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Chapitre 2 – La fluoration de l’eau : une mise en contexte

2.3 La fluorose dentaire, la carie dentaire et la fluoration

2.3.1 La fluorose dentaire

La fluorose dentaire peut se décrire comme étant un changement de l’apparence visuelle de l’émail des dents à la suite d’une ingestion excessive de fluorure (CDC, 2013b). Ce changement de l’apparence visuelle des dents est caractérisé par une coloration variante des dents, allant de taches blanches à peine discernables à l’œil nu dans les cas les plus bénins, aux taches brunes clairement visibles dans les cas les plus sévères. La fluorose dentaire se développe particulièrement durant l’enfance, essentiellement par une ingestion excessive de fluorure durant la période de développement de la dentition permanente, quelles qu’en soient les sources (CDC, 2013b). Il s’agit notamment du risque le plus étudié parmi les effets néfastes des fluorures (Santé Canada, 2012). « Depending on the quantity and timing of fluoride during this period, the clinical appearance of fluorosis can range from barely noticeable changes to an ugly brown stain with pitting and flaking of friable enamel » (Burt et Eklund, 2005 : 210). Il existe plusieurs manières de classifier la fluorose dentaire. La méthode de classification de Dean est présentée à la figure 13.

Figure 13. Représentation visuelle de la fluorose dentaire selon la méthode de classification de Dean (Source : Barrett et Baratz, 2013)

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L’indice de Dean compte six catégories, classifiées en six classes ordinales auxquelles des scores de 0 à 4 y sont associés. L’indice de Dean permet de décrire l’apparence visuelle des dents en lien avec la fluorose dentaire, allant de « normale » à « sévère ». Cette méthode de classification de la fluorose dentaire fut développée dans les années 1930 par le Dr H. T. Dean, un personnage-clé dans l’histoire de la fluoration. « La fluorose dentaire légère et très légère n’est pas considérée comme un effet néfaste, contrairement à la fluorose dentaire modérée, compte tenu des préoccupations d’ordre esthétique que cette dernière peut entraîner » (Santé Canada, 2010 : 1). Initialement, l’indice de Dean comptait sept catégories, la catégorie « modérément sévère » ayant éventuellement été fusionnée avec la catégorie « sévère » (Fejerskov et al., 1996). Une description des critères de classification de la fluorose dentaire selon l’indice de Dean est présentée au tableau III.

Classification (score)

Description de l'émail dentaire

Normale (0) Surface translucide d'un blanc crémeux pâle, luisante et lisse

Discutable (0.5) Quelques petites taches blanches

Très légère (1)

Petites surfaces opaques d'un blanc papier qui couvrent moins de 25 % de la surface de la dent

Légère (2)

Surfaces blanches opaques qui couvrent moins de 50 % de la surface de la dent

Modérée (3)

Toutes les surfaces de la dent sont touchées; usure marquée sur les surfaces de mastication; présence possible de taches brunes

Sévère (4)

Toutes les surfaces de la dent sont atteintes; apparition de puits discrets ou convergents; taches brunes

Bien que l’indice de Dean soit la méthode de classification de la fluorose dentaire généralement la plus utilisée, d’autres méthodes sont parfois utilisées. La méthode de classification de Thylsrup-Fejerskov (TF) est plus sensible aux formes les plus sévères de fluorose dentaire (Burt et Eklund, 2005). L’indice TF compte neuf classes ordinales auxquelles des scores allant de 0 à 9 y sont associés (figure 14).

Figure 14. Illustration de la méthode de classification de la fluorose dentaire selon l’indice TF (Source : Fejerskov et al., 1996 : 121)

La première classe de l’indice TF est une catégorie qui correspond à une dent dite « normale », ayant un score de 0, ce qui est également le cas avec l’indice Dean. Les classes 1 à 3 de l’indice TF correspondent aux catégories « très légère » et « légère » de l’indice de Dean. De la même manière, les classes 4 et 5 de l’indice TF correspondent à la catégorie « modérée » de l’indice de Dean. Finalement, les classes 6 à 9 de l’indice TF correspondent à

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la catégorie « sévère » de l’indice de Dean (Fejerskov et al., 1996; Buzalaf, 2011). Comparativement à l’indice de Dean, l’indice TF procure plus de détails dans la description de la surface des dents atteintes, du moins en ce qui concerne les formes les plus sévères de fluorose dentaire. Avec une augmentation du nombre d’étude sur la fluorose dentaire dans diverse partie du monde, l’indice de Dean à dû être modifié avec le temps pour combler de nouveaux besoins méthodologiques. Par exemple, les cas les plus sévères de fluorose dentaire observés par Dean dans les années 1930, années durant lesquelles l’indice de Dean fut mise au point, étaient moins sévères que ceux observés aujourd’hui dans certains pays en voie de développement (Burt et Eklund, 2005).

L’indice TF est la méthode de classification privilégiée par les adeptes de l’antifluoration, qui dénoncent d’ailleurs le manque de rigueur scientifique de l’indice de Dean (Connett et al., 2010). Malgré tout, l’indice de Dean demeure une méthode universelle de classification de la fluorose dentaire encore vastement employée aujourd’hui par les spécialistes de la santé dentaire à travers le monde (ADA, 2005; Buzalaf, 2011; Santé Canada; 2010). Bien qu’il existe plusieurs manières de classifier la fluorose dentaire, le choix d’une méthode de classification demeure arbitraire et est laissé à la discrétion des chercheurs. Dans le cas du Canada, Santé Canada utilise l’indice de Dean dans ses publications officielles. Cependant, il n’y a pas de données existantes sur la fluorose dentaire au Canada. « Le nombre d’enfants canadiens qui sont atteints de fluorose dentaire modérée ou sévère est si peu élevé que, même si l’on combine ces stades de la maladie, la prévalence est trop faible pour être déclarée » (Santé Canada, 2010 : 14). Par conséquent, cette absence de données semble affirmer que la fluorose dentaire n’est pas une préoccupation au Canada.

Il existe plusieurs autres indices qui classifient la fluorose dentaire de différentes manières. Sans toutefois rentrer dans les détails, nous en mentionnons quelques exemples. Le Community Fluorosis Index (CFI) fut développé par Dean en 1935 pour rapporter l’étendue de la fluorose dentaire à l’échelle d’une communauté. Le CFI est complémentaire à l’indice de Dean qui opère à l’échelle d’un individu (Burt et Eklund, 2005). Durant les 1980, des chercheurs de la National Institute of Dental Research (NIDR) ont développé le Tooth Surface Index of Fluorosis (TSIF) afin d’identifier plus facilement les formes moins sévères

de fluorose dentaire. Contrairement à l’indice de Dean qui attribue un score en se basant sur la surface des deux dents les plus affectées, le TSIF attribue un score entre 0 et 7 pour chaque dent et présente les résultats sous la forme d’une distribution (Burt et Eklund, 2005). Le Fluorosis Risk index (FRI) a été conçu pour identifier les facteurs de risques relatifs à la fluorose dentaire selon l’âge des dents permanentes atteintes. Le FRI a la particularité d’utiliser deux catégories de classification, une première catégorie qui traite des dents permanentes affectées durant leurs premières années de vie et une deuxième catégorie qui traite des dents permanentes affectées durant une période allant de leurs troisièmes à leurs sixièmes années de vie (Pendrys, 1990).

Les principales sources d’expositions aux fluorures, en excluant les sources atmosphériques que nous avons mentionnées précédemment, sont principalement les produits alimentaires ainsi que les produits d’hygiène dentaires comme les pâtes dentifrices fluorées ou les rince-bouches fluorés. Certains aliments comme le thé ou le poisson contiennent plus de fluorures que d’autres aliments et peuvent contribuer au développement de la fluorose dentaire si ceux-ci sont consommés régulièrement. De plus, tous les procédés de production alimentaire nécessitant de l’eau peuvent également contenir du fluorure si l’eau de la communauté où se situe l’usine de fabrication produisant ces biens de consommation en question est fluorée. Dans certains pays, généralement en Europe, il est possible de se procurer facilement du sel de table fluoré, une alternative à la fluoration contrôlée, ce qui concorde également avec les lignes directrices d’un programme de fluoration (Mullen, 2005). Les habitudes alimentaires et nutritionnelles, incluant la consommation d’eau, sont des facteurs qui augmentent les risques de fluorose dentaire modérée ou sévère. La planification d’un programme de fluoration de l’eau doit prendre en considération les diverses sources d’expositions aux fluorures ainsi que les habitudes alimentaires des personnes concernées afin d’éviter les risques de développer une fluorose dentaire modérée ou sévère.

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