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Introduction

Tout récit se situe quelque part. Dès qu’une histoire commence, elle le fait en un lieu, se prolonge et se termine dans un endroit, similaire ou différent du premier. Ce lieu peut être dépeint dans les moindres détails, avec la plus fine des précisions, dans une longue description (pensons ici à plusieurs auteurs naturalistes français du XIXe siècle) ou au contraire, à peine mentionné, présenté sur le bout d’une phrase (comme dans l’écriture minimaliste qui a accompagné le Nouveau Roman, par exemple). Quel est donc le but de ces descriptions spatiales rigoureuses ou réduites? Certainement, l’écrivain souhaite amener le lecteur à entrer dans l’univers qu’il a mis en place pour lui, à le faire adhérer (ou non) au réel de la fiction. Dans le meilleur des cas, le lecteur s’y engagera avec envie et curiosité, s’abandonnant au plaisir de ces mots qui le mèneront plus loin que lui-même, pour un temps.

Aussi, c’est en pratiquant l’art de l’écriture que plusieurs écrivains constatent l’importance que peut prendre l’espace géographique dans le monde romanesque. À la fois ami et ennemi de l’auteur, la description d’un univers qu’on souhaite rapproché du réel le plus possible ou éloigné au maximum s’avère à la fois complexe et libérateur. Cela permet, entre autres choses, de percevoir dans la nature du mot l’étendue de son pouvoir. Nombre d’auteurs s’entendent à dire qu’il faut, en tant qu’écrivain, trouver le mot juste, effort considérable et parfois même rageant, surtout lorsqu’on s’entête à vouloir décrire un lieu avec les meilleurs repères possibles. Au-delà de l’espace, dans la mouvance physique des personnages, il y a le lien partagé entre spatialité et quête identitaire. Par-delà ces éléments propres au contenu diégétique d’une œuvre fictionnelle s’ajoutent les caractéristiques

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génériques auxquelles ce dernier appartient. Qu’il s’agisse d’un roman autobiographique, historique, policier, fantastique ou science fictionnel, le texte rejoindra son lecteur de différentes manières.

En ce qui nous concerne, le genre fantastique permet d’explorer les fonctionnalités de l’espace à l’intérieur d’une écriture qui dépasse les limites réalistes du fait humain. Comme notre roman se déroule en Abitibi, nous souhaitons analyser l’utilisation de l’espace géographique témiscabitibien dans l’imaginaire fantastique afin de montrer son impact sur la quête identitaire des personnages.

Ce travail se veut la poursuite d’une réflexion sur l’écriture. Ainsi, grâce à un parcours créatif et à la lecture d’ouvrages en tout genre, nous tenterons de saisir certains rouages de l’écriture fantastique propres au genre du roman à l’intérieur de l’espace physique témiscabitibien. Notre réflexion se basera sur un roman de Joël Champetier et un roman d’Éric Gauthier, ayant respectivement écrit La mémoire du lac1 et Une fêlure au flanc du

monde2, deux œuvres situant leur intrigue en Abitibi-Témiscamingue.

Avant de passer à l’analyse, il apparaît pertinent de faire un bref état de la question quant au genre fantastique, afin de pouvoir, à notre tour, mieux le définir. Par la suite, nous entreprendrons la même démarche à propos de la notion d’imitation et de représentation de l’espace géographique en littérature, puisque c’est sur ces deux balises que repose notre questionnement. Ce qui amène une approche singulière au présent travail est sans doute la situation géographique des récits. L’Abitibi-Témiscamingue, parce que région éloignée et peu connue, nous apparaissait un lieu de recherche sur le fantastique fort pertinent, tant sur le plan des procédés formels que de l’espace mis en scène. À l’aide des romans mentionnés

1 Joël Champetier, La mémoire du lac, Québec, Alire, 2008, 278 p. 2 Éric Gauthier, Une fêlure au flanc du monde, Québec, Alire, 2008, 525 p.

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ci-haut, il sera possible de montrer par quelles stratégies – discursives et narratives – la spatialité du territoire de l’Abitibi-Témiscamingue permet aux personnages de se trouver ou au contraire, de se perdre encore plus.

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Le roman fantastique

Si la nouvelle fantastique québécoise a fait l’objet de plusieurs études pertinentes (Michel Lord (1995), Lise Morin (1996), Marc Boyer (2004) et Marie-Claude Lapalme (2010), entre autres), le roman fantastique québécois a été quant à lui quelque peu délaissé par les chercheurs contemporains :

[B]ien qu’ils prennent rarement la peine de le dire, les théoriciens traitent presque toujours de la nouvelle dans leurs essais de caractérisation. L’occultation de l’agissement au profit de l’événement, le caractère unique du phénomène fantastique, la solitude du héros et de la créature – toutes caractéristiques que la critique donne comme constituants du fantastique – renvoient plus à la nouvelle qu’au roman3.

Pourquoi en est-il ainsi? Marc Boyer, dans son mémoire de maîtrise, explique que « la nouvelle […] dispose d’un avantage considérable sur le roman en ce qui a trait à la production du fantastique4 », entre autres de par sa brièveté qui isolerait l’élément fantastique et le

personnage, puis par l’effet de chute, de précipitation et de fin incisive propres aux caractéristiques de la nouvelle, et enfin, par l’étrangeté bien souvent dissimulée jusqu’à la fin du récit. Pour sa part, Morin ajoute : « Alors que le roman invite à alterner des fragments contrastés et à privilégier la ligne courbe, puisqu’il diffère sans cesse la résolution de l’énigme pour conserver l’intérêt tout en ménageant les forces du lecteur, la nouvelle, eu égard à sa brièveté, pratique l’art du raccourci et peut se permettre de maintenir une tension maximale du début à la fin5 ».

Ainsi, par ces caractéristiques génériques, la nouvelle serait une candidate plus propice à l’avènement du surnaturel que le roman. Bien que nous ne puissions qu’acquiescer

3 Lise Morin, « De la nouvelle fantastique au roman fantastique » dans Études Canadiennes/Canadian

Studies, nº 40, 1996, p. 28.

4 Marc Boyer, « L’espace et le fantastique : Étude de la spatialisation dans quelques nouvelles fantastiques de

Bertrand Bergeron, d’Hugues Corriveau et de Carmen Marois », mémoire de maîtrise en littérature française et québécoise, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, 2004, p. 4.

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devant ces évidences, nous nous permettons une objection. Le fantastique ne revêt pas la même fonctionnalité dans les deux genres. Au-delà de l’effet de surprise produit à la lecture de la nouvelle, le roman permet de travailler sur l’évolution physique et psychologique du personnage principal et des personnages secondaires, ainsi que de créer des mondes denses dans lesquels ils évoluent. La sensibilité qui peut être véhiculée par le genre fantastique n’est pas à négliger non plus. Certains vecteurs du récit surnaturel ont besoin de temps (et d’espace !) ou, à tous le moins, de pages, pour alimenter les modalités génériques. Fabre, cité par Morin abonde en ce sens : « La mirabilisation a plus de prise sur un texte étiré en longueur, soumis au rythme romanesque d’alternance entre tensions et relâchements, offrant ainsi des creux dans lesquels peuvent facilement se glisser les éléments centrifuges6 ».

Morin explique ce que Fabre entend par « mirabilisation » : il s’agit des éléments du récit qui viennent calmer le jeu de l’inexplicable, sorte d’accalmie passagère permettant au personnage (et au lecteur) de penser à autre chose, pour un temps, ou d’assimiler la présence du fantastique dans l’œuvre. Ajoutons que ces moments d’atténuation du phénomène ajoutent également à l’effet de réel établi dans le récit fantastique, caractéristique importante du genre dont il sera question plus loin. Ainsi, le roman fantastique laisse une place plus grande au récit raconté afin de ne pas réduire le genre au caractère angoissant et inattendu auquel on s’attend. Il donne aux personnages la possibilité d’évoluer et de montrer un caractère sensible.

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Définir le genre fantastique

Nombre de chercheurs ont tenté de définir le genre fantastique, pourtant il semblerait que le résultat ne soit pas à même de plaire à tous, puisqu’on y revient encore. Si l’on arrive à en baliser les grandes lignes, plusieurs œuvres finissent par glisser entre les mailles génériques, nous forçant ainsi à revoir nos perceptions. Car si plusieurs auteurs se limitent à respecter, volontairement ou non, les cadres du genre, certains ont nuancé leur écriture de composantes jugées voisines ou dissemblables au fantastique. Qui plus est, ce dernier contient en son joug des sous-genres : le fantastique canonique et le néo-fantastique. Cette différenciation a été établie, entre autres, par Lise Morin et agréée par Boyer et Lapalme dans leur étude respective. Il nous apparaissait essentiel de le mentionner puisque le présent travail, bien que n’étant pas axé sur le mélange des sous-genres, n’aura d’autre choix de s’y frotter à quelques moments que ce soit dans son déroulement, notamment par la présentation des romans de Joël Champetier et d’Éric Gauthier qui sont taraudés par une certaine mixité, tout en restant, malgré tout, des romans néo-fantastiques.

Même si « […] on ne peut toujours trancher de façon précise à propos du caractère canonique ou néo-fantastique d’une œuvre donnée, puisqu’il est fort probable que cette œuvre ne dispose pas que de traits propres à une seule des deux tendances7 », nous sommes

tout de même parvenus à mettre en lumière quelques définitions proches en termes

d’éléments génériques selon différents chercheurs et écrivains. Si Stanley Péan avance « [d’]étiquet[er] fantastique tout récit introduisant un grain de sable dans la machine bien

7 Marc Boyer, « L’espace et le fantastique : Étude de la spatialisation dans quelques nouvelles fantastiques de

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huilée de la réalité objective, sous forme d’un phénomène surnaturel qui peut aisément conduire à un bris irréparable dans le bon fonctionnement de celle-ci8 », Michel Lord suggère

la construction du fantastique d’une façon plus méthodique :

[…] il existe un système de croyance et d’incroyance (contenu idéologique, psychologique, culturel, etc.) formalisé esthétiquement dans et par le système narratif (forme du contenu) dans le texte fantastique et ce (double) système explique et structure le texte fantastique en tant précisément que texte fantastique de par le questionnement qu’il instaure – qui s’instaure – dans le récit autour de la question de la croyance ou de l’incroyance dans le phénomène étrange. Cet ancrage de contenu sert de déclencheur de la fantasticité. En d’autres termes, l’esthétisation du questionnement sur l’étrange forme la matière/manière du récit fantastique9.

Steve Laflamme propose quant à lui trois façons de définir le genre fantastique. Premièrement, « une œuvre doit faire apparaître un phénomène insolite [et] le phénomène en question est du registre du surnaturel…10 ». Il situe son deuxième point au niveau du cadre

référentiel : « Le phénomène [surnaturel] doit avoir lieu dans un univers réel, familier pour le personnage qui en est témoin11 ». Enfin, « [l]e surnaturel, survenant dans un cadre réel,

doit entrainer chez le personnage-témoin un malaise12 ». De son côté, Lise Morin, qui cite

nombre d’auteurs ayant proposé des définitions, suggère la synthèse suivante : « Des définitions exposées, je retiens que le fantastique se caractérise par une fracture du réel (Castex, Caillois) enregistrée par un personnage du récit (Todorov) ; qu’il fait entorse à une règle postulée dans la fiction (Rabkin) […] et qu’il prend souvent la forme d’une enquête (Fabre, Bessière, Lord)13 ».

8 Stanley Péan, « Horreur et subversivité en littérature fantastique », dans Maurice Émond [dir.] Les voies du

fantastique québécois, Québec, Nuit blanche éditeur, coll. « Séminaire » des Cahiers du Centre de recherche

en littérature québécoise, #3, p. 162.

9 Michel Lord, La logique de l’impossible, Québec, Nuit blanche éditeur, 1995, p. 40.

10 Steve Laflamme, « Initiation au fantastique : éléments de définition », dans Québec français, nº 139, 2005,

p. 36, [en ligne]. http://id.erudit.org/iderudit/51264ac [texte consulté le 28 mars 2013].

11 Id. 12 Id.

13 Lise Morin La nouvelle fantastique québécoise de 1960 à 1985. Entre le hasard et la fatalité, Québec, Nuit

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Sommairement, disons tout d’abord que le genre fantastique est caractérisé par l’incursion d’un élément irrationnel dans la réalité collectivement admise du récit. L’effet survient lorsque l’un des personnages est frappé par un élément qui défie l’une ou plusieurs des normes humaines se voulant scientifiques, physiques ou tangibles. Cette cassure dans la réalité doit, deuxièmement, entrainer chez l’un des personnages un questionnement existentiel qui, la plupart du temps, sera suivi d’une investigation de sa part. L’effet produit ne peut donc être laissé de côté par le personnage, de par son caractère extraordinaire. Enfin, cette quête de la vérité doit, par quelques stratégies d’écriture, se laisser voir comme étant pernicieuse, amenant à un désordre (à la fois physique et psychologique chez le personnage) dans l’ordre logique des choses, ouvrant la voie à d’autres possibilités.

Comme plusieurs autres genres, le fantastique ne se borne pas à éveiller chez le lecteur un même et seul sentiment. En effet, Morin, en citant Lovecraft, soulève un point important à ce sujet qui stipule que « le récit fantastique constitue une mécanique à construire en vue de la production d’une atmosphère d’angoisse, et non un lieu d’investissement des terreurs infantiles14 », en ce sens que ce genre ne revêt pas obligatoirement un caractère terrifiant ou

horrifique. Le sentiment d’angoisse, la sensation de malaise, le trouble, à eux seuls peuvent suffire à actionner les rouages du récit et, dans certains cas, la peur peut « apparaît[re] comme [le] symptôme le plus naturel du malaise qu’éprouve le personnage-témoin15 ». Qu’en est-il

maintenant de la distinction entre les deux sous-genres du fantastique mentionnés plus haut soit le fantastique canonique et le néo-fantastique?

14 Ibid., p. 40.

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Pour reprendre les explications de Lise Morin16, le fantastique canonique, ou nommé

aussi fantastique traditionnel est, par sa définition, le plus ancien des deux sous-genres. On y associe la plupart des récits fantastiques du XIXe et XXe siècle. Dans ceux-ci, le personnage en proie au surnaturel fait figure de victime, beaucoup plus que de héros, puisqu’il réagit avec passivité devant le phénomène. S’il tente la plupart du temps de le nier, mais sans succès, dès lors qu’il essaie de trouver une réponse à ses interrogations, la relation qu’il établit avec l’objet ou la figure fantastique demeure tendue, parce qu’inexplicable et sans issue. Cet esprit de fatalisme le conduit dans la majorité des cas à sa perte. Les récits relevant du fantastique canonique sont la plupart du temps dysphoriques, ne laissant en se terminant qu’un effet de malaise.

Le néo-fantastique, comme son nom l’indique, est apparu plus récemment. Ces types de récits présentent un personnage qui, bien que happé par l’insolite, tente de comprendre le phénomène, mais également de vivre avec celui-ci et parfois même, d’en tirer parti. Le personnage admet que ce dont il est témoin défie l’entendement, mais il tend à l’accepter, raison pour laquelle les histoires néo-fantastiques se terminent la plupart du temps, avec une fin moins néfaste pour le personnage que dans le fantastique canonique. Le personnage peut passer à deux doigts de la mort ou de la folie, mais au bout du compte, il en sort transformé. Le texte néo-fantastique va également présenter différents registres dans un même récit, allant du dramatique au comique, en passant par l’ironie et l’autodérision, différence marquée par rapport à son prédécesseur.

16 Lise Morin, La nouvelle fantastique québécoise de 1960 à 1985. Entre le hasard et la fatalité, op. cit.,

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L’espace géographique en création littéraire

En début de parcours, explorer l’importance de la géographie, d’un point de vue de sa description et de son implication dans le déroulement d’un récit nous semblait une entreprise complexe. Si, au départ, deux avenues se proposaient, soit de tenter d’analyser l’espace géographique de l’œil critique et objectif du géographe, ou encore, d’y aller d’une approche plus sensible et subjective propre à l’écrivain, force est d’admettre que, dès qu’on pose à l’écrit ce que notre esprit a entrepris d’analyser par notre regard ou notre pensée, nous tombons inévitablement dans une représentation du réel, car, de fait « [c]haque fois que je tente de rendre compte d’un lieu, d’un paysage, d’une vision spécifique d’une expérience à la fois essentielle et signifiante que je désire intégrer avec justesse à la construction de la diégèse, je me heurte à mon incapacité à recréer une matérialité, à me souvenir exactement d’un lieu…17».

Si le degré de réel de cette représentation peut être différent, la manière de penser la géographie en création est « comme une attention renouvelée aux espaces incarnés et une tentative de réinvestir, d’habiter, de s’approprier des lieux, dans la mesure où leur description géographique, littéraire – suppose une volonté d’inscription du sujet dans leurs coordonnées18 ». Partant de l’interrogation à savoir comment la littérature peut cautionner la

tentative de représenter le lieu comme il l’est de manière vraisemblable, nous commencerons par souligner le fait que « [l]’identification d’un espace géographique dans un texte ne passe pas nécessairement par son attestation matérielle ; il existe une dimension d’invisibilité qui

17 Christiane Lahaie, « Des nouvelles du paysage » dans Contre-jour : cahiers littéraires, nº 3, 2004, p. 94. 18 Christine Baron, « Littérature et géographie : lieux, espaces, paysages et écritures », dans LHT Le partage

des disciplines, Fabula, [en ligne]. http://www.fabula.org/lht/8/index.php?id=221 [Texte consulté le 6 avril 2013].

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rend néanmoins manifeste l’existence d’espaces vécus, ce qui distingue la science géographique de la démarche de l’écrivain […]19» et que, forcément, « [l]es lieux mis en

scène par la littérature, qu’ils soient urbains ou ruraux, architecturaux ou naturels, cadastrés ou dignes de toutes les théories du chaos, répondent dans leur lisibilité à des critères davantage poétiques que géographiques20 ». Ainsi, pour l’écrivain, même tenter de reproduire

le réel à l’aide de mots reflétant au mieux sa pensée demeure un processus qui « dépen[d] de structures syntaxiques et grammaticales, figurales et sémantiques, voire intertextuelles, toutes aptes à en véhiculer l’essence et la signification21 » et ce, même si le lieu que l’on

tend à décrire est référentiel. En effet, ce dernier sera mis en mots dans toutes ses caractéristiques certes, mais possèdera en plus, une teinte propre à l’écrivain, et puis, propre au personnage qui l’habite, puisque, comme le souligne Lahaie : « […] dès lors qu’on vise à représenter le paysage, il semble qu’on doive choisir de le raconter plutôt que de le décrire22 ».

L’espace témiscabitibien

Non pas que Montréal ou Paris n’aient plus rien à faire découvrir. Les landes écossaises et le métro de New York demeureront encore des lieux à réécrire (et à relire) de différentes manières. Alors pourquoi bâtir notre travail sur un lieu aussi peu fréquenté (littérairement parlant) que l’Abitibi-Témiscamingue? Pour reprendre les mots de Lahaie : « Pourquoi nos villes et nos villages n’auraient pas les mêmes résonnances symboliques de Paris, Londres

19 Id.

20 Christiane Lahaie, « Entre géographie et littérature : la question du lieu et de la mimèsis », dans Cahiers de

géographie du Québec, vol. 52, nº 147, 2008, p. 440.

21 Id.

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ou Bangkok?23 » Car, il est vrai, « [s]ouvent l’étudiant québécois grimace à l’idée de lire une

histoire qui se passerait à Bécancour, P.Q., comme s’il était d’emblée évident qu’on allait avoir affaire à une œuvre littéraire de seconde zone24 ». En défendant cette idée, nous la

poussons même plus loin : c’est justement par son caractère inconnu, négligé, voire boudé par les récits contemporains que l’Abitibi-Témiscamingue devient un espace aussi profitable pour le genre fantastique. Il devient un lieu de création des possibles et les espaces, dans ce genre, deviennent des moteurs de l’action mise en place. La quête identitaire des personnages est, assurément elle aussi, marquée par ces spécificités spatiales puisque « le livre de fiction n’a rien d’un guide Michelin. Il est à la fois moins et davantage en ce qu’il fournit des indications assez floues sur les lieux dont il traite, mais il les transcende, les magnifie, en leur

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