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2.4. Interactions entre [CO 2 ] élevée et facteurs abiotiques

2.7.3. Flexibilité décisionnelle

La flexibilité décisionnelle renvoie aux décisions d’organisation du système fourrager et fait appel aux règles énoncées plus haut de dimensionnement, coordination, ordonnancement et mise en œuvre des interventions sur la végétation et le troupeau (Andrieu et al., 2008). Pour faire face aux contraintes qui pèsent sur son système, l’éleveur doit planifier, c’est-à-dire attribuer un objectif et des ressources à chaque atelier. Il s’agit pour lui de se préparer à saisir des opportunités ou bien à se prémunir de situations jugées défavorables (Sébillote et Soler, 1990). Pour cela, il s’appuie sur les enseignements tirés des années passées (Coléno et Duru, 2005). Il programme à la fois les décisions générales correspondant au déroulement souhaité des opérations et les adaptations planifiées ou solutions de rechange (surfaces de sécurité, distribution de stocks au pâturage) permettant de faire face si nécessaire aux variations de l’environnement (Duru et al., 1988 ; Chatelin et al., 1993 ; Fleury et al., 1996) et notamment du climat (Coléno et Duru, 1999). Pour le dimensionnement, planifier signifie pour l’éleveur de choisir les surfaces de bases (Bellon et al., 1999) qui seront affectées de façon prioritaire aux différents ateliers, et de garder des parcelles sans préaffectation définitive comme

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La parité d’une vache désigne le nombre de veaux que la vache a mis bas jusque là. Une vache primipare est gestante de son premier veau ou n’a mis bas qu’un seul veau. Une vache multipare a déjà mis bas au moins deux veaux.

surfaces de sécurité (Guérin et Bellon, 1990 ; Bellon et al., 1999), de façon à s’adapter aux conditions particulières de l’année. En cours de campagne, l’éleveur va devoir mettre en adéquation ses adaptations planifiées avec la gestion courante du système afin de répondre au mieux à ses objectifs stratégiques. C’est le concept de pilotage. Ce pilotage sera plus ou moins complexe en fonction du nombre d’adaptations planifiées par l’éleveur. Cette grille de lecture du système fourrager (règles, décisions générales, adaptation planifiées, pilotage) est un outil précieux pour l’analyse des modes de gestion et la comparaison des systèmes fourragers et des systèmes d’élevage dans une plus large mesure (Andrieu et al. 2008).

2.8. Pistes d’adaptation des systèmes fourragers et des systèmes

d’élevage

Dans leur analyse comparative de la réponse des systèmes fourragers à la contrainte climatique, de nombreux travaux (Andrieu et al., 2004, Dedieu et al 2008c) ont montré que les adaptations d’ordre organisationnel (dimensionnement, ordonnancement) sont largement spécifiques aux systèmes fourragers étudiés.

Ainsi, dans les systèmes fourragers avec cultures, la flexibilité repose sur la possibilité de faire varier entre années les surfaces ensemencées en cultures (prairie ou culture fourragère annuelle) ou bien sur l’allocation entre parcelles pâturées ou destinées à la constitution de fourrages conservés. Ces ajustements de dimensionnement sont bien connus (Duru et al., 1988).

Dans les systèmes exclusivement herbagers (sans cultures annuelles), les leviers de sécurisation portent sur les reports de fourrages conservés d’une année sur l’autre, et sur l’ordre d’utilisation des parcelles (ordonnancement) (Andrieu et al., 2004 ; Moreau et al., 2010). Ce dernier type d’ajustement est permis par la flexibilité offerte par les couverts prairiaux (i.e. la diversité des végétations entre parcelles). Un autre levier de sécurisation possible consiste en un pâturage surdimensionné. Ce dernier présente l’avantage d’assurer une ingestion d’herbe suffisante tout en simplifiant le travail, mais a l’inconvénient de dégrader la ressource en herbe en qualité et en quantité si l’éleveur ne pratique pas, en complément, des pratiques dites de rattrapage (Dobremez et al., 2008). Il n’en reste pas moins que le report de fourrages conservés reste la voie principale de réduction des effets des variations climatiques dans ces systèmes fourragers basés sur l’herbe.

Au-delà de ces ajustements d’ordre organisationnel, d’autres alternatives en matière de production fourragère (Faidherbe et al., 2007 ; Lorgeou et al., 2007) ont été proposées pour

faire face aux aléas climatiques et notamment aux épisodes de sécheresse. Quel que soit le système fourrager considéré, une des voies d’adaptation aux risques de sécheresse suppose d’élargir la panoplie des fourrages cultivés au-delà du couple maïs-herbe (Faidherbe et al., 2007 ; Gomas, 2008). En l’absence d’irrigation, le sorgho peut par exemple se substituer partiellement au maïs. En outre, l’ensilage ou le fanage de céréales immatures associées ou non à des protéagineux fournit une production de matière sèche appréciable en période de pénurie fourragère, grâce à une récolte précoce permettant d’esquiver la sécheresse (Protin et al., 2009). Certaines associations graminées-légumineuses (e.g. dactyle-luzerne) offrent également des capacités de résilience élevées face aux épisodes de sécheresse sévères. En outre, dans un contexte où le cours des productions céréalières est attendu plus instable (Lobell et al., 2008), les systèmes d’élevage autonomes d’un point de vue de la production alimentaire du bétail pourraient se révéler plus flexibles (Delaby et Peyraud, 2009). Pour les élevages laitiers, le recours à des légumineuses ensilées, fanées ou déshydratées comme complément nutritionnel de l’ensilage de maïs et comme substitut à l’achat de tourteau de soja américain est l’une des voies envisagée pour gagner en autonomie alimentaire (Delaby et Peyraud, 2009). Pour ces systèmes, choisir la voie des fourrages (sans concentré) suppose d’accepter de ne pas être au maximum de potentiel de production des vaches et des surfaces, mais permet de sécuriser le système et de réduire sa dépendance vis-à-vis du cours des marchés (Delaby et Peyraud, 2009).

D’autres alternatives concernant la conduite de l’animal et des troupeaux sont envisagées visant soit à diminuer les effets négatifs de la sécheresse lorsqu’elle survient (stratégie d’esquive ou adaptation tactique), ou encore à penser le système, de façon à s’affranchir des conséquences négatives des épisodes de sécheresse par anticipation (stratégie d’évitement ou adaptation stratégique) (Lemaire et Pflimlin, 2007 ; Pottier et al., 2007). La première stratégie (i.e. l’esquive) repose sur des ajustements de la gestion annuelle et saisonnière du système d’élevage et du système fourrager, en fonction de l’évolution climatique subie. Ces ajustements sont permis par les capacités adaptatives des animaux (mobilisation des réserves corporelles, croissance compensatrice des génisses), par la baisse temporaire des besoins alimentaires du troupeau (monotraite, sevrage précoce des veaux allaitants, tarissement précoce des vaches laitières, anticipation des ventes d’animaux) et bien-sûr par le recours aux stocks de fourrages de l’exploitation ou par l’achat de fourrages et/ou de concentrés. La seconde stratégie (i.e. l’évitement) vise à intégrer les conséquences possibles des aléas climatiques dans la conception du système d’élevage et du système fourrager. Cette stratégie peut s’appuyer, par exemple, sur le choix de la période de mise de bas ou du type de

production animale, mais également, toujours à titre d’exemple, sur une extension de la période de pâturage en fin d’automne et en hiver, sur la création de surfaces de sécurité et sur la baisse du chargement de l’exploitation.

L’avenir des systèmes d’élevage bovin dans les différentes zones françaises dépendra de la dynamique des filières de production, du contexte économique, de la demande de la filière en produits qualifiés, du prix de l’énergie et du poids des contraintes environnementales (nitrates, pesticides, émissions de gaz à effet de serre et stockage de carbone par les prairies, disponibilité en eau pour l’irrigation etc.) ainsi que de l’impact des évolutions climatiques. Tous ces éléments vont impacter les systèmes d’élevage à des degrés divers. Aussi est-il difficile de diagnostiquer des évolutions certaines.

La conception de systèmes innovants, permettant une production économiquement viable, respectueuse de l’environnement, et flexible face aux nouveaux enjeux climatiques, démographique et socio-économique est un des défis de la recherche pour l’avenir des systèmes d’élevage. Concevoir des systèmes d’élevage ayant une double finalité environnementale et de production suppose de trouver des voies d’entente et sans doute de revoir la finalité productiviste actuelle des systèmes d’élevage qui consiste à maximiser les chargements animaux (Moreau et al., 2010). Quoiqu’il en soit, concevoir de tels systèmes suppose de prendre en considération leur fonctionnement sur une échelle pluriannuelle (Dobremez et al., 2008) et la manière dont le corps décisionnel et le système de pilotage peuvent intégrer la variabilité climatique future, à laquelle ces systèmes sont déjà particulièrement sensibles. Cet ajustement des règles de pilotage sera déterminant pour le devenir des systèmes d’élevage sous contrainte de changement climatique. Afin d’anticiper les modifications à venir, il convient de modéliser les réponses au changement climatique des écosystèmes prairiaux.

3. La modélisation, un outil nécessaire

3.1. La démarche de modélisation

L’utilisation de modèles offre plusieurs avantages vis-à-vis de l’expérimentation en conditions réelles. Par exemple, dans une simulation, il est facile de modifier les variables exogènes et le paramétrage du modèle et ainsi de contrôler l’environnement de simulation. En outre, les modèles permettent de simuler des écosystèmes complexes mettant en jeu de nombreuses interactions entre les composantes constitutives du système et avec les facteurs biotiques ou abiotiques du milieu (Thornley, 2001a). De fait, la simulation peut souvent

fournir une information que l’expérimentation seule n’aurait pas pu offrir, parce que contrainte par le temps et les ressources nécessaires (Hirooka, 2010). Cela est particulièrement vrai dans les études d’impacts du changement climatique où la modélisation est un moyen évidemment nécessaire pour répondre aux questions de recherche posées (Thornley, 2001a; Soussana et al., 2010).

Un modèle peut se définir comme une représentation simplifiée et idéalisée de la réalité, construite sur la base d’un ensemble ordonné d’hypothèses relatives à un phénomène observable et mesurable, et ayant pour but de reproduire au mieux le comportement du système réel étudié, en fonction de la problématique posée et des objectifs du modélisateur (définition adaptée de Coquillard et Hill, 1997). Les modèles peuvent être déterministes ou stochastiques, dynamiques ou statiques, mécanistes ou empiriques. Un modèle déterministe est un modèle dont les prédictions ne reposent pas sur des distributions de probabilité, contrairement au modèle stochastique dont les prédictions intègrent de fait un caractère aléatoire (Thornley, 2001a). Un modèle dynamique utilise généralement un ensemble d’équations différentielles fonctions du temps, alors qu’un modèle statique est par définition indépendant du temps (Thornley, 2001a). Un modèle empirique est construit sur la base d’équations statistiques ou mathématiques qui n’ont pas pour volonté d’être explicatives des processus modélisés mais justes d’être prédictives (Thornley, 2001a; Hammer et al., 2002). Ces équations sont établies sur la base de régressions à partir de données expérimentales (Hammer et al., 2002). A contrario, un modèle mécaniste est basé sur une certaine idée de comment le système fonctionne, sur les éléments à considérer comme importants dans la modélisation et sur les interactions qui lient ces derniers. Ce type de modèle fournit un certain degré de compréhension et d’explication des mécanismes modélisés, en mettant en évidence, au travers des équations utilisées, des relations de causalité entre les quantités et les processus modélisés à un niveau d’organisation donné et les phénomènes observés à un niveau d’organisation supérieur (Thornley, 2001a). En réalité les modèles mécanistes contiennent toujours une part d’empirisme, leurs équations reposant en partie sur des régressions des données expérimentales. De même, les modèles empiriques les plus simples emploient des variables biologiques ayant un caractère explicatif. La distinction entre les approches descriptive (modèle empirique) et explicative (modèle mécaniste) des modèles réside donc davantage dans le degré d’intégration de la compréhension des mécanismes dans les équations utilisées, que dans la présence ou l’absence de tout caractère explicatif (Hammer et al., 2002). Les modèles complexes renvoient à des modèles où l’approche cartésienne ne suffit plus, ou l’approche systémique devient obligatoire pour la représentation de l’objet d’étude, constitué

d’un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’une finalité donnée (de Rosnay, 1975). Afin d’étudier les interactions et interdépendances entre les éléments du système, les modèles de simulation systémiques sont dynamiques, le plus souvent déterministes et mécanistes. Ils sont organisés sur la base de sous-modèles et consistent en un ensemble (parfois considérable) de variables d’état, d’équations différentielles et de paramètres. Ces modèles sont à même de considérer beaucoup de facteurs en lien avec le système étudié et permettent de dégager le comportement d’ensemble du système en réponse à ces facteurs.

L’élaboration d’un modèle dépend étroitement des objectifs du modélisateur (et de la problématique de l’étude) ainsi que de sa connaissance du système étudié et des données expérimentales dont il dispose. L’ensemble de ces contraintes permet de définir les échelles spatiale et temporelle du modèle, le niveau de détail (i.e les processus à modéliser), et la méthode de modélisation à employer (Coquillard et Hill, 1997).

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Fig. 9. Etapes de la démarche de modélisation (d’après Coquillard et Hill, 1997 ; Hirooka, 2010)

L’utilité de l’introduction d’une complexité additionnelle dans les modèles n’est pas évidente (Hakanson, 1995), la vrai vertu du modélisateur résidant dans sa capacité à représenter le système étudié avec parcimonie. Très souvent, l’échelle d’étude choisie (spatiale et temporelle) oriente les concepteurs de modèles vers une approche essentiellement descriptive (modèles empiriques) ou bien au contraire principalement explicative (modèles mécanistes)

des processus biophysiques identifiés comme important à modéliser pour l’échelle d’étude considérée (Bolte, 2006). Cela conditionne aussi souvent le degré de complexité de ces modèles. La connaissance du système est également déterminante pour le choix de la représentation du fonctionnement du système. Ainsi, dans les situations pour lesquelles les mécanismes sont encore peu compris, des modèles simples et essentiellement empiriques peuvent fournir des prévisions plus fiables que des modèles complexes et plus mécanistes (Bolte, 2006).

Une fois le modèle conçu, il convient d’évaluer ou « critiquer » les sorties du modèle (Thornley, 2001a). Cette étape est essentielle à la démarche de modélisation et repose sur la comparaison des valeurs simulées aux données expérimentales. La validation d’un modèle vise à quantifier les situations (e.g. pédoclimatiques) où les prédictions de ce modèle sont « valides », c’est-à-dire proches des observations mesurées en conditions réelles. Cela permet de définir le domaine de validité du modèle ainsi que sa robustesse. Une fois le modèle évalué voire validé, les valeurs simulées peuvent servir à appréhender le fonctionnement des systèmes étudiés et à répondre à la problématique posée. Les étapes de la démarche de modélisation sont résumées dans la figure 9). La modélisation est par conséquent un outil puissant dans la mesure où elle permet d’organiser les connaissances actuelles autour du fonctionnement d’un système donné et d’identifier ce qui fait défaut à notre compréhension de ce fonctionnement.

L’étude sur le long terme du fonctionnement des écosystèmes prairiaux en réponse au changement climatique, et notamment à l’augmentation anticipée de la variabilité climatique et des évènements extrêmes doit nécessairement s’appuyer sur la modélisation. La section suivante introduit les principaux modèles d’écosystème prairial.

3.2. Tour d’horizon des modèles d’écosystème prairial

Comme explicité dans la section précédente, le développement d’un modèle dépend nécessairement de sa finalité et du public auquel il se destine. Ces contraintes conditionnent les hypothèses de simulation ainsi que les échelles d’étude (temps, espace) choisies. La simulation des écosystèmes prairiaux en est une bonne illustration puisque les modèles existants couvrent une large gamme de finalités, de public et donc d’échelles à la fois spatiales (de la parcelle de prairie à la biosphère) et temporelles (de l’heure à l’année). Les publics auxquels ces modèles se destinent sont en effet multiples: i) les porteurs d’enjeux, principalement les agriculteurs et les conseillers agricoles, mais également les décideurs politiques, qui sollicitent une aide pour le raisonnement de la gestion des agro-écosystèmes

(outils d’aide à la décision, OAD), ii) les chercheurs, qui souhaitent répondre à des questions de recherche ciblées grâce à des outils suffisamment intégrateurs du fonctionnement des ces écosystèmes (outil de recherche, OR), iii) les enseignants, qui espèrent des modèles un support pour leur enseignement (outil d’enseignement, OE).

Les OR développés depuis une trentaine d’années sont généralement plus complexes et le plus souvent plus mécanistes que les outils d’aide à la décision ou d’appui à l’enseignement. La gamme d’échelle d’études adoptée par ces différents modèles est vaste, allant d’une représentation parcellaire jusqu’à la biosphère terrestre. De plus, les finalités de ces modèles sont également très variables.

A l’instar de la présentation des modèles de cultures de Wageningen (van Ittersum et al., 2003), cette présentation des modèles d’écosystèmes prairiaux se base sur trois critères :

• Le niveau d’abstraction de ces modèles. Six niveaux peuvent être identifiés : la parcelle de prairie, le système fourrager, le système d’élevage et à plus grande échelle encore la région, le continent et la biosphère,

• A quel public se destinent ces modèles : OR, OAD, OE,

• Leur(s) finalité(s), qui se reflètent très souvent au travers de leur utilisation principale, cette dernière pouvant être appréhendée au travers des publications utilisant le modèle concerné.

Sans vouloir être exhaustives, les sous-sections suivantes donnent un aperçu des modèles existants en insistant davantage sur les échelles parcellaire et du système fourrager. Une description résumée des différents modèles, incluant le niveau d’abstraction, les publications et l’utilisation principale des modèles est disponible en annexe de ce chapitre.