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Pour finir cette introduction voici la présentation de nos quatre chapitres : 28 �

La dynamique dans ce cinquième point de cette introduction est de présenter sous forme synthétique ce que nous traitons dans notre thèse et principalement dans ces quatre chapitres. Le premier chapitre est le plus long de toute notre analyse, car nous traitions d’une généalogie historique du monde des communications. En effet nous avons besoin de reprendre des éléments de l’histoire du « monde de la communication organisationnelle », dans son versant professionnel. Ce chapitre a dès lors une amplitude historique qui va d’un début que nous avons identifié dans une origine généalogique où le travail pour remonter aux « sources », nous mène aux Etats-Unis, où la construction progressive d’une opinion publique joue un rôle dans la mise au point de services spécialisés dans les rapports avec la presse, où le Marketing pense sa communication publicitaire, où les entreprises cherchent à augmenter les compétences d’un encadrement par une meilleure « communication ». Les pionniers développent des pratiques professionnelles de communication, les formalisent pour les enseigner et les populariser ; ils spécialisent des « métiers » en faisant à la fois de la communication d’entreprise et de la gestion de crise. C’est alors que nous avons pu constater que cette forte influence américaine va dépasser les frontières et aller au-delà des océans.

Le développement de ce monde professionnel a des impacts différents au Brésil et en France, mais nous avons pu noter que dans les deux cas, la communication organisationnelle professionnelle c’est d’abord le développement du secteur des « Relations Publiques ». Au Brésil, l’équipement industriel est en pleine transformation (c’est le moment de la construction de Brasília) mais encore le moment politique de la dictature (1965-1985), il touche fortement le monde médiatique et l’expression, de manière plus globale. En France, jusqu’après-guerre

29 (1945-1960), c’est une reconstruction industrielle d’entreprises souvent françaises, mais qui vont apprendre aux Etats-Unis, grâce au Plan Marshall, les différentes formes de communications utiles à l’entreprise. Des métiers se transforment, tel le journalisme et l’on commence aussi à parler de journalisme d’entreprise.

Les professionnels vont créer au fur et à mesure des associations leur permettant de discuter de façon plus transparente l’avenir des organisations (maison de verre – France, Aprol et Aberje Brésil). Une nouvelle structuration professionnelle en communication devient nécessaire aux yeux des grandes entreprises, et des différents services vont se mettre en place tels que la Communication Interne, la Communication Externe, etc., en ouvrant cette fois-ci la possibilité de discutions plus égalitaires entre employeurs et employés. C’est ainsi, dans les deux pays que nous étudions que nous voyons émerger de grands professionnels, directeurs d’agence ou responsables de services dans des grandes entreprises, qui définissent des manières de faire, des valeurs pour le métier, des « doctrines ». Les échanges entre les professionnels de la communication d’entreprise et les secteurs académiques se font de plus en plus présents, car émerge une demande plus pressante celle de former des professionnels diplômés plus nombreux.

Dans cette période, nous ne serons pas loin des questions de propagande, un mot présent dans les deux pays, et des distinctions entre publicité et communication verront le jour. Se met alors en place une structure organisationnelle nouvelle dans les entreprises, la communication cherchant à se différencier du Marketing-Publicité, de l’organisation même du « Management », de l’organisation industrielle appuyée sur le monde des ingénieurs. La « communication » a besoin de former des professionnels en « Relations Publiques », en journalisme interne, communication interne et externe, « gestion de crise »… avec de nouvelles technicités (analyse et étude de presse ; audits sociaux, etc.). Nous noterons que le monde professionnel, pour s’organiser et se légitimer, installe des formes comme les associations, des publications (éditeurs et revues) et des journées d’étude. Le monde professionnel progresse ainsi par réflexivité et par ruptures de modèles.

Dans le chapitre 2 nous allons étudier l’émergence d’un champ scientifique la « Communication Organisationnelle », et nous intéresser aux formations universitaires, au développement des recherches utiles au « métier ». Ce chapitre commencera avec les premières formations universitaires et s’arrêtera vers 2006-2008 ; c’est en effet sur cette période-là que, dans un cadre disciplinaire propre à chaque pays, s’installera une « sous-discipline », des

30 formations académiques professionnelles et des recherches permettant des carrières de professeurs ou de chercheurs. Nous nous arrêterons au moment où ce champ scientifique semble bien installé dans chaque pays. Nous suivrons donc aussi ici les premiers moments et les premiers Professeurs qui ont contribué à l’émergence et à la stabilisation d’un champ de recherche actuellement désigné comme « communication organisationnelle » (au singulier ou au pluriel). Nous pointerons le fait que l’amplitude de la construction de ce champ de recherche est plus long au Brésil (une quarantaine d’années) qu’en France (une vingtaine d’années).

Notre recherche des sources et références que mobilisent les chercheurs nous conduit une nouvelle fois aux Etats-Unis. Nous commencerons ainsi avec Redding à l’Université Perdue avec une théorisation d’une « speech communication », une approche théorique et pratique utile dans les moments de guerre où les officiers et sous-officiers de l’armée doivent être formés. L’ambition est en effet d’améliorer les « communications des organisations ». Perdue sera un lieu de production de très nombreux nouveaux chercheurs et Professeurs qui ainsi rayonneront. Pour clore la période d’analyse de la communication organisationnelle aux Etats Unis, nous ne pouvions pas ne pas faire un rapide état des transformations théoriques qui affectent aussi « la communication ». Les liens entre les approches théoriques de la communication (instrumentale ou systémique, notamment) et les approches théoriques de la communication organisationnelle ne sont pas faciles à expliciter, mais les enseignants- chercheurs en communication organisationnelle, comme formateurs ou chercheurs, ne pouvaient pas ne pas prendre en compte les évolutions marquantes des années 1940-1970. Dix ans plus tard, une nouvelle génération de jeunes chercheurs va essayer, elle aussi, d’intervenir et de créer des nouvelles approches, le congrès à Alta restera marqué dans l’histoire des communications organisationnelles, car une rupture du courant fonctionnaliste aura lieu.

Cette influence académique va aussi dépasser les frontières, s’exercer sur des professionnels brésiliens au contact d’universitaires américains ou canadiens ; ces professionnels deviendront universitaires, dans des Universités qui se lancent dans l’aventure, comme l’Université de São Paulo pour Cândido Andrade. Un nouveau champ disciplinaire s’installe, celui de l’analyse de discours au service des entreprises, comme dans la Communication d’Entreprise enseignée alors par le professeur Cândido Andrade, dans un premier temps. Un peu plus tard, de jeunes chercheurs voudront instituer la Communication Organisationnelle, comme Gaudêncio Torquato et Margarida Kunsch.

31 En France, cette perspective arrive 20 ans plus tard, car dans les origines de la culture académique française (sociologie, relations humaines, etc), au moment clef de la fondation des Sciences de l’Information et de la Communication, les échanges entre les entreprises et les universitaires ne sont pas acceptés, même si la nécessité de la formation de professionnels nombreux et bien formés aux Sciences Sociales est évidente. Cependant très tôt, même avant la création de la discipline SIC, dans le cadre de la Sorbonne (Paris), le CELSA (Centre d’Etudes Littéraires et Scientifiques Appliquées), aujourd’hui (École des hautes études en sciences de l’information et de la communication) a pu voir le jour avec Charles-Pierre Guillebeau voulant former des professionnels réfléchissant aux théories et pratiques de la communication d’entreprise. Ce dernier sera un artisan de la mise en place d’une nouvelle « discipline », les Sciences de l’Information et de la Communication, rompant avec les études littéraires fortement éloignées des mondes professionnels. Il nous faudra comprendre cette dynamique particulière.

Ce rapport professionnel/académique, dans les deux pays, va nous obliger à trouver des concepts plus ajustés à ce que nous voulions étudier, l’installation de disciplines universitaires et la création de champs de recherche pour des formations doctorales : deux nouveaux mots clés dans notre recherche, Institutionnalisation Cognitive et Institutionnalisation Sociale. Le champ de recherche académique se développe avec des travaux que l’université peut reconnaître avec la création de groupes d’études et des publications des Revues Scientifiques. Nous ne pouvons faire abstraction du fait que le monde même des « communications d’entreprise » ou des organisations change, en même temps. La tâche des universitaires est dès lors à la fois d’ajuster leurs formations aux nouveaux besoins et de comprendre les évolutions mêmes des organisations et du rôle de leurs « communications » dans ce processus de transformation régulière. Dès lors nous serons attentive aux rapports que peuvent entretenir les formateurs et chercheurs aux mondes professionnels eux-mêmes, leurs modes de « connaissance ».

Le chapitre 3 sera le plus court de cette thèse. Il vise à établir un état des lieux, une fois la « Communication Organisationnelle » installée comme champ de recherche légitimé dans sa discipline-mère. Il cherchera aussi à situer les nouvelles thématiques et les nouvelles pistes de recherche donc sur les dix dernières années. Ce chapitre est aussi plus court car nous avons voulu réserver la présentation d’une part importante des communications organisationnelles

32 brésiliennes, la « Communication Intégrée » pour notre quatrième et dernier chapitre. Nous nous en expliquerons dans un moment.

C’est une période où l’université se transforme, où les formations sont plus encadrées, où les exigences d’internationalisation affectent l’organisation et la production des recherches universitaires. On pourrait donc se demander si ce contexte, selon toute hypothèse, un contexte partagé dans les deux pays, ne pouvait pas amener des rapprochements entre les communications organisationnelles brésiliennes et françaises.

Ce chapitre commence encore par les Etats-Unis. Ce n’est pas par une volonté de systématisme dans l’organisation de notre thèse ; c’est ici plutôt que, quand on cherche à repérer les « états des lieux » (nous n’avions pas à le faire nous-mêmes et ne le pouvions pas non plus, bien évidemment !), nous avons cherché les universitaires qui s’étaient confrontés à cette tâche difficile. Il y en a au Brésil, certes et en France aussi, et ce chapitre 3 cherchera à reprendre leur travail, mais la plupart d’entre eux reprennent les états des lieux qu’ont fait les américains, depuis Linda Putnam. L’intérêt est que faire un état des lieux oblige à définir des classements, des catégories et à expliciter ces catégories pour penser la diversité des travaux et des approches. Faire un état des lieux amène à décrire des « courants », des « épistémologies » derrière des objets qui peuvent être les mêmes. Nous chercherons donc ensuite à analyser la manière dont, au Brésil et en France, nous esquissons des bilans, nous cherchons à nous situer et à produire discussions et échanges.

La période récente est aussi marquée par l’apparition de nouvelles pistes. Le monde des « communications » dans les entreprises et les organisations, le monde des compétences métiers a vécu des transformations, tant à cause des transformations des firmes –et des agences- qu’à cause de la transformation des « techniques de communication » qui affectent tous les services des entreprises, et bien sûr aussi « la communication ». Ici encore, est-ce que ces transformations vécues de part et d’autre de l’Atlantique amène des nouveaux domaines de recherche et des échanges allant dans le sens d’une « convergence » entre les recherches ?

Nous arrivons enfin à notre chapitre conclusif, le quatrième ; nous y consacrons un regard très attentif à une pratique que des chercheurs et des professionnels veulent développer : la Communication Organisationnelle Intégrée (COI) au Brésil, le Marketing Communication Integrated (MCI) aux USA et la Communication Marketing Intégrée en France. Nous avons en effet réservé la présentation de la Communication Intégrée développée au Brésil par Margarida

33 Kunsch pour ce chapitre qui tente de la comparer avec une pratique concurrente développé par des professionnels en France.

Ainsi, le concept de la Communication Intégrée existe dans les deux pays, voire trois (et nous retrouvons ici des traces des influences américaines en France). Néanmoins, nous verrons que ces deux approches de « l’intégration » ne donnent pas lieu aux mêmes interprétations.

On peut estimer que ces deux approches sont des manières stratégiquement différentes de répondre aux mêmes problèmes. Face à la multiplication des professionnels, des services, des conseils « en communication », le sentiment de non cohérence, voire de cacophonie amène les uns et les autres à vouloir installer un pilotage stratégique de tous les intervenants. L’offre nouvelle est dès lors une offre de pilotage et de conseil en management de la Communication. L’approche Brésilienne, universitaire, inscrit cette réflexion et cette proposition dans une dynamique de « Communication ». L’approche Française (une agence filiale de l’Agence Américaine qui défend cette approche) est professionnelle, s’inscrit dans le marché du conseil en management, et vise à ce que ce soit la dimension Marketing qui pilote les communications au service de l’entreprise, pour asseoir l’« intégration » dans une perspective orientée « client ». On relèvera dès lors que l’approche universitaire brésilienne est plus appuyée sur des perspectives « humanistes » telles qu’elles pouvaient se trouver dans les « Relations Publiques » des débuts.

Nous pourrons dès lors prendre appui, pour notre conclusion, sur ce chapitre, pour tenter de comprendre pourquoi les universitaires français, pourtant plus orientés sur l’analyse du management, ne se sont pas intéressés, à une exception près, à ce qu’Alain Van Cuyck, appelle le paradigme « La Communication Intégrée un nouveau paradigme organisationnel » (2007). Repérer des différences qui perdurent entre les mondes universitaires brésiliens et français ouvre à des questions sur les manières dont des chercheurs apprennent les mondes qu’ils veulent comprendre et sur leurs rapports aux acteurs sociaux (des professionnels, des responsables d’agences de communication) dont les pratiques les intéressent et qui inventent les nouvelles manières de « faire de la communication » dans un monde économique en perpétuelle transformation.

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Chapitre 1 : Le monde professionnel des Relations Publiques et

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