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Fluorescence par transfert d’énergie résonnant (FRET)

La fluorescence par transfert résonnant d’énergie (FRET pour Fluorescence Resonant Energy Transfer) implique un couplage dipôle–dipôle non radiatif entre des molécules fluorescentes à l’état excité, appelées donneurs et des molécules fluorescentes à l’état fondamental qualifiées d’accepteurs. Ce mécanisme de transfert d’énergie est dit de type Förster du nom de son inven- teur. Le FRET est un phénomène d’une grande importance car il permet le transfert d’énergie vers un centre réactionnel lors du procesus de la photosynthèse. Cela lui lui confère le rôle de guide optique moléculaire [143, 144]. De plus, suite à une récente étude théorique de G. Agarwal et S. Dutta Gupta, ce processus photophysique bénéficie d’un regain d’intérêt, avec comme objectif principal le contrôle du transfert d’énergie à l’échelle moléculaire [145]. Ces auteurs ont en effet montré qu’il est possible de modifier le couplage dipôle–dipôle entre deux molécules placées dans une microcavité. Peu après cette étude, R.F. Mahrt et al, à l’université de Marburg et plus récemment W.L. Barnes et P. Andrew à Exeter sont parvenus à vérifier ex- périmentalement l’influence de la cavité sur le transfert d’énergie par couplage dipôle–dipôle [146, 147, 148]. Cet effet fait depuis l’objet de nombreuses études théoriques, le plus souvent basées sur le calcul du couplage dipôle–dipôle à partir de la susceptibilité du champ associée à la cavité [145, 149, 150].

Simultanément, le champ proche optique s’est rapidement imposé comme un moyen d’étu- dier localement le FRET. Ainsi, en utilisant la pointe d’un microscope de type SNOM, plusieurs groupes sont parvenus à déclencher le transfert d’énergie de Förster dans des régions localisées de films contenant des couples de chromophores (figure (7b)) [151, 152, 153]. Des films de don- neurs et d’accepteurs sont disposés sur une surface. La pointe du SNOM excite localement les donneurs. Ensuite, le transfert d’énergie se fait uniquement vers les accepteurs qui se trouvent à proximité des donneurs excités. Les signaux de fluorescence des donneurs et des accepteurs sont finalement recueillis sous la surface. Remarquons que dans une telle configuration, les couples de chromophores se trouvent dans la cavité formée entre la pointe et la surface, ce qui peut fortement perturber le signal. Le paragraphe (4.5) proposera des simulations numériques de cette configuration expérimentale.

Notons cependant que les difficultés expérimentales liées à l’obtention d’un champ suffi- samment localisé à l’extrémité de la pointe ont, jusqu’à présent, limité le nombre de ces études. L’intérêt du concept de pointe tétrahédrique, introduit par U. Fischer, prend ici toute son im- portance. Rappelons que cette pointe se comporte comme un dipôle orienté le long d’une des ses arêtes (voir le paragraphe (2) du chapitre III). U. Fischer et E. Bortchagovsky ont d’ailleurs récemment montré qu’il est possible d’exciter de petites régions dans une couche de molécules fluorescentes grâce à cette configuration [13]. Pour cela, ils ont profité de la cavité formée entre l’extrémité de la pointe métallisée et une surface recouverte d’une fine couche d’or pour exalter localement l’excitation des molécules. Le comportement dipolaire de cette pointe pourrait aussi servir de modèle pour une étude systématique du FRET. La pointe y jouerait le rôle de donneur et les molécules sur la surface celui d’accepteurs.

La recherche d’une pointe de SNOM présentant un comportement dipolaire a d’ailleurs conduit deux équipes – l’une à l’université du Kensas dirigée par R. Dunn et l’autre dirigée

donneurs excitation λ 1 accepteurs couplage dipole−dipole DETECTION λ2 excitation λ 1 accepteurs λ2 couplage dipole−dipole donneurs b) a) DETECTION

FIG. 7 – a)Principe du SNOM basé sur le FRET. Des molécules “donneurs” sont placées sur

une pointe de SNOM. Après excitation des donneurs, il y a transfert d’énergie vers les molécules “accepteurs” placées sur la surface. Le signal de fluorescence des accepteurs est détecté après transmission sous la surface. b) FRET déclenché en champ proche optique. Des films de don- neurs et d’accepteurs sont disposés sur une surface transparente. Selon la position de la pointe du SNOM, des régions localisées de donneurs sont excitées. Seuls les donneurs situés dans ces régions conduisent à un transfert d’énergie vers les accepteurs. Le signal de fluorescence est détecté après transmission sous la surface.

par G. Dietler à l’université de Lausanne – à proposer simultanément une configuration de SNOM fonctionnant sur le principe du FRET pour localiser des molécules sur une surface [49, 50, 113, 154, 51]. La configuration réalisée par V. Lethokov et al , dans le groupe de G. Dietler, est représentée sur la figure (7a). Un film de donneurs est déposé sur la pointe d’un SNOM. Après excitation des donneurs, seuls les accepteurs situés dans une région proche des donneurs sont excités par transfert résonnant d’énergie. Dans la configuration proposée par R. Dunn et al, les accepteurs sont disposés sur la pointe et les donneurs sur la surface. La précision sur la localisation des accepteurs obtenue est de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres. L’amélioration de la détection des molécules nécessiterait de réduire le nombre de donneurs sur la pointe.

Signalons, finalement, que l’étude théorique du transfert d’énergie de Förster à l’aide d’un microscope de type SNOM doit, comme d’ailleurs toute modélisation de systèmes à sonde locale, intégrer la perturbation du signal par la jonction pointe–surface. De plus, dans ce cas particulier, l’environnement (la pointe plus la surface) modifie à la fois les durées de vie de fluorescence des chromophores et le couplage dipôle–dipôle entre eux. L’étude que nous pré- sentons ici propose d’établir la forme de ces différents paramètres qui gouvernent le FRET. I. Averbukh et al, de l’institut Weizman, en Israël, ont ouvert la voie en utilisant une description

4. Fluorescence par transfert résonnant d’énergie déclenché en champ proche optique 109 dipolaire de la pointe et des deux chromophores [155]. Nous proposons d’approfondir cette analyse. L’originalité de ce travail réside principalement dans l’utilisation de l’algorithme de résolution de l’équation de Dyson qui permet de traiter des configurations expérimentales com- plexes. De plus, l’association de ce formalisme avec les équations de Bloch optiques permet d’accéder aux signaux de fluorescence émis par les donneurs et les accepteurs [156, 145].

Signalons, de plus, qu’une analyse similaire couplant l’équation de Schrödinger aux équa- tions de Maxwell a récemment été appliquée au régime excitonique [157]. Dans cette étude, la pointe et les molécules étaient assimilées à des molécules organiques. Au–delà des fortes analogies entre cette méthode et celle que nous présentons, nous insistons sur l’importance de pouvoir traiter l’influence du corps de la pointe de dimensions mésoscopiques. Plus précisem- ment, la partie active de la pointe sera assimilée à un dipôle alors que le corps proprement dit de la pointe sera intégré dans le modèle grâce à la susceptibilité du champ de la géométrie. Cette description dipolaire du rayonnement émergeant de la pointe, bien qu’idéalisée, a déjà démontré son efficacité lors des précédentes études.