I.3 Une observable : l’asym´etrie azimutale
I.3.4 Flot elliptique du J/ψ
I.3.4.1 Compr´ehension du milieu form´e via l’´etude de la production des quarkonia
Le tour d’horizon des r´esultats existants pr´esent´es au paragraphe I.2.4.4 met en ´evidence
la complexit´e des m´ecanismes entrant en jeu lors de la production des J/ψ. Les mesures effectu´ees jusqu’`a pr´esent `a RHIC ne permettent pas de dissocier les diff´erents effets. De nouvelles mesures devraient aider `a la compr´ehension de cette production notamment :
• En p+p, mesurer la polarisation du J/ψ renseigne sur son m´ecanisme de production.
raffin´ee et compl´et´ee notamment par des mesures `a plus grande impulsion transverse, pourra contraindre les mod`eles de production.
• En d+Au, plus de statistique permettra de contraindre les effets froids.
• En p+p, d+Au et Au+Au, mesurer le charme ouvert avec pr´ecision permettra de mieux
quantifier certains des mod`eles (de type recombinaison) d´ecrivant les effets chauds.
Le paragraphe I.2.2 a rappel´e que les J/ψ directs sont form´es dans les premi`eres collisions
nucl´eons nucl´eons aux ´energies du RHIC par fusion de gluons. Des m´ecanismes comme le shadowing, l’absorbtion nucl´eaire et par les co-voyageurs, et l’´ecrantage de couleur peuvent d´efavoriser leur formation. De plus, le milieu chaud peut faire fondre ces J/ψ ou des inter- actions avec les particules co-voyageantes peuvent les dissocier. D’un autre cot´e, la grande profusion de quarks non corr´el´es dans le milieu peut permettre la r´eg´en´eration des J/ψ par
des m´ecanismes de recombinaison d´ecrits dans le paragrapheI.2.4.3. PHENIX a mesur´e une
anisotropie azimutale pour le charme ouvert des ´electrons non photoniques `a rapidit´e cen-
trale [194] comme le montre la Fig. I.34a (voir paragraphe I.3.3.5). Ainsi, si le J/ψ vient
pr´ef´erentiellement de la recombinaison des paires c et ¯c, alors il devra h´eriter de leur mou- vement collectif. De ce fait, l’asym´etrie azimutale devrait ˆetre positive si les m´ecanismes de recombinaison entre en jeux.
La mesure du flot elliptique est l’objet principal de cette th`ese. Le paragraphe I.3.4.2d´ecrit les pr´edictions relatives au flot elliptique du J/ψ ainsi que les mesures existantes. L’analyse d´ecrite dans le chapitreV.33 pr´esente les r´esultats de la mesure de cette observable pour les
collisions Au+Au `a 200 GeV, r´esultats qui seront discut´es dans le chapitreVI.
I.3.4.2 Pr´edictions
La r´ecente revue [130] r´esume les diff´erentes pr´edictions existantes relatives au v2 du J/ψ. L’utilisation de flot elliptique pour discriminer les m´ecanismes entrant en jeu dans la produc- tion du J/ψ repose sur la grande diff´erence entre le v2associ´e aux charmonia directs et `a celui associ´e aux charmonia r´eg´en´er´es. Pour les premiers, l’asym´etrie azimutale n’est due qu’aux diff´erentes longueurs travers´ees par le J/ψ lorsqu’il parcourt la zone de recouvrement des
noyaux en forme d’amande pour des collisions non centrales (voir Fig.I.5). En effet, le mˆeme
argument g´eom´etrique vaut pour le J/ψ comme pour les hadrons : une longueur de parcours le long du cot´e court de l’amande (axe x) implique moins de suppression, alors qu’une plus
grande suppression le long de l’axe plus grand y est attendue. Les calculs pr´edisent un v2 de
1 `a 3% [199, 148] comme le montre la Fig. I.36.
Au contraire, si le J/ψ est r´eg´en´er´e `a partir de la coalescence de paires c¯c, son v2 est largement d´etermin´e par le flot elliptique des quarks charm´es sous-jacents, v2c,¯c et est attendu allant comme vJ/ψ2 (pT) ≃ 2v2c(pT/2)(45). Si le v2 du quark charm´e atteint des valeurs similaires `a celles des quarks l´egers et ´etranges (comme sugg´er´e par les pr´edictions th´eoriques [196] pour le spectre de d´ecroissance ´electronique semi-leptonique [191]), voir Fig.I.34b, le flot elliptique des J/ψ r´eg´en´er´es pourrait atteindre ∼ 15% [200,201], soit un ordre de grandeur plus grand que dans le cas de la suppression de la production primordiale.
La Fig. I.36 de gauche donne le r´esultat du mod`ele de transport d’hydrodynamique et gluo-
dissociation (utilisant des distributions des quarks charm´es thermalis´es) [148]. Dans ce mo-
d`ele, mˆeme si le v2 de la composante de r´eg´en´eration est grand, il porte un poids faible (qui
(45)Avec l’hypoth`ese que le v
d´ecroˆıt avec pT) et donne un v2 total de 1%. Il sera donc difficilement observable exp´erimen- talement.
La Fig. I.36 de droite pr´esente les r´esultats d’un mod`ele d’onde de choc, blast-wave, pour la
composante r´eg´en´er´ee [200, 201] dans les calculs de suppression des r´ef´erences [199, 148] en utilisant une pond´eration venant du mod`ele de boule de feu et du mod`ele de dissociation
presque libre [132]. La valeur maximale pour le v2 total de ∼ 3 ± 1% est un peu plus grande
que dans la r´ef´erence [148] principalement `a cause d’un v2 plus grand pour la composante
de r´eg´en´eration [148, 202] et probablement du fait que le premier prend en compte la r´e-
g´en´eration continue au travers du QGP alors que le deuxi`eme fait une approximation de la production au temps critique Tc. Une autre diff´erence peut-ˆetre due `a la r´eaction de formation
sous-jacente, qui est c+¯c → J/ψ+g dans la r´ef´erence [148] alors quelle est c+¯c+p → J/ψ+p
(p = q,¯q ou g) dans la r´ef´erence [132]. Dans les deux approches cependant, le v2 reste petit. Ces mod`eles ont ´et´e ´egalement cit´es au paragrapheI.2.4.4concernant les pr´edictions du rap-
port de modification nucl´eaire du J/ψ. La Fig. I.30 en haut a montr´e que les deux mod`eles
sous-estiment le taux de production inclusif pour les collisions semi-centrales, ce qui laisse de la place pour plus de r´eg´en´eration et donc un flot elliptique un peu plus large.
0 1 2 3 4 5 6 7 0 1 2 3 4 5 6 initial all regenerated
Transverse momentum pt (GeV/c)
Elliptic flow v
2
(%)
(a) Calculs de transport dans une approche d’hydrodyna- mique et de gluo-dissociation [148]. 0 1 2 3 4 5 pt (GeV) 0 0.05 0.1 0.15 0.2 v 2 Direct, Wang+Yuan PLB’02 Direct, Yan et al. PRL’06 Regeneration, Ravagli+Rapp PLB’07 Regeneration, Greco et al. PLB’04 2-Component, Zhao+Rapp ’08
J/ψ Elliptic Flow in Au-Au (200 A GeV) 20-40%
(b) Pr´edictions de mod`eles de coalescence et de suppression du J/ψ en utilisant une approche de boule de feu et de dissocia- tion presque libre [132,202].
Fig. I.36 – Pr´edictions th´eoriques du flot elliptique du J/ψ dans la centralit´e 20-40% de collisions Au+Au `a
√s
N N = 200 GeV.
Le mod`ele [198] (d´ej`a introduit au paragraphe I.3.3.5) compl`ete les pr´edictions de la r´ef´e- rence [196] en faisant ´evoluer les quarks jusqu’`a la transition hadronique et injecte le r´esultat dans les r´esonances afin de pouvoir pr´edire le flot elliptique de celles-ci dans une approche de recombinaison et en utilisant des interactions de r´esonance dans l’´equation de Boltzmann. Il permet une meilleure compr´ehension microscopique des corr´elations spatio-temporelles du processus de coalescence. La Fig.I.37 pr´esente les pr´edictions du flot elliptique du J/ψ de ce
mod`ele en fonction de pT et de kET. Le flot atteint 15% pour les pT de 4-5 GeV/c.
I.3.4.3 Mesures existantes
Des r´esultats pr´eliminaires ont ´et´e pr´esent´es en 2008 sur le flot elliptique du J/ψ aux ´energies du SPS. L’exp´erience NA60 a mesur´e le rapport de modification nucl´eaire du J/ψ dans les
0 0.05 0.1 0.15 0.2 0 1 2 3 4 5 v2 pT (GeV) J/ψ φ D (a) En fonction de pT 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0 1 2 3 4 5 v2 KT (GeV) J/ψ φ D (b) En fonction de kET
Fig. I.37 – Pr´ediction du mod`ele [198] du flot elliptique v2des J/ψ , φ and m´esons D `a partir de la recombinaison
des quarks dans les collisions Au+Au `a √sN N = 200 GeV et `a rapidit´e nulle.
collisions In+In [203] `a 158 GeV. La Fig.I.38montre le v2 du J/ψ pour ces mˆemes collisions. `
A gauche, un v2 nul est mesur´e pour les collisions centrales. `A droite, un v2 positif de 7 ± 3% est mesur´e dans les collisions non centrales. Aucune s´election en impulsion transverse n’a ´et´e r´ealis´ee.
(a) Collisions centrales (b) Collisions p´eriph´eriques
Fig. I.38 – Flot elliptique du J/ψ mesur´e dans les collisions In+In par NA60 [203].
Pour les collisions In+In `a 158 GeV, seuls les effets nucl´eaires froids sont susceptibles d’af- fecter le J/ψ. Ce flot positif pourrait donc ˆetre dˆu `a l’absorption nucl´eaire g´eom´etrique et contredit les mod`eles th´eoriques pr´edisant qu’un tel effet serait n´egligeable. Les pr´edictions doivent donc essayer de reproduire une telle mesure et l’extrapoler aux ´energies sup´erieures pour distinguer cet effet de celui produit par un QGP.
NA50 a ´egalement mesur´ee le J/ψ cette fois-ci dans les collisions Pb+Pb [204] `a 158 GeV.
le v2 est de v2 = 3.5 ± 1.5 ± 1.3% pour une impulsion transverse de 2 GeV/c. Ce r´esultat ne comporte pas de s´election en centralit´e. Comme le v2 des collisions centrales doit ˆetre nul, la valeur du v2 serait plus grande pour les collisions non-centrales.
Fig. I.39 – v2 du J/ψ dans les collisions Pb+Pb non-centrales `a 158 GeV [205].
Il semblerait donc que NA50 et NA60 mesurent un v2 du J/ψ de mˆeme amplitude et ainsi
que le QGP potentiellement form´e dans les collisions Pb+Pb n’influencerait pas le v2. Dans
tous les cas, la recombinaison des quarks charm´es non corr´el´es n’est pas attendue `a l’´energie du SPS car la densit´e de paire c¯c n’est pas suffisante. Ce n’est pas le cas de RHIC. Ainsi, si
le J/ψ est form´e ´egalement par recombinaison `a RHIC, le v2 du J/ψ devrait ˆetre plus grand
que celui mesur´e dans les collisions du SPS. Les mesures du v2 du J/ψ au SPS sugg´ereraient
peut-ˆetre de mesurer celui-ci dans les collisions d+Au `a 200 GeV afin de quantifier, de la mˆeme mani`ere que pour les mesures de production, les effets nucl´eaires froids `a l’´energie du RHIC.
II
Dispositif expérimental
« Les th´eories ont caus´e plus d’exp´eriences
que les exp´eriences n’ont caus´e de th´eories. » Joseph Joubert, Carnets
Ce chapitre d´ecrit le dispositif exp´erimental qui a permis les principales analyses de ce ma- nuscrit. Une description du collisionneur RHIC, cadre dans lequel est install´ee l’exp´erience
PHENIX, est r´ealis´ee au paragraphe II.1. Les d´etecteurs de l’exp´erience PHENIX sont pr´e-
sent´es rapidement au paragrapheII.2, puis d´etaill´es dans les paragraphes suivants. Un accent particulier est mis sur les d´etecteurs utilis´es dans la mesure des muons paragraphe II.6.
II.1
Le collisionneur RHIC
Le Relativistic Heavy Ion Collider (RHIC) [206] au Laboratoire National de Brookhaven
(BNL) a la capacit´e d’acc´el´erer un large spectre de noyaux diff´erents, depuis les protons jus- qu’`a l’or. Les faisceaux peuvent atteindre 250 GeV par nucl´eon pour les protons, et 100 GeV
par nucl´eon pour les ions Au(1). RHIC est constitu´e de deux acc´el´erateurs cryog´eniques de
3, 8 km de circonf´erence qui font tourner leur faisceau dans des sens oppos´es et se croisent en six points d’interaction `a une fr´equence de 9, 4 MHz, notamment au niveau des halls exp´erimentaux des exp´eriences BRAHMS, PHOBOS, PHENIX, et STAR. Ces exp´eriences ont pour objectif l’´etude du milieu produit lors des collisions de noyaux lourds `a tr`es haute ´energie. Seules les deux derni`eres exp´eriences sont encore en fonctionnement.
La Fig. II.1donne une vue d’ensemble de l’acc´el´erateur RHIC. Les faisceaux d’ions de haute
´energie prennent leur source au niveau du Tandem Van de Graaf. Pour le cas des ions d’or par exemple, un faisceau d’ions n´egatifs, eux mˆeme extraits d’une source d’ions, passe au travers d’une feuille d’aluminium sous haute tension pour devenir un faisceau d’ions positifs. Les ions d’or acqui`erent une intensit´e de ∼100 µA et une dur´ee de pulsation de ∼700 µs. Ils sont ensuite acc´el´er´es jusqu’`a 1 MeV par nucl´eon au deuxi`eme niveau du Tandem avant d’ˆetre une nouvelle fois d´epourvus de quelques ´electrons et de passer par une zone baignant dans un champ magn´etique qui permet de s´electionner les charges. Les faisceaux d’ions d’or atteignent le Booster Synchrotron avec une charge de +32. Celui-ci les acc´el`ere jusqu’`a 95 MeV par nucl´eon avant de leur arracher une nouvelle fois des ´electrons. Les ions sont inject´es dans l’Alternating Gradient Synchrotron (AGS) avec une charge de +77, et sont acc´el´er´es jusqu’`a atteindre l’´energie d’injection du RHIC qui est de 10, 8 GeV par nucl´eon. Les faisceaux d’or `a la sortie de l’AGS sont compl`etement d´epourvus de leurs ´electrons et ont une charge de +79.
Inject´es dans l’AGS sous la forme de 24 paquets, les ions d’or sont ensuite divis´es puis regroup´es pour ne former que quatre paquets avant d’ˆetre inject´es et acc´el´er´es dans RHIC.
Fig. II.1 – Vue d’ensemble de l’acc´el´erateur RHIC
Un seul paquet `a la fois est inject´e `a une ´energie optimale, puis transf´er´e `a RHIC au travers de l’AGS-to-RHIC Beam Transfer Line.
La luminosit´e du faisceau L par point d’interaction est donn´ee par l’Eq. (II.1) L = f4πrevBNσ YNB
HσV
(II.1)
o`u frev ∼ 28 MHz/360 est la fr´equence de r´evolution, B = 56 est le nombre de paquets
dans chaque anneau, NY et NB sont les nombres de particules par paquet(2) (1, 0 × 109 pour
l’or et 1, 0 × 1011 pour les protons), et σ
H et σV sont les profils horizontaux et verticaux du
faisceau (∼0.2 mm pour une longueur d’onde bˆetatron au point d’interaction de β∗ = 1 m). La
luminosit´e pr´evue est de 2×1026cm−2sec−1 pour des faisceaux d’or et de 1, 4×1031cm−2sec−1 pour des faisceaux de protons.
Les param`etres principaux du RHIC sont r´esum´es dans le Tab.II.1 [206] [7].
p+p Au+Au
´
Energie maximale du faisceau par nucl´eon 250 GeV 100 GeV
Luminosit´e [cm−2sec−1]
1, 4 × 1031
2 × 1026
Nombre de paquets 56 56
Nombre de particules / paquet 1011 109
Angle de travers´ee [µrad] 0 0
Longueur des paquets [cm] 40 15
Rayon du faisceau [mm] 0,2 (β∗
= 1) 0,2 (β∗
= 1)
Temps de vie moyen de la luminosit´e [h] 10 3
Tab. II.1 – Param`etres de l’acc´el´erateur RHIC.