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Flore-végétation-habitats

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3. Le modèle d’étude : l’Arc cuprifère katangais

3.3. Flore-végétation-habitats

Les sites cuprifères du Katanga possèdent une flore très originale qui comprend plus de 600 espèces (Leteinturier, 2002) dont environ 40 sont endémiques (Brooks &, Malaisse 1985) (Tableau 2) vraisemblablement nées par le jeu de l’isolement écologique (toxicité du cuivre) et l’isolement géographique (les sites ne sont pas contigus, certains peuvent être séparés de plusieurs centaines de kilomètres) (Figure 7). Certaines d’entre elles possèdent une distribution très restreinte (une ou deux collines). La flore des habitats cuprifères du Katanga contribue réllement à la biodiversité de la province du Katanga. Elle est constituée d’un cortège diversifîé d’espèces aux affinités variées. Une partie de cette flore est inféodée à

d’autres habitats du Katanga et existe dans les savannes steppiques des hauts-plateaux, des dembos (vallées planes sur dalle latéritique qui avec le temps s’est végétalisée), des dalles latéritiques, sur les termitières et dans la savanne de la forêt claire (miombo) (Duvigneaud 1958). Par contre d’autres espèces présentent un caractère relictuel (cuprophytes locaux ou paléoendémiques) en possédant une distribution disjointe (elles sont présentes dans des zones géographiques éloignées et bien distinctes). Leur patron de répartition témoigne d’un changement climatique ancien où à l’époque elles présentaient peut-être une aire de distribution étendue sans disjonction. Une autre caractéristique remarquable de cette flore est que certaines populations possèdent des variations morphologiques entre collines ce qui évoquerait une spéciation en cours (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963).

Cette flore s’assemble en différents groupements végétaux hautement originaux qui varient systématiquement le long des toposéquences ; Duvigneaud l’attribue à des variations de Cu, sans le démontrer (Duvigneaud 1958; Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963). Il distingue une savane arbustive à Uapaca robynsii, une savane steppique àLoudetia simplex - Monocymbium ceresiiforme, une steppe rocheuse à Xerophyta spp. et de pelouses d’herbacées (Figure 8).

Cependant, la phytogéographie et la taxonomie de cette flore sont encore imparfaitement connues. Le manque de données phytogéographiques sur la flore d’Afrique Centrale dans les années 60 jusqu’à maintenant et le manque d’échanges scientifiques entre les pays francophones et anglophones d’Afrique n’ont pas permis de réaliser une révision précise de la phytogéographie de cette flore. Certaines endémiques des habitats cuprifères katangais seraient peut être simplement des cuprophytes locaux. La validité du statut des endémiques des habitats cuprifères du Katanga est indispensable pour établir des priorités de conservation des éléments les plus originaux de cette flore. Une révision phytogéographique et taxonomique de cette flore s’impose.

Les habitats cupro-cobaltifères sont variés, on distingue des affleurements de roches dont leur géologie a été décrite ci-dessus, les habitats anthropogènes récents créés par l’industrie minière (Brooks & Malaisse 1985). Ces derniers correspondent à des zones d’affléurements perturbées où le sol a été remanié et le minerai a été mis en surface, à des zones de stockage de déblai minier, à des zones humides contaminés par le ruissellement des métaux provenant des zones de déblai stocké, à des sites contaminés par les poussières

Figure 9 Crepidorhopalon perennis (P.A. Duvigneaud) Eb. Fisch., endémique d’un seul

affleurement cuprifère : mine de l’Etoile (haut) et C. tenuis (S. Moore) Fischer

métalliques provenant des cheminées des industries minière. Ces habitats ont été colonisés par une flore locale des habitats non métallifères qui s’est adaptée à ces conditions extrêmes et plus particulièrement par certaines cuprophytes des affleurements cupro-cobaltifères.

En plus de leur extrême rareté, les métallophytes du Katanga présentent des potentialités importantes d’un point de vue biotechnologique. Leur aptitude à tolérer des concentrations élevées en cuivre et en cobalt leur confère un intérêt dans la « reverdurisation » des sols contaminés par ces métaux. En outre, certaines de ces espèces, dites hyperaccumulatrices de métaux, pourraient être utilisées pour la phytoextraction des sols contaminés. La flore des sites cuprocobaltifères constitue donc pour la République démocratique du Congo (RDC) une ressource génétique à étudier, à conserver et à valoriser. Pourtant, cette flore est directement menacée par les activités minières. À ce jour, la végétation de plus d’une dizaine de collines a déjà été totalement détruite. Conformément à la Convention sur la Diversité biologique et aux engagements pris par la communauté internationale lors du Sommet mondial sur le Développement durable (Johannesburg 2002), l’État de la RDC a la responsabilité de conserver les éléments les plus originaux de sa biodiversité végétale, mais aucunes actions a été mise en œuvre par l’état pour limiter cette érosion.

Dans cette situation d’urgence, l’étude de l’écologie, de la taxonomie, de la biologie de la conservation de cette flore remarquable est indispensable pour l’établissement de stratégies et de plans de sa conservation.

4. Le modèle Crepidorhopalon : écologie et distribution de C.

perennis (P.A. Duvigneaud) Eb. Fisch. et C. tennis (S. Moore)

Fischer

Nous nous intéressons à un couple d’espèces cuprophytes étroitement apparentées du genre

Crepidorhopalon dont la taxonomie a été révisée récemment (Fischer 1999).

Crepidorhopalon perennis est endémique d’im seul site tandis que C. tennis possède une amplitude écogéographique plus large, se retrouvant parfois sur sol non métallifère (Figure 9, 10 et 11).

Crepidorhopalon perennis est une espèce pérenne, à courte durée de vie formant des gazonnements ras, portant des hampes florales de à 7-19 cm de haut aux fleurs bleues-lilas. Elle est réputée hyperaccumulatrice de cuivre (de 600 à 6000 pg g ' MS) et de cobalt (de 600 à 2300 pg g’’ MS) (Duvigneaud 1958 ; Duvigneaud and Denaeyer-De Smet 1963 ; Malaisse & Grégoire 1978). Son unique population se trouve à la mine de l’Etoile qui est située à une dizaine de km au nord-est de Lubumbashi. L’exploitation de cet affleurement a commencé en 1911 par l’Union Minière lors de l’industrialisation du Katanga ; après de nombreuses années de quasi abandon, l’exploitation de la mine a repris assez récemment.

Crepidorhopalon tennis (Scrophulariaceae) est une petite espèce annuelle aux fleurs de couleur bleu-lilas. Elle est hyperaccumulatrice de cuivre (40-2500 pg'* MS) et de cobalt (8- 1100 pg"' MS) (Malaisse & Grégoire 1978; Faucon et al. 2007). Endémique du centre d’endémisme zambézien (Figure 9), elle est connue de 24 populations, 6 sont localisées hors du Katanga (Burundi, Zambie et Tanzanie) et 18 populations sont présentes dans le Haut Katanga. Parmi les populations katangaises, 4 occupent des sites non métallifères et 14 des sites métallifères. Crepidorhopalon tennis germe au début de la saison des pluies (novembre) et fleurit en mars-avril. Elle est polhnisé par au moins 8 espèces d’hyménoptères, une de Diptère et une de Lépidoptère (Muding & Faucon, obs. pers.). Les graines sont dispersées de mai à juin. Cependant, son cycle de vie est différent dans les habitats humides, où la germination, la croissance, la floraison et la fructification se déroulent en toutes saisons.

La ressemblance entre les deux espèces est extrêmement frappante, comme le souligneaient déjà Duvigneau Denaeyer-De Smet (1963). Elle pourrait suggérer que l’endémique restreinte C. perennis s’est différenciée récemment de C. tennis.

Ce couple d’espèces représente donc un matériel particulièrement intéressant puisque réalisant deux types de distribution écogéographiques bien représentés dans la flore métallicoles katangaise : une endémique très restreinte (C. perennis) et un pseudométallophyte plus répandu mais montrant une affinité élevée pour les sols métallifères (C. tennis).

BURUNDI

TANZANIE

MOZAMBIQUE ZIMBABWE

Distribution de Crepidorhopalon tennis et Crepidorhopalon perennis

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