamique et énergétique le fonctionnement du métabolisme cellulaire.

Par conséquent ce travail concerne tout autant l’analyse du métabolisme de Chlamydomonas reinhardtii que de la compréhension de la croissance d’Arthrospira platensis en mini photobioréacteur. Dans un cas comme dans l’autre, la compréhension fine des relations de couplage entre le transfert radiatif, la disponibilité de substrats carbonés et les cinétiques des échanges gazeux (O2, CO2 et H2) est un élément important de la modélisation.