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Figure 1.3 : Représentation schématique de l'organisation cellulaire d'un îlot de Langerhans

1.2.4.1 Le pancréas endocrine

Les îlots de Langerhans sont composés de quatre types cellulaires majeurs et chacun d'entre eux est responsable de la sécrétion d'une hormone pancréatique distincte (Figure 1.3). Les cellules P forment la majorité de la masse des îlots (-70%) et sont responsables de la sécrétion de l'insuline. La masse cellulaire restante des îlots est constituée des cellules a (20%), ô (10%) et PP (1%) qui sécrètent respectivement le glucagon, la somatostatine et le polypeptide pancréatique (PP).

L'insuline et le glucagon sont les deux hormones essentielles dans le métabolisme des hydrates de carbone comme le glucose. L'insuline est la plus importante des hormones pan- créatiques, comme l'illustre l'état des patients atteints de diabète, une maladie caractérisée par une dérégulation, voire une absence, de la production de cette hormone. C'est un peptide de 51 acides aminés, sécrété dans la circulation sanguine en conditions d'hyperglycémie (niveau de glucose sanguin élevé; principalement après les repas), qui active son récepteur présent sur la majorité des cellules, ce qui permet l'absorption du glucose par celles-ci (350). C'est aussi la seule hormone hypoglycémiante du corps humain. Le glucagon, pour sa part, agit un peu à l'opposé de l'insuline car c'est une hormone hyperglycémiante qui favorise la formation de glucose par le foie en conditions de jeûne. C'est un peptide de 29 acides aminés sécrété dans la circulation sanguine en conditions d'hypoglycémie (niveau sanguin de glucose bas) et qui se lie à son récepteur présent sur certaines cellules cibles pour permettre son action (351). La somatostatine est une hormone peptidique retrouvée sous deux formes (14 ou 28 acides aminé). En plus de sa sécrétion par les cellules ô, la somatostatine est aussi sécrétée par certaines cellules de l'estomac, de l'intestin et du cerveau (352). Elle est aussi appelée hormone inhibitrice des hormones de croissance (GHIH; growth hormone inhibiting hormone) car l'activation des récepteurs de la somatostatine inhibe la relâche de plusieurs hormones de croissances mais aussi celle des autres hormones pancréatiques (352, 353). Finalement, le polypeptide pancréatique, est une hormone peptidique de 36 acides aminés de la même famille que le neuropeptide Y (NPY) et le peptide YY (PYY), stimulant tous trois la famille des récepteurs Y (354). La sécrétion du PP est principalement observée suivant l'absorption de nourriture et son rôle majeur serait le contrôle de l'appétit (355). De part leur importance physiologique, les mécanismes de sécrétion des différentes hormones pancréatiques sont des processus hautement régulés, et les nucleotides extracellulaires y participent.

1.2.4.1.1 Modulation de la sécrétion d'insuline par les nucleotides extracellulaires La sécrétion de l'insuline par les cellules P des îlots de Langerhans est un processus complexe comprenant plusieurs étapes régulatrices. Le signal le plus important induisant la sécrétion d'insuline est l'augmentation de la glycémie. En effet, comme la concentration de glucose sanguin est plus élevée, une quantité plus importante de glucose entre dans la cellule p par l'action du transporteur membranaire spécifique GLUT2 (356). Le glucose entré à l'intérieur de la cellule est métabolisé en générant de l'ATP intracellulaire. Les cellules p expriment au niveau de leur membrane le canal potassique KATp qui est sensible aux variations du ratio de concentrations

[ATP]/[ADP] cytosoliques. Quand la concentration d'ATP est plus élevée que la concentration d'ADP dans le cytoplasme, le canal KATp se ferme entraînant une dépolarisation de la membrane

plasmique et l'activation subséquente du canal calcique sensible au voltage (356). L'augmentation du Ca2+ intracellulaire qui en résulte déclenche le processus d'exocytose des granules de sécrétion

où est emmagasinée l'insuline préformée (357). Ce mécanisme général de stimulation de la sécrétion d'insuline par le glucose est bien décrit depuis déjà une trentaine d'années. Par contre, plusieurs évidences récentes suggèrent également l'existence d'un mode de sécrétion d'insuline par le glucose indépendante du canal KATp (358). En fait, il est possible que tout stimulus provoquant

une augmentation de la concentration de Ca2+ cytosolique dans les cellules P puisse entraîner la

relâche subséquente d'insuline.

Comme on l'a vu précédemment, la sécrétion d'insuline dépend des niveaux d'ATP intracellulaire, mais elle est aussi contrôlée par les nucleotides qui se trouvent dans le milieu extra- cellulaire. D'ailleurs, il a été montré que l'ATP, ainsi que ses dérivés ADP et AMP, sont emmagasinés en quantité importante dans les vésicules contenant l'insuline (359) et que ces nucleotides sont sécrétés lors du processus d'exocytose (360, 361). D'ailleurs, suite à une stimulation au glucose in vitro, il est possible de mesurer, à la surface des cellules P, des con- centrations d'ATP d'environ 25 uM, suffisantes pour activer la majorité des récepteurs P2 (362).

Les premières évidences de l'implication des nucleotides extracellulaires dans la sécrétion d'insuline remontent à 1963, quand Candala et Garcia-Fernandez ont montré que l'injection intraveineuse d'ATP augmente la concentration d'insuline plasmatique chez le rat (363). La majorité des études subséquemment effectuées pour comprendre la régulation de la sécrétion d'insuline en réponse aux nucleotides extracellulaires ont été réalisées par l'équipe de Loubatières-

Mariani et ses collaborateurs dont Petit, qui a d'ailleurs publié récemment un article de revue complet sur le sujet (364).

Chez la majorité des espèces, aussi bien le rat (365-368), le chien (366, 369-371) que l'humain (372), l'application exogène de nucleotides adénylés (ADP>ATP), ainsi que de leurs analogues synthétiques (ex. ADPpS, apMeADP, 2MeSATP etc.), augmente la relâche d'insuline en présence de concentrations de glucose stimulant la sécrétion d'insuline. Chez la souris par contre (373, 374), la stimulation des cellules P par ces même agonistes de récepteurs P2 diminue significativement la sécrétion d'insuline dans les mêmes conditions. Cependant, il semble que dans certaines circonstances une augmentation de la sécrétion soit aussi observée (375, 376). Des études plus approfondies seront nécessaire pour clarifier ce point. Plus en détail, il a été montré que des différences sont observées au niveau de la mobilisation du Ca2+ intracellulaire dans les cellules p de

ces deux espèces (377). Bien que la stimulation par l'ATP entraine une relâche de Ca2+ provenant

de réserve intracellulaire dans les deux espèces, chez le rat une réponse soutenue dans le temps par un influx de Ca2+ déclenché suite à la mobilisation des réserves des organelles est aussi observée.

Cet influx est abscent chez la souris (377). Cette différence pourrait expliquer l'effet opposé observé sin la modulation de la sécrétion d'insuline puisqu'il a été montré que l'inhibition de l'exocytose des granules de sécrétion observé chez la souris est due à un mécanisme en aval de la mobilisation du Ca2+ des réserves intracellulaires induite par l'activation d'un récepteur P2Y (378).

La sécrétion de l'insuline par les différents îlots présents dans le pancréas se fait de manière synchronisée. Au niveau systémique, cela se traduit par une variation dans le temps des niveaux d'insuline sécrétée qui permet d'éviter la désensibilisation des récepteurs à l'insuline et le développement subséquent du phénomène de résistance impliqué dans le diabète de type 2. De plus, toutes les cellules P au sein d'un îlot donné ont le même rythme de pulsation sécrétoire que celles des autres îlots dans le même pancréas (379). Même s'il a été démontré que l'augmentation de la glycémie est nécessaire à la sécrétion pulsatile d'insuline par les cellules P pancréatiques, les mécanismes qui permettent une telle rythmicité ne sont pas encore bien définis. La présence de terminaisons nerveuses non adrénergiques et non cholinergiques qui contribuent à la propriété de synchronisation a été mise en évidence dans les îlots de Langerhans (380). Par ailleurs, il semble que l'ATP relâché au niveau de ces terminaisons nerveuses soit le médiateur physiologique à l'origine de la synchronisation inter-îlots (381, 382). Au sein d'un îlot de Langerhans donné, la sécrétion pulsatile de l'insuline par les cellules P est directement sous le contrôle des variations de

la concentration de Ca2+ cytosolique. Néanmoins, il semble que les jonctions communicantes mais

aussi la relâche intermittente d'ATP soient également importantes pour la formation des vagues de sécrétion d'insuline entre les différentes cellules P (383, 384).

Les cellules P expriment un grand nombre de récepteurs à nucleotides P2X et P2Y (Tableau 1.5) qui semblent impliqués dans les effets observés des nucleotides extracellulaires sur la relâche d'insuline. Plus spécifiquement, la contribution du récepteur P2Yi dans ce processus a été démontrée à l'aide de plusieurs évidences expérimentales obtenues chez la souris et le rat. Les souris P2ry{'~ déficientes pour le gène codant pour le récepteur P2Yi présentent une insulinémie élevée comparativement aux souris de type sauvage en conditions d'hyperglycémie, indiquant que l'absence d'expression du récepteur entraîne une dérégulation de la sécrétion de l'insuline (385). Une étude publié dernièrement montre aussi l'implication du récepteur P2Y) dans l'augmentation de la sécrétion d'insuline chez la souris (376). Chez le rat, la synchronisation de la sécrétion d'insuline par les cellules p est inhibée par la molécule MRS2179, un antagoniste spécifique du récepteur P2Y| (386). Cependant, d'autres études menées chez la souris et le rat ont suggéré la contribution d'un ou plusieurs autre(s) récepteurs) P2Y distinct(s) du récepteur P2Yi (364). Chez la souris, trois études publiées récemment, bien qu'ayant des conclusions contradictoires, montrent l'implication du récepteur P2Y6 (374-376). L'équipe de Parandeh et al. observe une augmentation

de la sécrétion d'insuline dans des cultures primaires d'îlots isolés, en utilisant de faibles concentrations d'UDPpS, un agoniste non hydrolysable du récepteur P2Y6. Cette augmentation qui

est dépendante de la concentration, est inhibée par la molécule MRS2578, un antagoniste spécifique du récepteur P2Y6 (375). En comparaison, Ohtani et al. montrent une inhibition de la sécrétion

d'insuline par des îlots isolés suite à une stimulation à l'UDP (200 uM), l'agoniste naturel du récepteur P2Y6 (374). Par contre, cette même équipe montre dans leur dernière étude que l'activation de ce récepteur chez la souris entraine plutôt une augmentation de la sécrétion d'insuline (376). Ils expliquent, dans ce dernier article, que la différence peut venir du fait que deux lignées différentes de cellules P ont été utilisées (376). Lors du congrès international « Purines 2008 » qui a eu lieu à Copenhague au Danemark (auquel j'ai assisté), Amisten et al. ont présenté un résumé montrant l'implication probable d'un autre récepteur (P2Yi3) dans la régulation de la

sécrétion d'insuline chez la souris (387). Chez le rat, une étude menée avec des dérivés non hydrolysables de l'ATP et de l'ADP suggère l'existence d'une voie de sécrétion de l'insuline modulée par un récepteur P2Y, indépendamment du récepteur P2Yi (388). Finalement, une autre étude a montré, chez le rat, que l'augmentation de la sécrétion d'insuline observée au niveau de

cultures primaires d'îlots isolés et des cellules de la lignée INS-1 en réponse à l'ADPpS ou à l'ATPaS, dépend de l'augmentation des niveaux cytosoliques du second messager AMPc (389). Ces résultats suggèrent l'existence, chez le rat, d'un récepteur purinergique régulant la sécrétion de l'insuline et dont l'activation entraîne une augmentation de l'activité de l'adénylate cyclase. Le récepteur P2Yn apparaît comme un candidat potentiel intéressant, étant le seul récepteur purinergique connu dont l'activation aboutit à l'augmentation de la concentration d'AMPc intracellulaire. L'expression de récepteurs P2Yn fonctionnels par les cellules P pancréatiques a d'ailleurs été démontrée chez l'humain (390, 391) et le hamster (390). Toutefois, puisque seul le gène humain codant pour le récepteur P2YM a été identifié jusqu'à présent, l'hypothèse de

l'implication de ce récepteur dans la régulation de la sécrétion d'insuline chez le rat, demande à être vérifiée. Par contre, il est important de mentionner ici que, chez le hamster (cellules HIT-T15), l'activation de la sécrétion d'insuline via le récepteur P2Yn n'est observée qu'en présence d'un antagoniste du récepteur P2X7, l'ATPo, car l'activation du récepteur P2X7 semble entraîner une

diminution de la sécrétion d'insuline par les cellules HIT-T15. Par contre, ce phénomène semble être spécifique à cette lignée cellulaire, car la présence du récepteur P2X7 n'a pas été détecté chez

d'autres espèces (390).

Outre celle présentée précédamment, concernant l'implication du récepteur P2X7, peu

d'études ont été effectuées pour déterminer l'implication des récepteurs P2X dans la sécrétion d'insuline. Les premiers résultats qui ont permis de poser l'hypothèse de l'implication des récepteurs P2X sur la sécrétion d'insuline chez le rat remontent à l'étude de Bertrand et al. démontrant pour la première fois la différence d'action entre l'ATP et son analogue l'apMeATP dont l'affinité pour les récepteurs P2X est plus forte (368). Par la suite, deux articles montrent que l'activation de récepteurs P2X par l'apMeATP augmente légèrement la sécrétion d'insuline en présence de concentrations non stimulatrices de glucose (3 mM) chez le rat et chez l'humain (372, 392). Il semble que les cellules P de différentes espèces expriment des récepteurs P2X rapidement désensibilisables, soit P2Xi ou P2X3, car l'application d'aPmeATP sur ces cellules entraîne un

courant ionique entrant (393). Une étude menée chez le rat pointant aussi vers l'implication des récepteurs P2X a montré que la sécrétion d'insuline est modulée par l'action autocrine de l'ATP et du Zn2+ sécrétés suite à une stimulation au glucose (360). Les cations Zn2+ étant connus comme co-

activateurs de certains récepteurs P2X avec l'ATP, l'hypothèse est posée selon laquelle ces récepteurs-canaux seraient impliqués dans la modulation de la sécrétion d'insuline (360). Une étude récente montre que chez l'humain, c'est le récepteur P2X3 qui semble être le plus important dans la

modulation de la sécrétion d'insuline suite à une stimulation par le glucose d'îlots de Langerhans isolés (394).